III. AIDER LES ÉLUS À PRENDRE DE BONNES DÉCISIONS
A. AMÉLIORER L'INFORMATION ET LE CONSEIL
Votre rapporteur relève que les élus locaux sont bien trop souvent démunis pour effectuer les choix de modes de traitement des déchets. Confrontés aux propositions des acteurs privés et aux pressions des associations, ils manquent d'éléments techniques, juridiques, financiers pour choisir avec sérénité et pertinence les options à prendre. C'est pourquoi il estime indispensable, d'une part, de remettre l'expertise au centre des débats et, d'autre part, de renforcer le rôle de conseil de l'ADEME.
1. Remettre l'expertise scientifique au centre des débats
La mission a tenu à entendre un certain nombre de scientifiques sur le sujet des déchets, estimant notamment que la place de ceux-ci, au moment de la fixation des objectifs du Grenelle de l'environnement, avait été très insuffisante. Elle regrette particulièrement, à cet égard, que le comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement très récemment créé 119 ( * ) ne comprenne pas un seul scientifique. Elle déplore tout aussi fortement que la récente réforme du Conseil national des déchets 120 ( * ) , qui a sensiblement renforcé le collège associatif, n'ait pas accentué dans la même proportion la présence de scientifiques.
Il est pourtant clair que le sujet des déchets soulève de très nombreuses questions requérant une expertise scientifique poussée pour l'évaluation environnementale et sanitaire des différents modes de traitement. Votre mission a été particulièrement intéressée d'entendre les avis de scientifiques travaillant à l'INRA, s'agissant par exemple de la norme NFU 44-051. De tels avis seraient particulièrement importants pour l'élaboration des politiques publiques et pour leur application par les collectivités territoriales.
S'agissant d'un autre sujet, l'incinération, il est crucial, pour la mise en oeuvre de cette filière, que le discours scientifique soit mieux entendu , à travers des experts qui ont, de longue date, alerté les pouvoirs publics sur ce sujet et considèrent aujourd'hui qu'il n'y a plus d'impact sanitaire des unités d'incinération mises aux normes. Or on constate, à l'occasion de projets locaux, l'émergence d'un discours « pseudo-scientifique » s'appuyant sur le syndrome « NIMBY » et le « risque perçu » par les citoyens pour prospérer. Votre mission estime à cet égard que les associations de protection de l'environnement ont un devoir de lanceurs d'alerte, lorsqu'elles constatent l'existence de risques, mais ont également un devoir de responsabilité, lorsque des études scientifiques sérieuses élaborent des conclusions . Ce n'est souvent pas le cas s'agissant de l'incinération, un scientifique auditionné par votre mission ayant même évoqué l'existence « d'éco-tartuffes ». Au niveau national, il est tout de même troublant que le représentant de l'ADEME auditionné par la mission ait indiqué que la forte taxation de l'incinération décidée lors du Grenelle de l'environnement résultait d'un compromis destiné à satisfaire les associations de protection de l'environnement. Celles-ci réclamaient un moratoire alors même que le problème sanitaire a été réglé et que, comme l'a démontré le présent rapport, il s'agit d'une technologie présentant un réel intérêt du point de vue de la valorisation énergétique.
2. Renforcer le rôle de conseil et d'information de l'ADEME
Une exploration du site internet de l'ADEME permet de découvrir de nombreux documents forts utiles pour les collectivités territoriales, mais qui ne sont pas toujours tous actualisés, et qui ne tranchent pas toujours très clairement. Il conviendrait, en conséquence, alors même que les effectifs de l'ADEME connaissent une augmentation très sensible grâce au produit issu de la hausse de la TGAP , que des moyens humains spécifiques soient consacrés à l'aide à la décision pour les collectivités territoriales pour choisir les bons procédés. Les outils développés par l'ADEME (la matrice Coûts, SINOE®) permettent de disposer de repères intéressants pour mener des analyses, des études sur les coûts, mais ils gagneraient à être mieux diffusés auprès des élus locaux.
Les élus regrettent en outre une tendance « élitiste » 121 ( * ) de l'ADEME, qui privilégierait les projets innovants, pour les collectivités qui en ont les moyens, et supprimerait les subventions une fois le procédé généralisé. Il est à cet égard intéressant de relever que l'étude précitée sur les biodéchets, qui conclut à un certain surcoût de la collecte sélective de ces déchets, indique dans le même temps « L'ADEME espère mobiliser un plus grand nombre de collectivités afin d'élargir l'échantillon lors des prochaines éditions du référentiel national ou lors d'études plus ponctuelles portant sur un flux de déchet ou un mode de traitement en particulier et permettre ainsi de réaliser des analyses plus fines ».
Votre rapporteur juge en conséquence indispensable que l'ADEME diffuse davantage auprès des décideurs locaux les études qu'elle élabore afin de jouer pleinement son rôle d'aide à la décision .
* 119 Décret n° 2010-370 du 13 avril 2010 portant création du Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement.
* 120 Décret n° 2009-1043 du 27 août 2009 relatif au Conseil national des déchets et à la commission d'harmonisation et de médiation des filières de collecte sélective et de traitement des déchets.
* 121 Propos des représentants de l'Association des départements de France lors de leur audition.