IV. DÉBAT AVEC LA SALLE

Christophe NOURI

J'interviens aujourd'hui avec deux casquettes : je suis à la fois chargé de mission des placements à la ville d'Orsay et aussi Vice-président du collectif des jeunes urbanistes. Je n'ai pas de question, c'est juste une proposition d'outil pour justement éviter de livrer des villes cauchemardesques à l'avenir. Cet outil serait l'urbaniste. Je le ferai en trois points.

Un premier point assez rapide pour rappeler que l'urbaniste est aussi un prospectiviste. La distinction aujourd'hui au niveau du débat entre urbaniste et prospectiviste me semble artificielle, mais je comprends bien l'économie du débat. Un exemple. Je travaille sur le réaménagement de la gare d'Orsay ville, donc à côté du plateau de Saclay. On travaille en lien avec l'AREP qui a la compétence technique pour le réaménagement du parvis de la gare mais le bureau d'études a besoin d'éléments de prospective et ce sont les urbanistes qui connaissent bien le territoire qui ont permis d'apporter ces éléments.

Deuxième point. L'urbaniste, je pense que c'est le socle, c'est « l'assemblier » qui permet de faire le lien avec tous les acteurs qui agissent sur les politiques urbaines, les élus, les paysagistes, les ingénieurs, les architectes, etc. Un « assemblier » , de par sa formation pluridisciplinaire, permet de faire le lien entre les différents éléments entre la complexité qui fait la nature de l'urbanisme et l'aménagement du territoire. En sachant que l'urbaniste n'est jamais dans la finition, comme on l'a rappelé tout à l'heure ; l'action publique urbaine est toujours dans l'inachèvement.

Un dernier point. J'interviens également en tant que Vice-président du collectif national des jeunes urbanistes. Il y a deux décrets de 2002 et 2007 qui en fait évincent les urbanistes des collectivités territoriales. Je voulais donc vous sensibiliser sur cette question. J'invite chacune et chacun ici présent à se mobiliser et à rejoindre le mouvement. On a lancé un site Internet qui s'appelle jeunesurbanistes.fr ou vous tapez CNJU et vous trouverez. Il y a presque 4 000 signataires qui nous ont rejoints depuis mi-2009 et près de 300 élus qui nous soutiennent. Je vais rester un peu après si certaines personnes veulent en parler avec moi. Je vous remercie.

Hedwige DE PENTENFENYO

Je suis fondateur, directeur de l'expo « Les villes en mouvement ».

Depuis 2006, nous avons visité une vingtaine de villes en France, des grandes villes justement, pour connaître leur projet urbain et leurs tendances. Merci d'abord pour tous ces exposés parce qu'on est passé de la ville très nouvelle, très futuriste, puis à la ville qu'on vit à l'heure actuelle en France. J'aurais évidemment plusieurs questions à vous poser, mais je vais me restreindre. La deuxième partie de l'atelier d'aujourd'hui avec Antoine Grumbach dont j'ai bien suivi le projet au Havre, a montré qu'il faut revenir à la ville et éviter que la ville ne devienne trop une niche de connaissances, de compétences, de savoirs, finalement une niche de riches, et éviter que la sectorisation soit toujours là. La question, c'est bien gouvernance de la ville et son financement. On n'en a encore pas beaucoup parlé.

La deuxième question c'est qu'il y a une très grosse compétitivité entre les villes, - même si c'est au niveau des villes-territoires - ; je crois aussi que l'image de la ville actuelle est renforcée par son histoire, notamment dans les villes européennes et les villes françaises pour les villes à venir c'est autre chose. Et c'est vrai que sur ce point je voudrais savoir comment, quelle place vous allez donner à la ville. On s'aperçoit que des villes comme Roubaix travaillent bien leur culture et leur héritage passé.

Gilles KOUNOWSKI

Je m'appelle Gilles Kounowski. Je suis simplement un citoyen et un habitant d'une ville qui, de surcroît, est aussi une ville nouvelle et un peu une banlieue.

