B. LE PARCOURS DU DEMANDEUR D'ASILE

Depuis l'importante réforme de 2003, le parcours du demandeur d'asile a été simplifié, l'OFPRA jouant un rôle de « guichet unique ».

1. Le dépôt de la demande

En tout premier lieu, un demandeur d'asile doit se rendre à la préfecture de son domicile 1 ( * ) , afin d'obtenir une autorisation provisoire de séjour (APS) d'un mois, obligatoire pour saisir l'OFPRA. Pour ce faire, il doit présenter un dossier comprenant un formulaire à remplir en français, des indications relatives à son état civil et aux conditions de son entrée en France, ainsi qu'un justificatif de domicile.

En principe, le demandeur est admis au séjour pendant toute la durée de la procédure. Cependant, quatre motifs de refus peuvent être invoqués par le préfet : si un autre Etat européen est responsable de l'examen de la demande, si la personne est originaire d'un des 14 pays d'origine « sûrs » figurant sur la liste de l'OFPRA 2 ( * ) , si la personne constitue une menace grave à l'ordre public ou, enfin, si la demande d'asile est considérée comme délibérément frauduleuse ou abusive .

La liste des pays d'origine sûrs

Au sens de l'article L. 741-4-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) , introduit par la loi précitée du 10 décembre 2003, un pays est considéré comme « sûr » « s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales » .

En juin 2005 , le conseil d'administration de l'OFPRA a fixé une première liste comprenant le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Mali, l'Ile Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l'Ukraine. En mai 2006, furent ajoutés l'Albanie, la Macédoine, Madagascar, le Niger et la Tanzanie. Deux pays furent retirés par le Conseil d'Etat en février 2008 : l'Albanie et le Niger.

Une dernière réunion du conseil d'administration de l'Office décida d'une nouvelle révision de la liste en novembre 2009 : la Géorgie fut retirée et l'Arménie, la Serbie et la Turquie ajoutées. Statuant sur un recours contre cette liste, le Conseil d'Etat a, par décision du 23 juillet 2010, retiré l'Arménie, Madagascar, la Turquie et le Mali (dans ce dernier cas, la mesure de retrait ne s'applique qu'aux femmes). La liste actuelle comprend donc désormais 14 pays d'origine « sûrs » .

Dans le cas des ressortissants de ces pays, l'examen de la demande d'asile s'effectue par l'OFPRA en procédure prioritaire à savoir dans un délai de quinze jours, le recours à la CNDA n'étant alors pas suspensif. Par ailleurs, ces ressortissants sont exclus des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et ne peuvent bénéficier que de l'allocation temporaire d'attente (ATA) pendant l'examen de leur demande à l'OFPRA.

De cette décision dépendra le type de procédure de l'examen de la demande d'asile : en procédure normale en cas de délivrance de l'APS, en procédure prioritaire en cas de refus .

En procédure normale , la préfecture délivre un formulaire qui doit être envoyé à l'OFPRA 21 jours au plus tard après la délivrance de l'APS. Au vu de la lettre d'enregistrement de l'OFPRA, la préfecture délivre au demandeur d'asile un « récépissé constatant le dépôt d'une demande d'asile », valable 3 mois et renouvelable pendant toute la durée de la procédure.

En procédure prioritaire , le demandeur doit remettre ce formulaire sous pli fermé au préfet dans un délai de 15 jours après le refus de séjour, pour transmission à l'OFPRA, qui dispose lui-même de 15 jours pour instruire (délai ramené à 96 heures si le demandeur se trouve placé en centre ou en local de rétention administrative).

2. L'instruction du dossier par l'OFPRA

Si le dossier est complet et arrivé dans les délais, l'OFPRA édite la lettre d'enregistrement qui certifie le dépôt de la demande d'asile. L'instruction du dossier est ensuite attribuée à l'une des quatre divisions géographiques de l'Office (Asie, Afrique, Europe-Moyen-Orient et Amériques-Maghreb) et traitée par un officier de protection 3 ( * ) spécialisé sur le pays concerné.

a) L'entretien obligatoire

L'OFPRA doit convoquer le demandeur d'asile à un entretien .

