3. Le dégel des enceintes internationales
Deux évènements survenus au mois de mai 2009 ont témoigné d'une relative amélioration du climat international sur les questions stratégiques et alimenté l'espoir de progrès, dans le domaine du désarmement, lors des grandes échéances de 2010 : l'accord intervenu sur l'ordre du jour de la prochaine conférence d'examen du TNP et le déblocage, après plus de douze ans de paralysie de la Conférence du désarmement.
Si ces deux évènements constituent un progrès, par rapport à la situation antérieure, ils ne présagent cependant en rien du succès des discussions ultérieures qui seront menées dans ces deux enceintes.
Lors de sa dernière réunion, en mai 2009, le comité préparatoire à la 8 ème conférence d'examen du TNP 26 ( * ) , qui se déroulera à New-York du 3 au 28 mai 2010, a atteint son objectif principal, à savoir régler les questions de procédure nécessaires au bon déroulement de la conférence et adopter son ordre du jour. Ce résultat peut paraître bien modeste, dans la mesure où aucune recommandation de substance n'a été adoptée. Mais il faut rappeler que faute d'accord préalable, plus de la moitié des débats de la précédente conférence d'examen, en 2005, avaient porté sur des questions de procédure, ce qui avait réduit les discussions de fond à la portion congrue et compté pour partie dans son échec. En effet, la conférence s'était soldée par l'impossibilité d'adopter les moindres conclusions, aucun accord n'étant intervenu sur les questions pourtant nombreuses relatives à la mise en oeuvre du traité.
Les conférences d'examen du TNP statuent par consensus. Aussi sont-elles exposées aux attitudes de blocage émanant d'un ou plusieurs Etats. L'échec de la conférence d'examen de 2005 aura cependant été particulièrement frustrant dans la mesure où aucune perspective n'a véritablement pu être ouverte, que ce soit en matière de poursuite du désarmement nucléaire, d'accès aux usages pacifiques de l'énergie nucléaire ou de prévention de la prolifération, alors même que les inquiétudes de la communauté internationale sur le traitement des manquements aux obligations du traité étaient déjà fortes.
Il faut donc se réjouir de l'atmosphère plus constructive qui a animé le comité préparatoire de mai 2009. Un ordre du jour provisoire pour la conférence d'examen de mai prochain a été adopté et il couvre chacun des trois piliers du TNP. D'une manière plus générale, le soutien au traité a été fortement réaffirmé au cours de cette réunion. On peut donc espérer qu'à la différence de la précédente, cette conférence d'examen permettra d'aborder de manière approfondie l'ensemble des questions essentielles pour l'avenir du TNP.
Il n'en résulte pas pour autant que le consensus sera aisément accessible. La thématique d'un monde sans armes nucléaires est porteuse de malentendus entre les Etats qui attendent principalement des engagements nouveaux en matière de désarmement, sans véritablement s'arrêter aux conditions que les Etats dotés posent en la matière, et ceux pour lesquels la prévention de la prolifération reste la mission fondamentale du traité. La question iranienne ou les conditions d'accès à l'énergie nucléaire civile, troisième pilier du traité, sont autant de points sur lesquels pourraient apparaître des blocages qu'il serait important de lever.
Quelques jours après la réunion du comité préparatoire à la conférence d'examen du TNP, la Conférence du désarmement 27 ( * ) sortait quant à elle d'une longue période de paralysie de plus de douze années, après la conclusion du traité d'interdiction complète des essais nucléaires, en 1996. Elle est parvenue le 29 mai 2009 à adopter un programme de travail 28 ( * ) . Elle a notamment chargé l'un des quatre groupes de travail dont la création a été décidée, de négocier un « traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication des armes nucléaires ou d'autres dispositifs explosifs nucléaires » (TIPMF), souvent désigné sous le raccourci anglais « cut-off » ( Fissile Material Cut-off Treaty ). Une telle négociation ne pourra qu'être longue et difficile, mais son simple lancement, qui restait bloqué depuis le mandat décidé en ce sens en 1995, représenterait, s'il pouvait réellement se concrétiser dans les prochains mois, un signal extrêmement positif en matière de désarmement nucléaire.
