- Réforme des finances locales et de la taxe professionnelle Audition de M. Michel Taly, avocat associé au cabinet Arsene Taxand, ancien directeur du service de la législation fiscale (mercredi 20 mai 2009)
Puis la commission a procédé à l' audition de M. Michel Taly , avocat associé au cabinet Arsene Taxand , ancien directeur du service de la législation fiscale.
M. Jean Arthuis , président , a indiqué qu'un document de travail récent réalisé pour l'Institut de l'entreprise sur le sujet de la réforme de la fiscalité locale avait proposé des pistes de réforme portant sur le remplacement de la taxe professionnelle actuelle par une taxe sur la valeur ajoutée imputable. Il a invité M. Michel Taly à présenter les principales orientations de ce document en rappelant sa grande expérience dans le domaine fiscal.
M. Michel Taly a retracé dans un premier temps les erreurs qui ont entaché la création de la taxe professionnelle et ses précédentes réformes :
- la première erreur a été de vouloir rechercher un compromis et des solutions communes à deux questions distinctes, la répartition de l'impôt, d'une part, et celle de sa recette, d'autre part ;
- la deuxième a consisté à sous-pondérer le travail, en voulant défendre les industries de main d'oeuvre. Or, selon les macro économistes, en taxant trop le capital, on conduit à sa fuite, alors que le facteur travail ne se délocalise pas. Cette erreur de raisonnement économique a été reproduite lors de la réforme de 1999 sur la part salaires de la taxe professionnelle ;
- la troisième a été d'acter une moindre taxation des petits contribuables. De ce fait, on a exclu les bénéfices qui sont pourtant une part importante de la valeur ajoutée, ce qui a conduit à un appauvrissement du tissu fiscal des zones rurales et des petites villes.
M. Michel Taly a également relevé la contrainte politique liée au tabou du non transfert de l'imposition sur les ménages. Si cette question se justifie au niveau local, elle n'a pas de sens au niveau macro économique, à l'exception des cas de l'IS et de l'impôt sur le revenu (IR). En effet, tous les impôts qui pèsent sur les coûts sont nécessairement répercutés sur les clients, les salariés ou les sous-traitants. Ce tabou obscurcit le débat et le seul moyen de le surmonter est de traiter le problème du financement de la réforme de la taxe professionnelle au niveau national.
Il a ensuite exposé la solution proposée par l'étude de l'Institut de l'entreprise. Celle-ci repose sur une approche différente de ce que devrait être une taxe sur la valeur ajoutée par rapport à la proposition du Gouvernement. A cet égard, il a mis en garde contre le fait qu'il n'est pas possible d'augmenter le taux d'une imposition à assiette très large, même si ce taux nominal est très faible. Il a évoqué à ce titre la contribution sociale de solidarité des sociétés (dite C3S) de 0,16 %, qui produit 5 milliards d'euros, soit l'équivalent de 0,8 point de TVA.
La proposition consiste à créer une taxe minimum alternative, fondée sur la valeur ajoutée et imputable sur l'IS, comme l'était initialement l'imposition forfaitaire annuelle (IFA). Les collectivités territoriales ne pouvant bénéficier en compensation d'une part d'IS, compte tenu de ses trop fortes variations, il est nécessaire de prévoir un système de répartition. Celui-ci pourrait s'appuyer soit sur un calcul de masse globale, redistribuée par un fonds national au prorata des effectifs et de la surface, soit sur un système déclaratif à la charge des entreprises.
M. Michel Taly s'est prononcé en faveur du système déclaratif qui aurait l'avantage de ne pas diluer le lien entre les entreprises et les collectivités territoriales, sachant que ce point fait également consensus auprès des entreprises.
Cette nouvelle taxe imputable permettrait de réintégrer les contribuables situés au-delà du seuil de 7,6 millions d'euros de chiffre d'affaires, limite de l'éligibilité à la cotisation minimale. Elle aurait ainsi pour effet de redonner de la ressource fiscale dans les régions où les PME sont nombreuses.
La question du financement de cette réforme est indépendante de celles de la base de l'imposition et de la répartition de son produit. La réforme annoncée va induire 7 à 8 milliards d'euros d'allègements pour les entreprises. Au niveau national, une palette très large de compensations existe. La question de la répercussion de la réforme sur le taux de l'IS se pose immédiatement et ne constitue pas un tabou pour les entreprises. Au regard de la compétitivité des entreprises, même une augmentation de trois points du taux de l'IS ne présente pas des risques aussi élevés que le maintien de la taxe professionnelle actuelle.
Une cotisation sur la valeur ajoutée non imputable peut être considérée comme un désavantage en termes de compétitivité dans la concurrence qui existe entre Etats européens. Il n'en est pas de même de l'IS qui ne figure pas au tableau comparatif des rentabilités des entreprises.
M. Jean Arthuis , président, a souligné que cette solution aurait pour effet de faire passer l'imposition de la catégorie des impôts de production vers celle des impôts sur résultats.
M. Michel Taly a confirmé que l'IS n'apparaît qu'ex post dans les plans d'activité « business plans » des entreprises.
M. Gérard Longuet a affirmé sa conviction que la localisation de la taxe professionnelle ne peut être qu'intercommunale et s'est prononcé pour une taxe professionnelle unique (TPU) obligatoire. Il s'est inquiété de la capacité des grands groupes à optimiser la localisation de leur bénéfice.
