2. Les retombées du conflit indo-pakistanais
Le Pakistan est apparu comme un pays proliférant avec les activités du réseau du docteur Abdul Qader Khan, ancien ingénieur d'URENCO, réseau mi-public, mi-privé, impliqué dans des trafics nucléaires et balistiques, notamment en direction de l'Iran et de l'Arabie Saoudite, en liaison avec la Chine et la Corée du Nord. Ce rôle proliférateur du Pakistan notamment à travers ce réseau, au moins jusque dans un passé récent, lui vaut une sorte de « mise en quarantaine nucléaire » par rapport à l'Inde, avec laquelle les Etats-Unis et la France ont signé des accords de coopération civile.
La question de la mise en sécurité de l'arsenal pakistanais est fréquemment évoquée. Il semble que l'on confonde deux choses : le contrôle du gouvernement et de l'armée pakistanaise sur cet arsenal qui semble assuré, et l'évolution politique du Pakistan (un coup d'Etat militaire appuyé par les talibans pakistanais est-il envisageable ?)
Sur le premier point, il semble que le contrôle de l'Autorité nationale de commandement ( National Command Authority - NCA ) soit assuré par la dispersion des têtes et des missiles sur plusieurs sites hautement protégés 50 ( * ) . Les Américains disposent de systèmes de sécurisation appelés PAL ( Permissive Action Links ), sorte de boites noires renfermant des codes électroniques cryptés empêchant toute mise à feu non autorisée. Rien n'indique cependant que les Américains aient proposé ou les Pakistanais accepté l'introduction des PAL dans l'arsenal nucléaire d'Islamabad. Il semble donc que les autorités pakistanaises, sous l'autorité d'un commandement spécifique assurent elles-mêmes la mise en sécurité de leurs forces nucléaires. C'est avec l'aide de la Chine et de la Corée du Nord que le Pakistan a mis au point par ailleurs ses missiles Ghauri et Shaheen (1 200 et près de 3 000 km de portée).
Un tout autre problème est l'avenir politique du Pakistan. Ce pays a déjà connu trois coups d'Etat et trois régimes militaires depuis l'indépendance, mais il paraît improbable qu'un coup d'Etat militaire puisse être fomenté à l'instigation ou même avec l'appui des Talibans pakistanais (TTP) Ceux-ci sont très minoritaires dans la vie politique pakistanaise qui dispose de puissantes défenses (partis politiques, institutions politiques et judiciaires, presse libre, etc ...). Les formations islamistes radicales n'ont fait qu'un score très faible (3 %) aux élections et le Parlement a voté à l'unanimité en 2009 une résolution condamnant le terrorisme. Surtout les Talibans pakistanais sont principalement implantés dans les régions pachtounes (zones tribales) et les Pachtounes ne représentent que 13 % de la population du Pakistan.
En revanche, il existe dans la société pakistanaise des tendances fondamentalistes beaucoup plus profondes qui se sont développées depuis le gouvernement du général Zia ul Aq (1977-1988), à une époque où le Pakistan servait de plateforme au djihad antisoviétique en Afghanistan. L'influence wahhabite s'est développée, à côté d'un mouvement déobandi (issu de l'Université de Deoband) plus traditionnel. Aujourd'hui, l'armée pakistanaise est engagée dans une lutte sans merci avec les Talibans pakistanais dont l'objectif est la prise de pouvoir à Islamabad, tandis qu'elle ménage les Talibans afghans, susceptibles d'entrer demain dans un processus de recomposition politique à Kaboul. L'avenir du Pakistan est probablement l'une des questions les plus décisives qui soient pour l'avenir du monde musulman tout entier et donc pour le nôtre.
* 50 Voir à ce sujet l'article de Bruno Tertrais : « Les talibans n'auront pas la bombe » - Le Figaro du 14 mai 2009.