C. LES SCÉNARIOS D'UN FINANCEMENT RESPONSABLE

1. Les hypothèses de niveau de ressources
a) Le niveau de la contribution à l'audiovisuel public

Les hypothèses d'inflation actuellement retenues pour la construction du budget triennal 2011-2013 devraient conduire, si elles sont confirmées à l'occasion de chaque projet de loi de finances, à une augmentation annuelle de 2 euros de la contribution à l'audiovisuel public, ce qui représente un montant d'environ 50 millions d'euros de recettes supplémentaires par an .

De 2010 à 2012, son produit augmentera ainsi de 150 millions d'euros, dont une partie seulement sera consacrée à France Télévisions (environ 85 millions d'euros, soit 28 millions d'euros annuels en moyenne ) afin que soient respectés les contrats d'objectifs et de moyens de l'ensemble des organismes de l'audiovisuel public.

Par ailleurs des évolutions de l'assiette sont également envisageables.

b) La réintégration des résidences secondaires dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public

L'impact de l'intégration des résidences secondaires dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) a été estimé par les services du ministère de l'économie à partir du fichier de taxation pour l'année 2009.

Les résidences secondaires actuellement hors champ de la contribution représentent environ 2,5 millions de locaux.

Le tableau ci-après 86 ( * ) fournit les résultats demandés, étant entendu que la CAP présentée correspond à une taxation de l'ensemble des locaux, à défaut de connaître l'équipement réel des résidences secondaires en matière de télévision.

ÉVALUATION FINANCIÈRE D'UNE INTÉGRATION DES RÉSIDENCES SECONDAIRES DANS L'ASSIETTE DE LA CAP

Nombre de locaux (milliers)

Cotisation à la CAP (M€)

DOM

35,8

2,7

Métropole

2 479,7

292,6

Total

2 515,6

295,3

Source : réponses au questionnaire adressé par vos rapporteurs à Patrick de Carolis

La question posée est celle de l'équipement des résidences secondaires en téléviseurs.

Le taux d'équipement pour les résidences principales étant de 96 % et celui des étrangers propriétaires de résidences secondaires en France (qui sont dans le champ de la CAP) étant de 77 %, la mission a considéré qu'une hypothèse d'équipement des deux tiers des locaux était crédible et a donc estimé le produit d'un élargissement de l'assiette de la CAP à 197 millions d'euros .

Vos rapporteurs souhaitent par ailleurs rappeler la position de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication au moment de la réforme du recouvrement de la redevance audiovisuelle par la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, au cours de laquelle le rapporteur pour avis, Louis de Broissia, s'était opposé à l'exonération des résidences secondaires dans les termes suivants : « votre rapporteur conteste l'opportunité d'une telle décision, dont le coût est estimé à 58 millions d'euros. La fraude sur les résidences secondaires n'était pas une fatalité et pouvait être efficacement endiguée. En effet, le taux de 65 % de fraude avancé par l'Inspection générale des finances s'expliquait notamment par l'exigence de la preuve d'une détention permanente du dispositif de réception pour que la redevance soit perçue. Il fallait dans ces conditions avoir à faire à des contribuables extrêmement vertueux pour que ces derniers ne profitent pas des largesses offertes par une telle disposition : ils n'avaient en effet qu'à déclarer transporter leur poste chaque fois qu'ils se rendaient dans leur résidence secondaire pour se voir dispensés du paiement de la redevance.

« Pour lutter contre cette fraude massive encouragée par des dispositions législatives inadaptées, plusieurs pistes étaient avancées. Votre rapporteur proposait ainsi de rendre incitatif le dispositif juridique applicable par la mise en place d'une « ristourne » pour les foyers possédant un ou plusieurs téléviseurs dans leurs résidences secondaires.

« De même, dans le projet de loi de finances pour 2004, le Gouvernement proposait la clarification du droit applicable afin de permettre aux agents du service de la redevance de taxer effectivement les redevables détenteurs de dispositifs de réception dans leur résidence secondaire, sans plus se voir opposé l'argument d'un « transport systématique » et abusif du poste.

