2. Identifier les monuments historiques ayant une vocation culturelle

La CPM aurait pour autre mission de définir un critère de « vocation culturelle » des monuments historiques et des prescriptions afférentes (ouverture au public, utilisation, etc.). En effet, tous les immeubles classés ou inscrits n'ont évidemment pas vocation à devenir des lieux de culture ouverts au public. Or, si les monuments de la liste Rémond pouvaient naturellement être identifiés comme tels, rien ne permet de préjuger d'une telle qualité pour les autres bâtiments. C'est pourtant précisément cette vocation culturelle qui est à la source de polémiques telles que celle de l'Hôtel de la Marine. En effet, il est important de se demander avant toute décision de vente ou de transfert de gestion si un monument historique devrait être ouvert au public, ou bien faire l'objet d'une valorisation et d'une animation culturelles.

Cette qualification - qui pourrait intervenir à l'occasion de l'examen de transférabilité ou bien ponctuellement - pourrait d'ailleurs être utile pour des monuments historiques appartenant à d'autres propriétaires que l'État. L'utilisation de ce critère pourrait prévaloir dans trois cas :

- dans l'hypothèse d'un transfert possible, il entraînerait la cession à titre gratuit dans la mesure où il aurait pour conséquence d'imposer des obligations « culturelles » pour l'acquéreur ; l'absence de vocation culturelle pourrait déboucher en revanche sur une cession à titre onéreux (proposition n° 4) ;

- en cas de conservation par l'État, le critère de vocation culturelle et les prescriptions afférentes serviraient de guide pour la définition des cahiers des charges quels qu'ils soient (proposition n° 5). En effet, différents outils juridiques alternatifs au transfert de propriété existent, tels que les conventions de transfert de gestion d'un monument ou les baux emphytéotiques administratifs que l'État est désormais appelé à développer 47 ( * ) et qui peuvent représenter une solution satisfaisante si elle est soigneusement encadrée ;

- enfin, tout projet de déclassement du domaine public, total ou partiel, d'un monument à vocation culturelle ainsi identifié, se verrait imposer l'avis préalable de la CPM, y compris donc à la suite d'un transfert à une collectivité (proposition n° 6) . Ce troisième aspect est fondamental, car il constitue une garantie de protection du caractère inaliénable des monuments historiques , reprenant la philosophie du rapport Rigaud sur l'inaliénabilité des oeuvres des collections publiques des musées. Il vient également en écho au travail réalisé par nos collègues Catherine Morin-Desailly et Philippe Richert. Celui-ci a en effet débouché sur l'adoption d'une proposition de loi instaurant une commission scientifique nationale des collections à laquelle sont soumis les cas de déclassement des collections des musées de France 48 ( * ) . Enfin ce « verrou » scientifique répond aux inquiétudes exprimées par votre commission quant au devenir des monuments transférés dont on pourrait craindre une revente inappropriée.

Ce deuxième ensemble de propositions paraît offrir une approche à la fois :

- rigoureuse , car elle prévoit l'intervention d'une commission scientifique dont les recommandations découleront d'une analyse systématique des monuments historiques de l'État,

- souple dans la mesure où tout en garantissant le respect du principe d'inaliénabilité, elle ne fige pas pour autant l'existant et n'interdit pas a priori le déclassement du domaine public, respectant ainsi notamment le principe de libre administration des collectivités territoriales.


* 47 Cette possibilité juridique devrait résulter de l'adoption de l'article 7 quater du projet de loi relatif aux réseaux consulaires dont la deuxième lecture au Sénat est prévue le lundi 12 juillet 2010. Cet article modifie le CG3P en prévoyant expressément un bail emphytéotique administratif pour l'État, ce qui n'est pas possible aujourd'hui notamment en raison de l'impossibilité de constituer des droits réels pourtant nécessaires à l'hypothèque.

* 48 Loi n° 2010-501 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections.

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