C. EN AMONT DU SINISTRE
Il ne faut pas considérer que le sinistre lui-même. Il n'y a pas que le site. Il y a l'amont. Que se passe-t-il ? Les avions sont bloqués, les gens attendent dans les aéroports : qu'en fait-on ? Ceux qui sont bloqués dans les trains en rase-campagne : qu'en fait-on ? Ceux qui sont naufragés de la route, qui sont bloqués parce que tout est bloqué, des milliers de gens sur la route dans des embouteillages inextricables : comment prendre soin d'eux ? Là encore je pose des questions.
Les conditions sanitaires : les égouts sont rompus. Il n'y a plus de colonnes. Comment faire face éventuellement à l'hygiène ?
J'ai parlé des conditions climatiques. Il fait très chaud comme en ce moment, c'est la canicule. Imaginons ce qu'il se passe aujourd'hui. Imaginons qu'il gèle.
La compréhension de la situation par les populations : Tenons-nous compte des us et coutumes ? Des centaines de communautés différentes vivent en France. Certains étrangers ne parlent pas français. Des Français ne savent ni lire ni écrire. Ils sont incapables de lire un message d'alerte. Ils ne sont d'ailleurs pas capables de le comprendre.
Imaginez que la sirène se déclenche en ce moment. Croyez-vous que les gens vont déserter les terrasses et cesser de boire leur apéritif ? Bien sûr que non. Ils se demanderont ce qui se passe. Quelques-uns diront qu'il vaut mieux rentrer et s'enfermer. Combien vont le dire et entraîner les autres avec eux ? Très peu. Donc, aujourd'hui, personne n'est prêt.
Est-ce que la France est prête ? J'ai tendance à dire non. On est vraiment très loin d'être prêt.
Tout ce qui a été exposé tout à l'heure est très autocentré. On est sur l'Etat et ses prérogatives, avec tout ce qui est régalien. Parle-t-on d'associer le monde associatif ou la population elle-même à la gestion de crise ?
Depuis 2004, la loi de sécurité civile dit que le citoyen est acteur de sa propre sécurité. Cela fait six ans que la loi est passée. Je fais remarquer que depuis six ans, il n'y a toujours pas de décret d'application de cette loi. Cherchez l'erreur.
J'ai le sentiment aussi que la population continue à croire que l'Etat veille sur elle, qu'il faut dormir tranquille et qu'il l'aidera. Il est temps aujourd'hui de rentrer dans la rupture par rapport à ce langage qui a tendance à endormir nos concitoyens, et il est temps de les réveiller durement. Aujourd'hui, les crises se multiplient de façon alarmante. Je suis entouré de spécialistes de l'urgence. Plus elles se multiplient et plus elles montent en puissance. Aujourd'hui, les crises vont de pire en pire.
Je rappelle un phénomène que les spécialistes connaissent et que le public a oublié : la tornade d'Hautmont en août 2008. Une tornade qui a détruit complètement 200 maisons. C'est la première fois que les assurances indemnisent 200 maisons en totalité. Cela n'est jamais arrivé, du moins depuis que les assurances existent. On n'a jamais connu cela dans notre époque moderne.
Je crois qu'il faut se poser ici les bonnes questions. Je remercie encore le colonel Cova pour son exposé. Que va-t-on avoir comme problèmes à la suite de cet énoncé ? Il va falloir faire un état des lieux, mais avec qui ? Merci d'avoir éliminé vos véhicules et de voir qu'ils sont tous fracassés. Peut-être pas, mais peut-être. En tout cas, ils le sont dans l'exercice.
C'est comparable à la pandémie. Vous avez ceux qui pensent qu'ils ne vont pas être malades. Arrêtons de délirer. J'ai fait mon plan de continuité d'activité l'année dernière, j'ai imaginé que dans mon service, on était sur les rotules jusqu'à n-6. Je suis descendu jusqu'à n-6, car en dessous personne ne peut prendre le commandement chez moi. J'avais prévu d'être malade, même le premier.
Quand les secours publics s'imaginent qu'ils vont entrer en oeuvre pour sauver la population, il faut se demander, dans le cas d'un séisme, si on a encore du matériel, des hommes. Les hommes sont-ils valides ? Je ne parle pas forcément physiquement, mais psychologiquement. Sont-ils victimes ? Ne sont-ils pas préoccupés par ce qui arrive à leur femme et à leurs enfants ? Eux-mêmes ne sont-ils pas sinistrés ? Peut-on compter sur eux ?
Évidemment, mon colonel, dans vos îles, vous êtes loin de la métropole et pendant 24 heures il faut gérer seuls. En métropole, une catastrophe de ce genre est européenne. Arrêtons-de dire que nous allons réagir seuls.
Une catastrophe de cette ampleur au niveau français est forcément européenne. Il va falloir mettre en oeuvre le mécanisme intracommunautaire pour demander du secours aux pays voisins. C'est quasiment évident pour moi. Disons-le, ouvrons les yeux.
Voilà ce que j'avais envie de dire. Concernant la communication de crise, vous aviez de la chance, vous meniez l'opération. Vous êtes dans une île et vous êtes à la tête des opérations, mais en métropole on n'en est pas là. Qui dirige les opérations en France ? Évidemment il y a le COGIC avec tout ce qu'il met en oeuvre et en compétences, mais celui-ci reçoit des ordres qui sont parfois contradictoires. Au-dessus de sa tête, ça « barde ». Que se passe-t-il au niveau politique ? Quel est le ministre qui prend la main ? L'année dernière, sur la pandémie qui a pris la main ? L'intérieur, la Santé, on ne savait plus où on en était. Il va falloir à un moment donné que les politiques accordent leurs violons.