C'est en rebondissant un petit peu sur le propos de Monsieur Veltz et de Monsieur Grumbach. Je voudrais poser une question. Monsieur Veltz évoquait le fait que son intervention le situerait davantage au niveau des pâquerettes. Je vous demanderai un peu de tolérance parce que je vais passer en dessous du niveau des pâquerettes. Je n'ai jamais entendu parler de nos banlieues, les banlieues de nos villes actuelles. Probablement qu'à l'échéance 2020 et 2050, le problème posé par ces banlieues aura disparu, je l'imagine. Mais justement, comment aura-t-il disparu ? Comment voyez-vous l'évolution de nos banlieues dans ces villes du futur, rêves ou cauchemars ?

Daniel COULAUD

Daniel Coulaud, géographe, urbaniste.

Je voudrais rappeler simplement quelques notions qui à mon avis ont été un peu passées sous silence. Les acteurs de la ville sont extrêmement nombreux, mais ce sont finalement les habitants qui font la ville ; je crois qu'il ne faut pas l'oublier. A ce propos, il y a une définition de l'INSEE dont le nom n'a pas été cité qui s'appelle « l'aire urbaine » et je pense que c'est un espace territorial extrêmement important puisque l'aire urbaine parle de la vie quotidienne des habitants. Actuellement, on s'aperçoit que dans une aire urbaine, les zones qui progressent sur le plan démographique sont les plus extérieures de l'aire urbaine, donc les villages.

Il y a effectivement dans beaucoup de régions de France, notamment dans le Sud où j'y habite, une explosion villageoise à 50 ou 60 kilomètres des métropoles. Ce qui veut dire que l'aire urbaine actuellement s'approche des limites départementales. Évidemment, on peut interpréter cela comme de l'étalement urbain et le condamner. En réalité, j'ai une assez longue carrière d'urbaniste derrière moi. Il y a quarante ans, on rêvait de repeupler les villages et de repeupler les campagnes. On ne va tout de même pas aujourd'hui se plaindre que les villages se rénovent, revivent, même si ce n'est plus sous une forme agricole. Y compris le patrimoine. L'aire urbaine me paraît donc importante.

Autre terme qui n'a pas été, à mon avis, suffisamment indiqué ce matin, ce sont les transports en commun. On a toujours sous-entendu que tout allait continuer avec la voiture. Or il y a des possibilités d'organiser le territoire, de mailler le territoire avec des transports en commun qui résoudront bien des problèmes qui ont été évoqués, tout en permettant aux gens de vivre dans les campagnes et dans les villages, ce qu'ils souhaitent, puisque je rappelle que ce seront tout de même les habitants qui feront la ville.

Il y a également un outil qui pourrait être utilisé, c'est le SCOT dont on n'a pas parlé ou très peu, le nom n'a guère été prononcé. Le SCOT, c'est un outil qui peut être excellent ou ne pas l'être, mais il devrait être à l'échelle de l'aire urbaine grossièrement et pas du tout à l'échelle de l'agglomération, comme beaucoup de villes comme Montpellier ou Orléans le font par facilité politique, ce qui ne résout absolument aucun problème.

C'était quelques petits compléments pratiques que je souhaitais apporter. Je vous remercie.

Fabienne LAFLEX

Bonjour. Fabienne Laflex, du cabinet Anténor.

J'ai une question très courte. Toutes les villes qu'on a vues pour le moment sont faites avec du béton. Avec quoi fait-on du béton ? Avec du sable, du gravier, etc. Tout ça résumé sous le terme de granulats. Ma question est : comment les urbanistes prospectivistes envisagent l'approvisionnement des villes et donc la construction des villes, leur étalement, leur montée en hauteur, etc. à long terme vu que, justement, beaucoup de PLU interdisent l'implantation des carrières, malgré les schémas départementaux des carrières, vu que le phénomène NIMBY qui a été évoqué tout à l'heure fait que les gens disent : « Ok, on veut des villes, mais surtout pas de carrière à côté de chez nous ». Comment les villes du futur, comment l'approvisionnement des territoires en granulats et donc la construction des villes, l'évolution des villes, sont pensés par les urbanistes prospectivistes à long terme ?

André Jean-Marc LOECHEL

André Jean-Marc Loechel, fondation « Les territoires de demain ».

Une question très brève pour Pierre Veltz. Vous parliez effectivement des difficultés de gouvernance. Que pensez-vous d'outils, j'en citerai très simplement un exemple, comme les laboratoires vivants. Il y en a maintenant plus de 200 en Europe qui rassemblent en gros trois catégories d'acteurs, les entreprises, dont vous avez parlé, les chercheurs, l'université du coin, et puis le troisième larron, l'usager, l'utilisateur. Et ça semble fonctionner très bien en Catalogne, en France et ailleurs. Que pensez-vous de cet outil-là et d'autres ?