« Il est regrettable qu'en ne décidant de ne prélever qu'une seule redevance par foyer, le Gouvernement donne l'impression de valider a posteriori le choix des fraudeurs. Ce faisant, il limite du même coup le dynamisme de l'assiette de la redevance au risque de pénaliser les entreprises de l'audiovisuel public ».

c) L'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public à l'ensemble des terminaux permettant de recevoir la télévision

La simulation d'une taxation des terminaux équipés pour recevoir la télévision est présentée dans le tableau ci-après :

ÉVALUATION FINANCIÈRE D'UN ÉLARGISSEMENT DE L'ASSIETTE DE LA CAP À L'ENSEMBLE DES TERMINAUX PERMETTANT DE RECEVOIR LA TÉLÉVISION

2009

Nombre de foyers payant la contribution à l'audiovisuel public sur téléviseur (millions)

21,0 87 ( * )

Proportion de foyers non équipés d'un téléviseur

2,7%

Estimation INSEE pour 2007

Proportion de foyers non équipés d'un téléviseur équipés d'un ordinateur pouvant recevoir la télévision

estimation haute

35%

estimation basse

20%

Rappel : taux d'équipement des ménages en ordinateurs raccordés à Internet INSEE 2007

48,5%

Recettes brutes supplémentaires - en millions d'euros

estimation haute

24,1

estimation basse

13,8

Source : Direction générale des médias et des industries culturelles

L'assujettissement des terminaux équipés pour recevoir la télévision pourrait donc rapporter entre 14 et 24 millions d'euros , soit, en tout état de cause, moins de 1 % du montant des recettes actuelles de la contribution à l'audiovisuel public.

Vos rapporteurs considèrent que cette proposition permettrait cependant d'anticiper l'évolution du marché qui tend à proposer de nouveaux modes de réception de la télévision (ordinateurs, téléphones intelligents, tablettes, télévisions connectés).

d) Le produit des taxes

Le produit des taxes appliquées à taux plein et à année pleine peut être estimé à 420 millions d'euros.

Toutefois, au cas où la publicité ne serait pas supprimée entièrement sur France Télévisions, il paraîtrait nécessaire de baisser sérieusement la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes privées de télévision, dans la mesure où, comme cela a été souligné, l'effet de report est faible dans le cas d'une suppression partielle.

2. Les hypothèses de financement

HYPOTHÈSE N° 1
SUPPRESSION DE LA PUBLICITÉ EN 2012

(en millions d'euros)

2010

2012

Coûts supplémentaires

Suppression de la publicité

350 - 400

640 - 700

Suppression du parrainage

-

80 -100

Besoin total de financement

350 - 400

700 - 800

Recettes supplémentaires

Taxes (taux plein maintenu) 88 ( * )

366

420

Élargissement de l'assiette de la CAP à tous les terminaux

-

20

Réintégration des résidences secondaires dans l'assiette

-

200

Modulation de la clé de répartition de la redevance

-

100

Indexation CAP et économies réalisées

-

affectées à la modernisation du groupe

Total des recettes (CAP ou budget de l'État)

366

Environ 740

Cette hypothèse, applicable en 2012, repose sur les données suivantes :

- les besoins de financement se situeraient dans une fourchette allant de 700 à 800 millions d'euros en 2012 , à savoir le montant total des recettes publicitaires perçues par France Télévisions avant la décision prise en 2009 de suppression de la publicité, diminué des recettes issues de la publicité sur les décrochages locaux de France 3 et sur les sites Internet du groupe. Elle intègre donc à la fois le manque à gagner lié aux recettes publicitaires traditionnelles (640 à 700 millions euros), et au parrainage (entre 80 et 100 millions d'euros) ;

