M. Christian Kert, Président de l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles, président du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs
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Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Kert, président de l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles, président du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.
A l'invitation de M. Bruno Retailleau, président, M. Christian Kert a tout d'abord présenté M. Paul-Henri Bourrelier, l'un des fondateurs et principal animateur du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), qui l'accompagnait. Précisant que cette structure, qui avait été créée par un décret de juin 2003 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, M. Jean-Louis Borloo, comptait une quarantaine de membres, dont des élus, des fonctionnaires et des acteurs de la société civile tels que des assureurs, il a énuméré les sujets d'étude des quatre groupes de travail mis en place dès l'origine, structures temporaires dont le rapport d'étape est attendu courant juin :
- la stratégie nationale pour la prévention du risque d'inondation, groupe qui est présidé par le sénateur Eric Doligé ;
- la prévention des risques sismiques ;
- les risques naturels et les actions internationales ;
- l'efficacité des plans de prévention des risques naturels (PPRN.
Il a précisé qu'il coprésidait le COPRNM avec la secrétaire d'Etat chargée l'écologie, Mme Chantal Jouanno, et que la sénatrice Mme Marie-France Beaufils en était vice-présidente. Il a indiqué que le conseil travaillait plus particulièrement sur la tempête Xynthia, une session spécifique y ayant été consacrée trois semaines auparavant. Il a par ailleurs mentionné les sujets d'étude prioritaire pour le conseil :
- les fleuves et littoraux ;
- la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation ;
- la collaboration entre l'Etat et les échelons de proximité ;
- la maîtrise des digues. Il a fait état, à cet égard, de l'existence de barrages dépourvus de propriétaires tandis que d'autres en possèdent une pluralité, ainsi que de divergences d'avis, chez les mêmes fonctionnaires et selon les circonstances locales, sur l'utilité de la végétation recouvrant les ouvrages de protection. Il a regretté par ailleurs l'absence de révision de digues protégeant des secteurs urbanisés alors qu'elles avaient été initialement conçues pour abriter des zones agricoles ;
- les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI). Plutôt que de poser des objectifs de couverture de communes dans un horizon de temps déterminé, il a préconisé de commencer par identifier les zones nécessitant en urgence de tels plans.
Faisant allusion à la mission d'information sur la tempête Xynthia créée à l'Assemblée nationale, il a recommandé que les deux assemblées travaillent de concert sur ce thème.
Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur d'éventuels travaux consacrés au dispositif d'alerte, M. Christian Kert a indiqué qu'il constituerait le thème du premier des nouveaux ateliers qui seront mis en place à l'automne.
Déplorant la forte culture de protection par l'Etat existant en France et l'absurdité d'un système organisé de façon extrêmement hiérarchisée, fonctionnant du haut vers le bas, M. Paul-Henri Bourrelier a estimé qu'il devait revenir au maire, au plus près des circonstances locales, de prendre les décisions. Reconnaissant toutefois à l'Etat la légitimité pour relier les connaissances générales que possèdent sur le sujet des grands organismes avec le vécu des populations et des élus, il a estimé que l'état de la science de notre pays était, en ce domaine, équivalent à celui de nos partenaires. Il a préconisé, surtout pour les PPR littoraux, le développement d'un « échelon-charnière » entre l'Etat et le niveau local, d'échange et de débat entre maires et administrés, qui pourrait être départemental ou régional.
Observant que des pays comme la Belgique, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne axaient l'essentiel de leur effort sur la prévention, là où la France se concentrait sur l'assurance et l'indemnisation, M. Paul-Henri Bourrelier a prôné une révision de l'aléa de référence au niveau local. Enfin, il a recommandé que le dispositif de vigilance météo, qui doit être élaboré localement, concerne et intègre un maximum de types de risques.
Faisant remarquer qu'une juste évaluation de la surcote avait été donnée par les services météo, mais aucune traduction en termes de submersion marine, M. Bruno Retailleau, président, a interrogé les intervenants sur les possibles améliorations du dispositif de vigilance.
M. Paul-Henri Bourrelier a suggéré l'extension de la vigilance météo à un ensemble de phénomènes naturels dérivés (crues, submersion, verglas, glissements de terrain ...). Il a rappelé que cela existe en matière en matière d'avalanche, où les stations de montagne se sont associées et ont créé des interfaces avec Météo France leur permettant de décider des procédures d'alerte en toute connaissance de cause, ainsi qu'en matière de crues, où un organisme composé d'hydrologues procède à des relevés de précipitations qu'il transforme en prévisions de débordement et transmet aux maires.
M. Paul-Henri Bourrelier a souligné la nécessité de disposer, dans les préfectures, de services aptes à transcrire les informations météo en messages d'alerte immédiatement compréhensibles. Il a par ailleurs recommandé de distinguer l'alerte proprement dite, décrétée par l'autorité préfectorale, pouvant consister en une indication de confinement ou d'évacuation, de la vigilance en amont, réalisée par les services météo.