Guillaume POIRET

A nouveau Guillaume Poiret, toujours géographe.

Très rapidement, puisqu'on a parlé de Toronto, je vais continuer sur Toronto. Il y a quand même des choses très intéressantes qui s'y font. Pour Monsieur Veltz, il y a quand même un point. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y a quand même une question d'attractivité et Toronto a misé sur quelqu'un d'assez intéressant, c'est Richard Florida qui fait la pluie et le beau temps aux États-Unis et au Canada. Que dit ce monsieur ? Il faut attirer la creative class , c'est génial, ce sont ces gens-là qui font le dynamisme d'une ville, etc. Et Toronto est en train de tomber là-dedans. La seule chose c'est que Toronto a oublié un point important, c'est qu'effectivement elle oublie ses habitants.

A l'heure actuelle, le problème à Toronto - et je reviens là-dessus puisque Monsieur Grumbach nous parlait des banlieues riantes de Toronto - est que les banlieues de Toronto ne sont pas que des banlieues riantes. Ce sont aussi des banlieues qui sont de plus en plus intégrées. Mississauga, c'est quand même 800 000 habitants et si vous allez voir Hazel McCallion et que vous lui dites qu'elle est Maire d'une banlieue de Toronto, elle vous met dehors. Mississauga se veut désormais une ville qui est plus importante que beaucoup de provinces canadiennes, qui veut être indépendante, - le mot a été prononcé -, indépendante et autonome par rapport à Toronto.

Quand on parle de gouvernance urbaine, il ne faut pas oublier ça. Les élus ne veulent pas gouverner avec Toronto, ensemble. Ils ne veulent pas coopérer. Il y a vraiment des relations d'exclusion l'un avec l'autre et ça, c'est important. Les guerres territoriales existent à ce niveau-là et ce n'est pas la seule ville. Là, c'est impressionnant parce que vous avez quand même deux grosses villes qui se font désormais plus ou moins la guerre, qui ne collaborent pas, au point que les bus de Toronto s'arrêtent à Mississauga. Vous devez changer de bus pour aller travailler à Mississauga.

Chaque jour, un million de personnes font banlieue-Paris. Sachez aussi que 400 000 personnes font Paris-banlieue, c'est important, il ne faut pas l'oublier. C'est la même chose dans beaucoup de villes ; il y a des interactions. C'est également le cas à Mississauga et à Toronto, où il y a à peu près 100 000 personnes qui font Toronto-Mississauga, 200 000 personnes qui font Mississauga-Toronto. Les voies de communication sont bouchées dans les deux sens, ce qui est un signe assez fort des interactions. Ce n'est pas vu au niveau politique. On manque dans beaucoup de métropoles d'un outil de gestion global avec la question de qui en fait partie et qui ne doit pas en faire partie, parce qu'il y a aussi cette question : où s'arrête-t-on ? Je suis d'accord sur le sujet d'une interaction, d'un périmètre souple, mais il y a quand même un moment où il faut dire : non. Clairement, vous n'en faites pas partie ou en tout cas, vous n'avez pas vocation à l'être.

Et l'autre point, justement pour terminer sur Richard Florida, c'est que la creative class , c'est bien ; mais si on oublie les habitants qui sont derrière, si on oublie l'attractivité globale pour la vivabilité de la ville, pour l'ensemble de ses habitants, alors on se condamne à avoir des métropoles qui ne seront pas viables dans les dix ans à venir.

Jean-Pierre SUEUR

Merci. Selon la règle instaurée la première fois, je vais vous demander de bien vouloir réagir chacun entre quatre et cinq minutes. On commence par Antoine Grumbach.

Antoine GRUMBACH

Beaucoup de choses ont été dites et il est difficile de répondre à tout le monde. Par exemple la question de la mémoire des villes. Je crois qu'il y a quelque chose de très important qui s'est passé en France, dont les conséquences sont compliquées et en même temps passionnantes intellectuellement, c'est la loi Malraux qui a étendu la protection des monuments historiques, non seulement à l'objet lui-même, mais aussi à l'ensemble des quartiers. Malraux a manifesté une intelligence rare par le fait de comprendre qu'un bâtiment n'existe pas sans le tissu urbain.