- les recettes budgétaires liées aux taxes instituées par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 précitée s'équilibreraient autour de 420 millions d'euros en 2012 , du fait d'une montée en charge progressive - à droit constant- du produit de la taxe sur la publicité des chaînes de télévision (rétablissement du chiffre d'affaires des chaînes historiques, montée en puissance progressive des recettes des chaînes de la TNT et du taux applicable) et de la taxe sur les opérateurs de télécommunications ;

- l'élargissement de l'assiette de la contribution de l'audiovisuel public aux terminaux permettant de recevoir la télévision permettrait d'intégrer parmi les redevables environ 200 000 foyers supplémentaires pour une recette supplémentaire de CAP estimée à environ 20 millions d'euros (voir supra ) ;

- la réintégration des résidences secondaires dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public permettrait d'intégrer environ 1,6 million de locaux pour une recette supplémentaire de CAP estimée à environ 200 millions d'euros (voir supra ) ;

- la modulation de la clé de répartition en faveur de France Télévisions, qui n'a pas d'impact direct sur le budget de l'État, est une option préconisée par vos rapporteurs afin de redonner sa pleine logique à la CAP. Cette modulation consiste à sortir du champ de la CAP certains de ses bénéficiaires actuels, comme la société de l'audiovisuel extérieur de la France 89 ( * ) , afin d'en attribuer une part plus importante à France Télévisions. Elle pourrait se faire à hauteur de 100 millions d'euros, par exemple via un financement renforcé de la société de l'audiovisuel extérieur par une dotation budgétaire et la réduction à la même hauteur de la dotation allouée à France Télévisions ;

- enfin le produit issu de l'indexation de la CAP et des économies réalisées (entre 200 et 300 millions d'euros jusqu'en 2012) devra, dans l'hypothèse de vos rapporteurs, être utilisé pour la modernisation du groupe, notamment en matière de média global (voir supra ).

Cette hypothèse équilibrée est vertueuse du point de vue culturel mais exige des modifications législatives ambitieuses sur l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public . Elle s'inspire du modèle de la BBC dont le bouquet et le financement sont bien plus conséquents que ceux de France Télévisions.

Elle n'est crédible que dans le cas où la taxe sur les opérateurs de télécommunication n'est pas remise en cause par la Commission européenne.

Enfin elle impose qu'une prise de position soit définie rapidement afin que France Télévisions puisse déterminer dans des conditions convenables l'avenir industrielle de sa régie.

HYPOTHÈSE N° 2
DE MAINTIEN DE LA PUBLICITÉ EN JOURNÉE
JUSQU'EN 2015

(en millions d'euros)

Coûts supplémentaires

2010

2012

2015

Suppression de la publicité

350 - 400

350 - 400

640 - 700

Suppression du parrainage 90 ( * )

-

Environ 35

80 -100

Besoin total de financement

350 -400

385 - 435

700 - 800

Recettes supplémentaires

2010

2012

2015

Taxes

366

380

420

Élargissement de l'assiette de la CAP à tous les terminaux

-

20

20

Augmentation de la CAP

-

affectées à la modernisation du groupe

150

Économies réalisées

-

50

Modulation de la clé de répartition de la redevance

-

-

100

Total des recettes (CAP ou budget de l'État)

366

400

740

Cette hypothèse de financement s'appuie sur un moratoire de la suppression de la publicité jusqu'en 2015 .

Elle repose sur les données suivantes :

- les besoins de financement en 2012 se situeraient dans une fourchette allant de 385 à 435 millions d'euros . Les recettes publicitaires de France Télévisions s'élevant à plus de 400 millions d'euros, la compensation de la suppression de la publicité en journée devrait s'effectuer autour de 350-400 millions d'euros 91 ( * ) . La suppression du parrainage en soirée porterait cette compensation à environ 385-435 millions d'euros. En 2015, la suppression totale de la publicité et du parrainage entraînerait des besoins de financement situés dans une fourchette allant de 700 à 800 millions d'euros ;