Quatre exceptions à cette procédure sont toutefois prévues par la loi :

- si les éléments fournis dans le dossier suffisent à l'Office pour prendre une décision positive (par exemple, dans le cas d'un membre de la famille d'un réfugié, qui bénéficie par là-même du principe d'unité de famille des réfugiés) ;

- lorsque le demandeur possède la nationalité d'un pays revenu à une situation de démocratie et d'état de droit (il s'agit par exemple de la Pologne, la Hongrie, la République Tchèque, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie ou le Chili, dont les ressortissants vivant en France ont perdu leur statut de réfugiés) ;

- en cas d'empêchement médical ;

- lorsque les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés, c'est-à-dire sans rapport avec les critères fixés par les textes relatifs à l'asile.

L'audition a lieu au siège de l'OFPRA, à Fontenay-sous-Bois, dans le Val-de-Marne, mais il existe également une antenne à Basse-Terre (Guadeloupe), compétente pour les demandes formulées aux Antilles et en Guyane.

L'officier de protection est assisté d' un interprète et l'entretien est confidentiel.

A la fin de l'entretien , l'officier de protection indique au demandeur la suite de l'instruction de sa demande : la notification de la décision (dans les semaines ou les mois à venir) et les modalités de recours devant la CNDA en cas de rejet.

b) L'instruction et la décision

Dès lors commence le travail d'analyse de l'officier qui, à partir de la synthèse de l'audition, apprécie la cohérence, la précision et la crédibilité des déclarations au regard des éléments connus sur la situation du pays d'origine. L'officier de protection doit indiquer s'il distingue un motif de persécution prévue par la convention de Genève (race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social et opinions politiques). Si ce n'est pas le cas, il envisage les motifs de protection subsidiaire (peine de mort, torture et traitement inhumain et dégradant, violence généralisée) 4 ( * ) .

Pour les demandeurs admis au séjour, l'OFPRA ne dispose pas de limite de délai pour instruire la demande, contrairement au cas de procédure prioritaire. Toutefois, si l'instruction nécessite plus de six mois, l'officier de protection doit en informer le demandeur.

A l'issue de l'instruction, si la qualité de réfugié est reconnue, l'intéressé est placé sous la protection de l'Office . Son dossier est transféré à la division de la protection pour l'établissement de son état civil et la délivrance des documents tenant lieu d'actes d'état civil.

En revanche, il existe deux types de décisions de rejet de la demande de statut de réfugié :

- la décision de rejet mais d'accord de protection subsidiaire . L'OFPRA motive alors les raisons juridiques qui lui ont fait écarter la reconnaissance du statut de réfugié mais considère que les faits sont établis et qu'ils relèvent d'une menace grave ;

- la décision de rejet en l'absence de faits établis ou parce qu'ils ne relèvent ni du statut de réfugié, ni de la protection subsidiaire . Il s'agit de la grande majorité du nombre de décisions.

Afin de leur venir en aide à chaque étape de ce parcours complexe, les demandeurs d'asile peuvent bénéficier de l'appui d'associations spécialisées (CIMADE, France terre d'asile...), y compris au stade du contentieux de la décision de l'OFPRA.

Grâce au « bouche à oreille » au sein de la communauté d'origine du demandeur, au personnel des centres d'accueil ou encore à l'existence de réseaux d'avocats spécialisés dans la défense des droits de l'homme (dont vos rapporteurs spéciaux ont pu rencontrer une représentante), les demandeurs d'asile peuvent recevoir une aide technique (traduction, aide à la rédaction du dossier) mais également un soutien psychologique .


* 1 En 2006, à l'initiative du comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) du 20 novembre 2005, l'expérimentation d'une régionalisation a été mise en place confiant la compétence de l'admission au séjour à un ou deux préfets par région (dans la majorité des cas, il s'agit du préfet de région). D'abord introduit en Haute-Normandie et en Bretagne, ce dispositif a été progressivement généralisé à l'ensemble du territoire par arrêtés ministériels depuis mars 2009.

* 2 Cf. encadré infra.

* 3 Il s'agit de fonctionnaires de catégorie A relevant de l'OFPRA et recrutés soit par concours spécifique, soit à la sortie d'un institut régional d'administration (IRA).

* 4 En 2008, l'OFPRA a pour la première fois accordée la protection subsidiaire à des jeunes filles mineures exposées au risque d'excision.

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