b) Une superposition déplacerait la contrainte carbone sans la modifier
Ces éléments étant posés, on pourrait considérer, en première analyse, que l'ajout d'une contrainte carbone supplémentaire à celle qu'exercent les quotas ne ferait que renforcer l'incitation à la réduction des émissions et serait donc vertueuse du point de vue environnemental.
Tel n'est pourtant pas le cas. En effet, l'introduction d'une taxe carbone pour les entreprises sous quotas n'aurait pour effet que de renchérir le coût moyen de réduction des émissions au niveau européen sans modifier le résultat environnemental global. De fait, les entreprises françaises soumises à la fois aux quotas et à la contribution carbone réduiront leurs émissions davantage qu'en l'absence de taxe. Mais le niveau global d'émissions autorisées à l'échelle communautaire n'étant pas modifié, cette baisse d'émissions en France libérera des quotas qui pourront être revendus à des entreprises européennes situées hors de France, et qui émettront donc davantage de CO 2 . L'effet sur les émissions globales de CO 2 à l'échelle européenne sera donc nul , les émissions se déplaçant simplement de la France vers d'autres Etats.
Les intervenants des tables rondes organisées par votre commission des finances ont particulièrement insisté sur ce point. Ainsi, selon M. Christian de Perthuis, « superposer une taxe nationale avec les quotas payants pour les entreprises n'apporte aucun bénéfice environnemental supplémentaire . Il faut en être bien conscient. Le surcroît de prix du carbone résultant de l'application de la taxe aux entreprises sous quotas va générer des réductions d'émissions sur le territoire français mais aussi des surcroîts de droits à produire d'un montant équivalent chez nos partenaires allemands, polonais ou anglais. On ne fait donc que déplacer la contrainte » 34 ( * ) .
De même, selon M. Jean-Michel Charpin, « un système de taxe incitative qui se superposerait aux quotas serait rigoureusement inutile du point de vue de la réduction des émissions de carbone. Dans un système de Cap and Trade , la quantité de carbone émise s'aligne, quoi que l'on fasse, sur le cap . Non seulement cette superposition serait inutile mais, avec elle, on régresserait du point de vue de l'optimalité économique .
« Je crains que, croyant bien faire, certains ajoutent des incitations destinées à économiser le carbone au système des quotas. La superposition d'une taxe et s'un système de quotas, voire d'autres dispositifs incitatifs, ferait qu'en France, pour les entreprises, il serait rentable d'économiser le carbone jusqu'à 32 euros la tonne par exemple, alors que dans le reste de l'Europe, ce serait toujours à partir de 15 euros la tonne. On créerait donc de la sous-optimalité en supprimant le prix unique du carbone, ce qui éloignerait de l'optimum économique sans diminuer aucunement les quantités émises » 35 ( * ) .
* 34 Tables rondes de la commission des finances du 17 février 2010.
* 35 Tables rondes de la commission des finances du 17 février 2010.