Reconnaissant que les maires recevaient des messages d'alerte, M. Christian Kert a regretté, toutefois, que ces derniers ne soient pas accompagnés d'une analyse précise des risques encourus et de conseils de comportement. Le COPRNM, a-t-il ajouté, va travailler sur cette question.
Répondant à une objection de M. Alain Anziani, rapporteur, qui faisait observer que les préfets seraient sans doute mieux placés que les maires pour prendre les décisions opérationnelles, M. Christian Kert a indiqué que les préfets craignaient que les maires s'abritent derrière leurs instructions, et qu'au demeurant les maires possédaient une connaissance des circonstances locales que n'ont pas les représentants de l'Etat.
M. Paul-Henri Bourrelier a noté que le maire pouvait agir comme relais du préfet dans sa commune, et que l'intercommunalité constituait parfois le bon échelon d'intervention.
M. Alain Anziani, rapporteur, a fait observer que la compétence technique se trouvait au niveau, non de la commune ou de l'intercommunalité, mais du département.
M. Paul-Henri Bourrelier a reconnu qu'il relevait indiscutablement du préfet de décider, dans des circonstances exceptionnelles, du lancement des procédures d'alerte.
M. Christian Kert a fait valoir que, lors de l'épisode de crues du Rhône, il avait été difficile de lier la compétence concomitante de trois préfets ayant donné des consignes divergentes. Il a recommandé une meilleure coordination interrégionale au niveau des préfectures.
S'étonnant de la multiplicité des opérateurs de l'Etat susceptibles d'intervenir en cas de catastrophe naturelle, M. Bruno Retailleau, président, s'est demandé auxquels il appartenait plus spécifiquement de gérer la vigilance.
M. Paul-Henri Bourrelier a estimé que la réponse différait aléa par aléa, selon qu'il s'agit de risques incendie, crue, avalanche ou submersion marine, mais qu'il faudrait aller vers un regroupement ou une coordination des structures.
M. Bruno Retailleau, président, ayant questionné les intervenants sur les modes de transcription des risques dans la cartographie et les prescriptions opérationnelles, M. Christian Kert a évoqué les réticences des élus à réaliser des PPR, dues à la tutelle imposante de l'Etat, au coût des décisions à prendre, au risque d'une sanction électorale et à l'attachement des scientifiques à la seule historicité de l'aléa. Il s'est dit en revanche optimiste quant à la progression de la culture du risque, appelant à bien préciser aux maires ce qui relève de leur responsabilité et à travailler plus avant sur la constructibilité en zone inondable, envisageable dès lors qu'elle constitue une dérogation et s'accompagne de prescriptions particulières.
M. Paul-Henri Bourrelier a recommandé de mieux coordonner et hiérarchiser les différents niveaux de planification et de décision. Observant que les architectes du Grand Paris avaient tous envisagé de construire dans des zones inondables, il a reconnu qu'un travail « d'intelligence du territoire » restait, plus généralement, nécessaire sur ce thème.
A M. Alain Anziani, rapporteur, qui se demandait s'il serait utile de renforcer les liens entre PPR et documents d'urbanisme, M. Paul-Henri Bourrelier a indiqué qu'il s'agissait d'une question d'importance secondaire pour les plans locaux d'urbanisme, mais davantage centrale pour les schémas de cohérence territoriale (SCOT). Insistant sur le manque de plans locaux de sécurité (PCS), il a fait état de travaux en cours sur les conséquences du changement climatique.
M. Bruno Retailleau, président, ayant évoqué les réticences de l'administration à tenir compte de l'augmentation du niveau de la mer pour rehausser le niveau des digues, M. Christian Kert a convenu de cette frilosité. Reconnaissant ainsi qu'on ne construirait a priori plus de digues, tout en ajoutant qu'un programme de réhabilitation avait été décidé au niveau national, il a appelé à analyser de façon détaillée les cas où elles sont indispensables. Estimant que l'unicité du maître d'ouvrage était une garantie de bonne conception et d'exécution des travaux, il a jugé que l'Etat n'était pas le seul acteur envisageable, un syndicat représentatif pouvant être tout aussi efficace. Mentionnant la possibilité, envisagée par les scientifiques, d'un tsunami dans le bassin méditerranéen qui aurait des conséquences dramatiques sur les côtes du sud de la France, il regretté les réticences des élus locaux concernés à construire des digues en vue de le prévenir.
M. Paul-Henri Bourrelier a jugé que le relèvement attendu du niveau de la mer, de l'ordre de quelques dizaines de centimètres, n'était pas considérable. Par contre, il a fait observer que les Pays-Bas se protègent contre des risques plus rares. La différence d'aléa prise en compte aux Pays-Bas - qui intègrent un risque susceptible de survenir tous les 5 000 ans - et notre pays - où ce taux est simplement centennal - aboutit à une divergence substantielle de 1 à 1,5 m de hauteur d'eau.