6. La protection de l'investisseur, au coeur du nouvel ordre public financier
La crise a révélé combien le consommateur de services financiers, emprunteur ou épargnant, avait été le « maillon faible » de la chaîne de conception et de commercialisation de produits , en particulier aux Etats-Unis. Certes, la protection du consommateur semble mieux assurée en France que dans ce pays, eu égard notamment à la jurisprudence de la Cour de cassation sur le devoir d'information et de conseil (et son corollaire le devoir de mise en garde), aux principes déontologiques imposés par la directive MIF et au mandat clair de l'AMF en matière de protection de l'épargnant.
Il n'en reste pas moins que la « mévente » et le manque de diligences des conseillers commerciaux sont des risques toujours présents 134 ( * ) , susceptibles de créer des distorsions dans l'allocation des ressources et des situations de surendettement ou de perte en capital, et incidemment de nuire à la perception de l'utilité des marchés financiers.
Bien qu'elle ne traduise que partiellement la logique de régulation par objectif (modèle dit « twin peaks », cf. supra ), la réforme en cours de l'architecture française des autorités de supervision du système financier devrait permettre - du moins c'est un des objectifs affichés - de mettre en oeuvre une surveillance plus cohérente et étroite des pratiques de commercialisation , quel que soit le canal de distribution.
Le groupe de travail estime cependant que l'architecture française de supervision devrait être plus conforme à la logique « twin peaks » et que l'AMF devrait être la « gardienne » de la déontologie de la distribution de l'ensemble des produits d'épargne , quel que soit le réseau. Son champ d'action inclurait par conséquent l'assurance-vie et les livrets rémunérés.
Les modalités d'exercice de ce contrôle devraient être centrées sur la fiabilité des procédures du prestataire et l'honnêteté de l'information donnée au client, selon des principes d'intelligibilité, d'adaptation et de pertinence, plutôt que sur le respect d'un formalisme élevé, dont l'exemple du crédit à la consommation a montré les limites.
En revanche, le groupe de travail n'a pas arrêté de position sur une extension éventuelle de son mandat à l'ensemble des produits financiers , qui comprendrait le crédit (à la consommation, immobilier ou aux entreprises) et les services bancaires fournis dans le cadre des conventions de compte.
Le groupe de travail recommande également :
- la reprise par l'AMF et la future autorité de contrôle prudentiel des compétences actuellement exercées par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ;
- l'extension, au-delà des seuls organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), du « document d'information clef à l'investisseur » (« key investor information »), qui est appelé à remplacer le prospectus simplifié dans la commercialisation des fonds d'investissement ;
- d'examiner l'opportunité économique et juridique de la création d'un statut de « courtier en produits financiers », qui résulterait de la fusion des statuts de démarcheur bancaire et financier et de conseiller en investissements financiers, voire également de courtier en assurances. Bien qu'il marque un progrès par rapport aux régimes antérieurs, inadaptés et segmentés, le statut de démarcheur, introduit en 2003 par la loi de sécurité financière précitée, se révèle en effet d'une grande complexité et n'est que partiellement appliqué dans les faits 135 ( * ) .
En définitive, l'importance prise par certains segments et fonctions du système financier au regard des impératifs de cantonnement des risques et de transparence peut conduire à redéfinir le champ de l'ordre public financier , applicable à tous les produits et acteurs. Ce champ, qui comprendrait l'information (en tant que bien public), l'adéquation du produit au client, la sanction des délits (qui est par définition au coeur de l'ordre public) et les fonctions de post-marché, implique des obligations renforcées pour les participants.
* 134 Comme en témoignent des contentieux sur le placement abusif de certaines sociétés récemment introduites en bourse.
* 135 En effet, de nombreux cabinets de défiscalisation et de gestion de patrimoine contactent directement les prospects en présentant leur intervention comme du « conseil », et sans être en mesure de leur fournir un numéro d'enregistrement dans le fichier des démarcheurs.