- les recettes budgétaires liées aux taxes instituées par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 devraient s'équilibrer autour de 380 millions d'euros en 2012. Le taux de la taxe sur la publicité des chaînes privées serait fixé à un taux bas tant que la publicité n'est pas complètement supprimée sur France Télévisions, du fait de l'absence « d'effet report » sur les chaînes privées lié à la disparition de la publicité en journée, et pourrait être établi à 3 % à nouveau au moment de la suppression totale de la publicité en 2015, ce qui permettrait de porter le produit des taxes à environ 420 millions d'euros ;

- l'élargissement de l'assiette de la contribution de l'audiovisuel public aux terminaux permettant de recevoir la télévision permettrait d'intégrer parmi les redevables environ 200 000 foyers supplémentaires pour une recette supplémentaire de CAP estimée à environ 20 millions d'euros. Vos rapporteurs considèrent, en application du principe de neutralité technologique et au-delà de l'intérêt de l'augmentation du produit de la CAP induit par cet élargissement de son assiette, que la détention d'un appareil permettant de recevoir la télévision doit entraîner le paiement d'une CAP ;

- l'indexation de la CAP entraîne une majoration de son produit d'environ 50 millions par an ; l'hypothèse s'appuie sur une allocation intégrale de cette somme de 2013 à 2015, soit une somme d'environ 150 millions supplémentaires en 2015 ;

- la modulation de la clé de répartition en faveur de France Télévisions, qui n'a pas d'impact direct sur le budget de l'État, est une option préconisée par vos rapporteurs afin de redonner sa pleine logique à la CAP (voir supra). Elle pourrait se faire en 2015 à hauteur de 100 millions d'euros via un financement renforcé de la société de l'audiovisuel extérieur par une dotation budgétaire (comme dans la première hypothèse) ;

- enfin une partie de la suppression de la publicité pourrait être autofinancée par France Télévisions en 2015, via des économies réalisées par le groupe (50 millions d'euros).

Cette hypothèse est pragmatique et repose sur une volonté de maintenir en l'état le modèle de financement de France Télévisions. Vos rapporteurs soulignent que, dans ce cas, l'élargissement de l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public aux résidences secondaires n'est pas prévu.

Elle s'inspire jusqu'en 2015, du système allemand, dans lequel la publicité n'est présente que sur les écrans de journée et impose une intervention législative assez rapide.

Elle peut n'être que transitoire, si l'on décide notamment d'affecter à partir de 2012 l'augmentation progressive de la contribution à l'audiovisuel public et certaines économies réalisées par France Télévisions à la suppression totale de la publicité sur les chaînes du groupe .


* 86 Une distinction est opérée entre DOM (tarif de 75€) et Métropole (tarif de 118€).

* 87 Le nombre de redevables avec un avis payant au titre de 2008 s'établissait à 20,7 millions. Toutefois, ce chiffre ne tient pas compte du nombre de dégrèvements prononcés sur réclamation d'office et des remises gracieuses. Dès lors, le nombre de redevables qui acquittent la contribution à l'audiovisuel public est plutôt de l'ordre de 20 millions que de 21 millions.

* 88 Ces taxes, instituées aux articles 320 KG et 320 KH du code général des impôts, ne sont pas affectées à l'audiovisuel public mais abondent bien le budget général. Une dotation budgétaire est ensuite allouée à France Télévisions en loi de finances. L'équilibre souhaité lors de la discussion sur le projet de loi sur la communication audiovisuelle et le nouveau service public de télévision était bien que le produit des taxes compense à peu près pour le budget général la dotation allouée à France Télévisions afin de compenser la suppression de la publicité en journée.

* 89 Dont les deux chaînes de télévisions ne sont pas reçues gratuitement par voie hertzienne par les redevables de la CAP.

* 90 Dans cette hypothèse, le parrainage serait supprimé après 20 heures en 2012, puis totalement en 2015.

* 91 Calcul effectué sur la base des recettes publicitaires perçues par France Télévisions avant la suppression de la télévision, qui évoluaient entre 750 et 800 millions d'euros.

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