5. Vers une réforme du système d'assurance des catastrophes naturelles ?
Votre mission souhaite approfondir sa réflexion sur l'opportunité d'une réforme du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles , dit régime « catnat ». Globalement satisfaisant, appuyé sur une large mutualisation, présent dans la plupart des contrats d'assurance et bénéficiant d'une réassurance publique avec garantie de l'Etat, ce régime représente en outre une synthèse originale entre une logique de solidarité et des mécanismes d'assurance privés , puisqu'il consiste en une extension obligatoire des contrats d'assurance dommages aux biens et pertes d'exploitation, financée par une prime additionnelle représentant 12 % de la prime principale (6% pour les véhicules à moteur).
Votre mission observe que cette « surprime » sur laquelle repose le financement du régime s'applique à toutes les primes afférentes aux contrats d'assurances dommages aux biens et qu'en conséquence chaque assuré s'acquitte de cette surprime, indépendamment de son exposition effective à un risque de catastrophe naturelle. La modulation des primes d'assurance en fonction du niveau de risque de la zone considérée serait de peu d'effet auprès des particuliers en raison de la faiblesse du montant de la surprime , 18 euros en moyenne par contrat. Elle remettrait de plus en question la logique de solidarité et de mutualisation du risque du régime catnat. Cette logique permet au surcoût des primes induit par la tempête Xynthia d'être de l'ordre de deux à trois euros par contrat d'habitation d'après les informations transmises à la mission par le GEMA.
Le régime catnat permet la prise en charge des risques non assurables , à l'instar des inondations. S'il a toujours été en équilibre, voire excédentaire depuis sa mise en place, la survenance d'un évènement naturel de très grande ampleur , comme un séisme sur la Côte-d'Azur ou des inondations à Paris, le mettrait irrémédiablement en difficulté. La garantie de l'Etat n'a, jusqu'à aujourd'hui, été appelée qu'une seule fois, en 1999, suite à un épisode de pluies cévenoles 45 ( * ) .
La mission, animée par la préoccupation d'économie nécessaire dans le recours au budget de l'Etat juge nécessaire de garantir l'équilibre du régime à long terme dans un contexte d'augmentation de la sinistralité et d'aggravation prévisible des catastrophes naturelles, tant dans leur ampleur que dans leur fréquence.
La déclaration de l'état de catastrophe naturelle possède notamment une dimension psychologique en ce qu'elle permet de reconnaître la gravité de la catastrophe subie par les victimes et de témoigner à celles-ci la mobilisation de la communauté nationale. Comme l'a relevé M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, lors de son audition par la mission, une confusion semble souvent faite entre cet aspect rassurant et la possibilité d'une extension de la couverture assurantielle . L'indemnisation suite au déclenchement du régime catnat est en effet dans l'ensemble plus lente et moins favorable aux sinistrés . Il convient donc de mobiliser un tel régime avec discernement.
Lors de son audition par la mission, le médiateur des assurances s'est interrogé sur le classement rapide et parfois peu pertinent de la totalité de quatre départements en zone de catastrophe naturelle dès le lendemain de la tempête alors que certains d'entre eux, notamment les Deux-Sèvres, avaient principalement subi les effets du vent et non des inondations, ce qui rendait inutile la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle d'un point de vue assurantiel.
De manière plus générale, la réflexion sur l'évolution du régime « catnat » doit être poursuivie . Comme le montrent les travaux de 2005 de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ainsi que le rapport du groupe de travail du Sénat sur les sinistrés de la sécheresse de 2003 46 ( * ) , il pourrait être envisagé de le simplifier et de préciser son cadre juridique.
Au total, par delà la réforme du régime « catnat », la mission souligne l'intérêt crucial d'une meilleure diffusion de la culture du risque et plaide pour des politiques de prévention plus ambitieuses.
Les préconisations de la mission - Veiller à l' indemnisation rapide et juste par les sociétés d'assurances des sinistres provoquées par la tempête Xynthia ; - Réparer les dommages subis par les collectivités territoriales en recourant à la solidarité nationale pour ce qui concerne leurs biens non assurables, en particulier leurs infrastructures ; - Mettre à l'étude un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites pour les collectivités territoriales par la démolition des maisons situées en zone d'acquisition amiable ; - Obtenir des autorités communautaires l'octroi d'une aide au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) en vue de contribuer au financement des interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques nationales et locales face aux conséquences de la tempête Xynthia ; - Prévoir une réaffectation de crédits issus du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE) en direction des zones sinistrées ; - Soutenir les exploitants agricoles ainsi que les conchyliculteurs et pisciculteurs à travers le versement d' aides exceptionnelles ainsi que par l' indemnisation publique des aléas non assurables via le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA). Ce dernier devra être activé pour les pertes de récolte mais aussi pour les pertes de rendement des sols inondés en prenant en compte les effets de la salinisation. Sur le plan du financement communautaire, outre un redéploiement de crédits de la PAC et du Fonds européen pour la pêche , la mission préconise de recourir à la « mesure 126 » de l'UE qui permet la mobilisation d'un fonds d'urgence pour reconstituer les capacités des territoires frappés par une catastrophe naturelle ; - Mobiliser, pour les autres filières économiques fragilisées par la catastrophe, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) , afin de les accompagner et de restaurer un certain dynamisme économique. Il convient également d'envisager le relèvement du plafond d'éligibilité des entreprises au FISAC , aujourd'hui fixé à un million d'euros de chiffre d'affaires annuel hors taxes ; - Poursuivre une réflexion de moyen-terme sur la réforme du régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles , ou régime « catnat ». |
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45
L'expression désigne un type particulier de pluie qui affecte le sud de
la France, notamment les régions situées au pied et sur les
Cévennes, et qui provoque souvent de graves inondations.
Ce fut le
cas des pluies torrentielles qui ont provoqué de graves inondations dans
l'Aude les 12 et 13 novembre 1999.
* 46 Cf. « Sécheresse de 2003 : un passé qui ne passe pas », rapport d'information de M. Jean-Claude FRÉCON et de Mme Fabienne KELLER, au nom de la commission des finances (n° 39, 2009-2010).