Aujourd'hui, il faudrait revoir toute la réglementation parce que l'histoire et la mémoire des villes comme les centralités sont extrêmement importantes et on a un peu tendance aujourd'hui à vouloir étendre ces dimensions de protection dans des territoires qui voudraient évoluer. A Paris, si on avait fait ça, il n'y aurait pas d'eau, il n'y aurait pas d'ascenseur, il n'y aurait pas d'électricité dans les immeubles. La question de la mémoire de la ville est fondamentale, mais il ne faut pas non plus trop l'articuler sur la sanctuarisation de la construction. La mémoire de la ville, c'est aussi la mémoire symbolique, la mémoire imaginaire, la représentation. C'est là-dessus, je crois, qu'il faut travailler.

S'agissant de l'évolution des banlieues, il y a en banlieue des centralités qui émergent et qu'il faut conforter. On parle des rhizomes. Je pense qu'il y a des choses qui se passent dans les banlieues, pas simplement au niveau culturel, mais aussi au niveau associatif et que la transformation des banlieues viendra de leur intégration dans un imaginaire collectif -  encore Malraux et les Maisons de la Culture -. Avec le Grand Paris, on voit apparaître des endroits qui vont être très forts et qui ne sont plus simplement la centralité de Paris. Il se passe des choses un peu partout dans le territoire.

Sur la construction et sur l'approvisionnement, je pense que vous touchez là, Madame, à un problème qui est à mon avis totalement occulté dans la réflexion des gens qui gèrent les villes : celle de la logistique des millions de mètres cubes qui entrent tous les jours dans Paris pour l'alimentation des habitants, pour la construction et qui en sortent. Il n'y a pas de schéma logistique intelligent. C'est une grande tâche que de penser la logistique en relation avec la circulation et tous les autres problèmes de la ville, comme un véritable système qui intègre la ville dans sa respiration quotidienne avec les marchandises qui entrent et qui sortent. On sait résoudre les choses. La Ville de Paris a créé des contraintes très importantes à certaines entreprises pour qu'elles restent dans Paris en leur disant : « Vous restez avec vos silos dans Paris, mais vous laissez les piétons aller jusqu'au bord de la Seine ». C'est ce qui a été réalité sur Seine-Rive gauche et qui est en train de se faire ailleurs. Je pense qu'il y a les moyens d'articuler le sale et le propre dans une ville.

Pierre VELTZ

Beaucoup de questions intéressantes ont été exposées et il est un peu difficile de choisir. Quelques réactions cependant. Je crois que c'est Madame qui a évoqué la question de la culture. Je crois que la culture est un axe central aujourd'hui, à la fois comme élément d'attractivité des villes, mais aussi comme élément d'identité des villes . Les villes françaises l'ont bien compris. Il y a un monde entre ce qu'est aujourd'hui la vie culturelle en province et celle du passé. C'est extrêmement positif. Cette évolution a aussi été facilitée par l'effet TGV. Parce que le TGV transforme complètement l'armature urbaine en France. Et dans cette structuration globale du territoire où il y a les villes, les espaces interstitiels, les villes moyennes, le monde rural un peu plus profond, etc. tout est organisé par le système de mobilité à l'échelle nationale.

Vous avez rappelé la renaissance extraordinaire du monde rural . Il n'y a pas si longtemps, on parlait de désertification du monde rural. Maintenant, il n'y a plus en France que quelques zones limitées entre les Ardennes et le plateau de Langres qui perdent encore de la population. Partout ailleurs, les petites villes, les villages et même les hameaux, revivent. Ça ne fait pas des masses de population, mais on ne va pas se plaindre du fait qu'il y a cette revitalisation globale du territoire. En revanche, c'est vrai que ça pose de gros problèmes en termes de mobilité et d'écologie parce que c'est quand même plus facile d'organiser la mobilité dans des pôles denses que de l'organiser dans des tissus extrêmement diffus. Il y a certainement des solutions à trouver, notamment du côté des services, parce que ce ne sont pas les infrastructures qui vont régler cette question.