La décision de la Conférence du désarmement a été largement saluée et considérée comme pouvant influer favorablement sur la prochaine conférence d'examen du TNP. Mais dès l'été dernier, le Pakistan a entravé sa mise en oeuvre au motif que le traité sur l'interdiction de la production des matières fissiles pour les armes nucléaires, auquel il se montre peu favorable, ne devait pas être privilégié au détriment des autres thèmes de travail (réduction des arsenaux nucléaires, course aux armements dans l'espace, garanties négatives de sécurité). La Conférence du désarmement n'a pas progressé dans ses travaux depuis lors et le lancement de la négociation du nouveau traité paraît désormais compromis à court terme.
Le thème du désarmement et de la non-prolifération a également fait l'objet d'un sommet particulier du Conseil de sécurité des Nations unies réuni pour l'occasion de manière exceptionnelle au niveau des Chefs d'Etat, sous la présidence de Barack Obama. Le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité la résolution 1887, déjà citée 29 ( * ) , au cours de cette session.
Au-delà des conditions particulièrement solennelles de son adoption, la résolution 1887 aborde de manière très complète les enjeux relatifs au désarmement et à la non-prolifération nucléaire.
La résolution affirme notamment la compétence du Conseil de sécurité pour traiter de toute situation de non-respect des obligations en matière de non-prolifération. Elle prescrit à l'intention des Etats une série de mesures concrètes pour renforcer le régime de non-prolifération (ratification des protocoles additionnels aux accords de garanties, renforcement des moyens de l'AIEA, renforcement des contrôles à l'exportation). Elle traite également la question du retrait du TNP ou de la dénonciation des accords de garanties, en indiquant qu'un Etat demeure responsable de violations commises avant son retrait.
La résolution encourage la diffusion de l'énergie nucléaire à usage pacifique et soutient la mise en place rapide de garanties d'approvisionnement en combustible nucléaire.
Enfin, en matière de désarmement, la résolution appelle à la mise en oeuvre des engagements de l'article VI du TNP, à la ratification du TICE et au lancement dès que possible de la négociation d'un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires.
La résolution 1887 constituera une référence de premier plan en vue de la conférence d'examen du TNP dont elle estime qu'elle devra « renforcer cet instrument et arrêter des objectifs réalistes et réalisables au titre de chacun des trois piliers du traité que sont la non-prolifération, l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques et le désarmement ».
* 26 Prévues par l'article VIII du TNP, les conférences quinquennales des Etats parties ont pour objet d'examiner le fonctionnement du traité. En vue de renforcer ce processus, la conférence d'examen de 1995, au cours de laquelle avait été décidée la prorogation indéfinie du TNP, a établi un comité préparatoire chargé d'examiner les « principes, objectifs et moyens de mettre en oeuvre le traité, ainsi que son universalité, et de formuler des recommandations à ce sujet ». Ce comité se réunit chacune des trois années précédant la conférence d'examen.
* 27 Siégeant à Genève, la Conférence du désarmement est la lointaine héritière de la Conférence mondiale du désarmement de l'entre deux-guerre. Préfigurée par les Etats-Unis et l'URSS dans les années 1960, elle a pris sa forme actuelle en 1978 et regroupe, depuis 1996, 65 Etats membres, dont les 5 Etats dotés, l'Inde, Israël et le Pakistan. La Conférence du Désarmement reste formellement indépendante des Nations Unies. Elle n'en est ni un organe principal, ni un organe subsidiaire. C'est en son sein qu'ont été élaborés le TNP, la convention d'interdiction des armes chimiques et le traité d'interdiction complète des essais nucléaires.
* 28 Document CD/1864 du 29 mai 2009.
* 29 Voir en annexe la résolution 1887 du 24 septembre 2009.