M. Michel Taly a exprimé son inquiétude que le ministère de l'économie ne veuille réserver la taxe sur la valeur ajoutée aux départements. En tout état de cause, si l'on veut compenser à l'euro près les pertes de recettes fiscales des communes et intercommunalités, un taux de 1,5 % sur la taxe sur la valeur ajoutée sera insuffisant. Le projet actuel du Gouvernement, qui repose sur une vision comptable plutôt que stratégique, n'est pas acceptable pour les collectivités territoriales. Une discussion tripartite Etat-collectivités-entreprises ne pourra pas aboutir car il n'existe que deux marges de manoeuvre : l'augmentation du foncier, ce qui impliquera de « batailler » sur la déliaison des taux, et l'augmentation périodique du taux de la taxe sur la valeur ajoutée. Il faut donc procéder à une « révolution copernicienne » et renvoyer à l'Etat la responsabilité de la négociation sur l'IS. Sinon, en l'état, le projet du Gouvernement ne deviendra acceptable pour les collectivités territoriales que lorsqu'il sera inacceptable par les entreprises.
M. Jean-Pierre Fourcade a craint que le projet gouvernemental de taxation de la valeur ajoutée ne conduise à une augmentation permanente des taux. Il a considéré que la réforme actuelle ne répond pas à l'objectif d'homogénéisation des bases selon les secteurs économiques. La taxe professionnelle résiduelle et la taxe sur la valeur ajoutée doivent être réservées aux communes et intercommunalités. Le système proposé par l'Institut de l'entreprise paraît pouvoir résister aux évolutions si toute liberté est donnée aux collectivités territoriales sur la part foncière. Il s'est interrogé sur une possible réintégration dans ce nouveau système du versement transport et de la taxe sur les salaires.
M. Michel Taly a abordé la question de la compatibilité d'une taxe imputable avec le principe de l'autonomie fiscale. Contrairement à l'opinion parfois émise par les services de Bercy, la jurisprudence du Conseil constitutionnel devrait admettre qu'une telle imposition et sa répartition satisfont aux obligations de la loi organique et entrent bien dans la catégorie des impositions permettant la « localisation de fractions de taux ».
S'agissant des risques d'optimisation dans la localisation des bénéfices, il a mis en avant les progrès accomplis depuis cinq ans, en particulier au niveau de l'OCDE, mais également grâce aux décisions prises par le G20, pour contrôler les prix de transfert. Les entreprises sont désormais beaucoup moins audacieuses.
M. Albéric de Montgolfier a noté que le système proposé aurait pour conséquence un taux national et uniforme. Il a observé que l'extension de la base de l'IS pourrait être une alternative à une augmentation de trois points de son taux.
M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur la possibilité de maintenir une double imposition du foncier pour les entreprises.
M. Michel Taly a observé que la double imposition foncière existe pour les ménages. L'imposition du foncier doit refléter l'occupation de l'espace et ses contraintes, y compris environnementales. Il n'est donc pas anormal qu'elle soit assez lourde, si du moins elle reste lisible. En ce qui concerne le financement de la réforme par augmentation de l'IS, il a insisté sur la nécessité de découpler la discussion entre l'Etat et les entreprises de la négociation entre l'Etat et les collectivités territoriales, toute discussion tripartite étant nécessairement opaque. Il a jugé que, à terme, il devrait y avoir une déliaison des taux du foncier sur les ménages et sur les entreprises.
M. Charles Guené a jugé l'approche présentée très séduisante. Il a approuvé l'idée de réserver le produit de la taxe foncière et de la taxation de la valeur ajoutée aux communes et intercommunalités. La réduction des niches de l'IS doit rester un objectif prioritaire par rapport à une augmentation des taux. Il s'est inquiété du sort à réserver aux contribuables imposés sous le régime de l'impôt sur le revenu.
M. Michel Taly, compte tenu de la complexité des dispositions à mettre en oeuvre, s'est déclaré favorable à ne pas traiter spécifiquement le cas de ces contribuables. Il reste un nombre non négligeable d'entreprises qui seraient prioritairement à basculer dans le nouveau système entre le seuil actuel de 7,6 millions d'euros de chiffre d'affaires et le régime d'imposition à l'IR. Les contribuables soumis à l'IS effectueront un arbitrage entre les régimes fiscaux. Pour les professions libérales, la distinction des régimes fiscaux serait sans doute plus difficile à justifier au regard du principe constitutionnel d'égalité.
S'agissant de la taxe carbone, il a estimé que, si elle peut utilement contribuer à l'équilibre global de la réforme au niveau national, elle n'a pas sa place au niveau local.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a souligné le caractère très français du tabou de la question du transfert de l'imposition au détriment des ménages. Illustrant son propos par l'exemple du débat allemand sur la TVA sociale, au cours duquel le transfert vers les ménages n'a jamais été évoqué comme argument, il a déploré l'inculture économique moyenne des citoyens et des médias, appelant de ses voeux un important travail de pédagogie.
M. Philippe Adnot a observé qu'il existe bien un impôt économique, qui est représentatif des services rendus aux entreprises.
M. Jean Arthuis , président, s'est déclaré en désaccord avec le raisonnement qui admet que la diminution de la taxe professionnelle doit avoir pour conséquence mécanique une augmentation de l'IS versé par les entreprises.