Il y a encore beaucoup à faire pour imaginer de nouveaux services dans le monde rural, dans ce monde qu'il ne faut plus appeler rural. Édith l'a dit : on a un problème de vocabulaire. Il faudrait changer la sémantique dans cette France diffuse qui, aujourd'hui, manifeste une vraie vitalité. Ce n'est pas que de la résidence secondaire. Il y a toutes ces petites villes et tous ces petits villages. Mais c'est quand même compliqué du point de vue du mode de vie des gens ; il leur faut souvent deux voitures et puis, en cas d'augmentation forte du coût de l'énergie, ce sera très difficile pour eux.

Je n'ai volontairement pas cité Florida, parce que je trouve que, compte tenu de sa classe créative, il a une vision un petit peu étroite des choses, même s'il y a un fond de vérité dans ses propos. Quand je disais : « Il faut attirer les talents dans les villes », je ne pensais pas uniquement aux talents type Florida. C'est beaucoup plus large que ça. Quand je disais que les gens vont, par leur choix résidentiel, modeler la géographie de demain, ce n'est pas seulement à la petite classe créative des « bobos » en Français dont parle Florida que je pensais. C'est beaucoup plus général car cela concerne une grande partie des classes moyennes qui décident par exemple de ne plus vivre aujourd'hui en Ile-de-France s'ils le peuvent. Ils s'enfuient vers des villes où le rapport qualité-coût de la vie est meilleur. C'est d'ailleurs le problème-clef de l'Ile-de-France dont on ne parle pas assez dans les débats actuels.

La contrepartie de cette prééminence croissante des choix résidentiels, c'est la ségrégation sociale . Le moteur de la ségrégation, c'est qu'on choisit ses voisins. Et dans la société moderne, avec la mobilité et l'élévation des revenus, on a la possibilité de choisir ses voisins. Avant, on les subissait, aujourd'hui, on les choisit. Comme apparemment l'homme est grégaire, on aime bien les voisins qui vous ressemblent. Il y a un livre remarquable qui s'appelle « The big sort », « Le grand tri », qui raconte ça sur les États-Unis. C'est beaucoup plus spectaculaire aux États-Unis que chez nous parce qu'il y a plus de mobilité. Ce n'est pas le ghetto au sens de Morin. Il est spectaculaire de voir à quel point les gens aujourd'hui s'assemblent lorsqu'ils se ressemblent. C'est une forme d'explosion de la société qui est à l'origine de beaucoup des problèmes politiques des États-Unis. A un moindre degré en Europe, mais on commence à le voir émerger. C'est ça le moteur de la ségrégation. On aime le brassage dans les villes ; mais en même temps, le choix, c'est plutôt d'aller vers ceux qui vous ressemblent.

Dernière question. Vous avez cité ces laboratoires divers et variés où se mixent des voix différentes, des politiques et des non politiques, des acteurs économiques, des acteurs culturels, etc. Je pense qu'il y a des expériences extrêmement passionnantes. On a quand même un peu de mal à le faire en France parce qu'on a une vision extrêmement formatée de ce qu'on appelle « la participation ». D'ailleurs, on l'a beaucoup formatée maintenant dans les débats ; c'est très bien, les grands débats, la Commission nationale du débat public, mais en le formatant trop, on se prive aussi de la liberté d'inventer des formes participatives peut-être plus créatives comme celles inventées par nos amis d'Europe du Nord.

Louis MOUTARD

Le fait de pouvoir relier les bus, les navettes, les différents transports lourds qui sont aujourd'hui très sectorisés dans des lieux - la ville et notamment dans la banlieue - souvent mal desservis, mal irrigués, conduit à penser de nouveaux lieux d'échange entre des mobilités très différentes au profit du piéton. Je pense que c'est vraiment devant nous, mais c'est un élément extrêmement important de l'évolution positive de la ville, afin de pouvoir se retrouver ensemble, échanger et travailler ensemble.

Je rejoins ce que disait Antoine Grumbach sur la logistique urbaine. Je pense qu'on est vraiment très en retard sur ce point. La voie d'eau reprend certes une part importante dans les modes de transport des pondéreux. Je pense notamment au projet Seine-Nord Europe qui doit permettre de relier la Seine à l'Escaut et tout le réseau européen. Il faut surtout imaginer de nouveaux modes de déplacement qui permettent aussi de faire évoluer les villes et les ports intérieurs qui vont être associés à l'évolution de cette mobilité.

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