c) Une mission qui a évolué pour tenir compte des nouveaux enjeux patrimoniaux
La lettre de mission 5 ( * ) de la ministre de la culture, envoyée le 17 février 2009, à la présidente du Centre des monuments nationaux expose clairement les priorités dont cette dernière devait tenir compte quelques mois après sa nomination à la tête de l'établissement. Diversification des publics et croissance de la fréquentation, mise en oeuvre de la maîtrise d'ouvrage, maintien de l'équilibre financier de l'établissement : tels sont les enjeux que le ministère de la culture a définis pour son opérateur. Si l'objectif financier n'appelle pas de commentaire particulier, des précisions peuvent être apportées pour évoquer le contexte dans lequel s'inscrivent les thèmes de la maîtrise d'ouvrage et de l'offre culturelle.
En ce qui concerne la maîtrise d'ouvrage , il faut rappeler qu'un important travail de révision du droit applicable a été lancé dans le cadre du plan national pour le patrimoine adopté en conseil des ministres en septembre 2003, puis de la loi n° 2004-1443 du 9 décembre 2004 de simplification du droit qui a habilité le gouvernement à légiférer par ordonnance en ce sens. L'ordonnance prise le 8 septembre 2005 comprend ainsi plusieurs mesures de simplification et modernisation, parmi lesquelles la restitution au propriétaire d'un monument historique de la maîtrise d'ouvrage des travaux et la création d'une possibilité d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, de la part des services de l'État, pour le propriétaire qui n'aurait pas les moyens de l'exercer.
L'article L. 621-29-2 du code du patrimoine précise que « le maître d'ouvrage des travaux sur l'immeuble classé ou inscrit est le propriétaire ou l'affectataire domanial si les conditions de la remise en dotation le prévoient ». C'est un changement fondamental de la conception du rôle de l'État dont les services n'assurent donc plus, sauf exception autorisée par le ministre, la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques ne lui appartenant pas.
L'article 48 de la loi de finances pour 2007 a confié au CMN la responsabilité de la conservation des monuments dont il assurait jusqu'alors la mise en valeur et l'ouverture au public et qui lui sont désormais remis en dotation. À l'instar des autres grands établissements publics patrimoniaux, comme Versailles ou le Louvre, le CMN doit donc désormais exercer l'ensemble des responsabilités lui permettant d'assurer la cohérence des interventions sur les monuments, de la conservation à la mise en valeur. « Le Centre des monuments nationaux se trouve dès lors tout autant chargé de la présentation des monuments aux publics d'aujourd'hui, que de leur préservation pour les générations futures 6 ( * ) ».
La loi prévoyait également l'éventualité de lui confier la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration sur d'autres monuments de l'État affectés au ministère de la culture et de la communication. Ce dernier a ainsi confié en 2007 à son opérateur la maîtrise d'ouvrage pour des opérations nouvelles sur des monuments historiques appartenant à l'État et affectés à la direction de l'architecture et du patrimoine (DAPA), devenue la direction générale des patrimoines depuis la réforme du ministère mise en oeuvre au début de l'année 2010. Le décret n° 2007-532 du 6 avril 2007 est ainsi venu modifier en ce sens les articles 2 et 3 du décret n° 95-642 du 26 avril 1995 portant statut du Centre des monuments nationaux.
Jusqu'alors, la maîtrise d'ouvrage était extrêmement segmentée, car relevant à la fois des architectes des bâtiments de France (ABF) pour les travaux d'entretien, du CMN pour les travaux d'aménagement mobilier, de maintenance et d'entretien courant, et de la conservation régionale des monuments historiques (CRMH) (et donc des directions régionales des affaires culturelles - DRAC) et du service national des travaux (SNT) pour les travaux d'aménagement immobiliers dans les monuments nationaux comme pour les travaux de restauration.
Lors de son audition par le groupe de travail, la présidente du Centre des monuments nationaux, Mme Isabelle Lemesle, a souligné l'importance de cette réforme pour la cohérence du pilotage de l'établissement, rappelant qu'auparavant des travaux de restauration étaient parfois lancés sans aucune consultation préalable 7 ( * ) des projets de programmation culturelle des monuments qui, incompatibles avec une activité de restauration, devaient être annulés ou décalés dans des délais très brefs.
En ce qui concerne l'offre culturelle , première mission du CMN, il faut préciser que son renouvellement a pour objectif la diversification des publics et l'augmentation de la fréquentation. Comme l'a indiqué la présidente de l'établissement public au groupe de travail, quatre objectifs ont été identifiés, autour desquels s'est articulée sa politique d'offre culturelle :
- la conception d'une offre complète intégrant des composantes permanentes et événementielles afin de renouveler les motivations de visite ;
- l'élargissement et le renouvellement des publics ;
- l'utilisation de moyens de médiation nouveaux faisant appel aux techniques numériques de l'image et du son ;
- l'ouverture aux créateurs contemporains montrant ainsi que les monuments ont évolué au cours des siècles, et que, chargés d'histoire, ils participent néanmoins de la culture d'aujourd'hui 8 ( * ) .
L'enjeu était donc, pour le CMN, de décliner ces quatre objectifs dans les monuments sur la base d'une analyse au cas par cas cherchant à identifier les motivations des visiteurs. Car si les objectifs sont communs à tous les monuments, leur mise en oeuvre doit nécessairement tenir compte des spécificités de chacun, qu'il s'agisse de leur taille, de l'intérêt de leur visite pour le public ou des possibilités de valorisation.
Lors de son audition, la présidente du CMN a rappelé le constat de départ : 80 % des personnes sont des primo-visiteurs et la part des visiteurs étrangers, qui ne reviendront pas, est très importante (ils représentant ainsi 90 % des visiteurs de l'Arc de Triomphe). Le CMN a donc pour ambition de développer le public de proximité qu'il convient de fidéliser, et il a décidé de s'appuyer pour cela sur une politique événementielle renforcée .
Enfin, il semble à votre commission qu'un dernier défi s'imposait au CMN. Il s'agit du renforcement de sa légitimité scientifique . Évoquée de façon elliptique dans la lettre de mission de la ministre de la culture, cette dimension est primordiale pour assurer la crédibilité de l'opérateur en charge de plusieurs formes de patrimoine. En effet, le Centre des monuments nationaux, dont la mission prioritaire est la présentation au public des sites, est également un acteur important de part la taille des collections qu'il gère. Ainsi, le nombre de biens culturels conservés dans les monuments et sites est de 92 772. En outre, les collections dont le CMN a la garde en vertu de l'article 2 du décret statutaire sont composées de 75 316 biens culturels. L'établissement étant propriétaire de six domaines, ce sont ainsi 17 456 biens culturels qui lui appartiennent. Entre 2003 et 2009, il a acquis des biens pour un montant de 2,9 millions d'euros. Cette mission du CMN pouvait donc être comparée, à certains égards, à celle des musées, sans toutefois que l'établissement dispose de l'expertise d'un conseil scientifique. Cette carence méritait donc d'être prise en compte au titre des enjeux patrimoniaux du CMN.
* 5 Cf Annexe.
* 6 Centre des monuments nationaux, dossier de presse relatif au programme de restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle, jeudi 19 juin 2008.
* 7 Contrairement à ce que prévoyait la circulaire n° 2005-001 du 4 janvier 2005.
* 8 Le groupe de travail a d'ailleurs constaté lui-même cette politique lors de sa visite du château de Rambouillet où, par exemple, une oeuvre contemporaine composée d'animaux en peluche faisait écho aux tapisseries d'Aubusson représentant les Fables de la Fontaine.