F. M. DOMINIQUE BRESSON, ADJOINT AU DIRECTEUR DE LA STRATÉGIE, DE LA PLANIFICATION ET DES RELATIONS EXTÉRIEURES DU SHOM
Merci, Monsieur le président. Ce sera donc, si vous en êtes d'accord, un exposé à deux voix avec mon collègue Ronan Créach. Le SHOM, comme vous le savez, a été transformé en 2007 de service de la marine en établissement public à caractère administratif et entre désormais dans ses missions le soutien aux politiques publiques maritimes et du littoral ; dans ce cadre-là et dans ses domaines de compétences, le SHOM, en tant qu'opérateur, a été sollicité pour participer, sur demande des ministères chargés de l'Intérieur et du Développement durable et aux côtés du CEA et du CNRS, au dispositif qui vient de vous être présenté.
Je vais laisser mon collègue présenter le réseau de marégraphes du SHOM, d'autant qu'il est chef d'un projet qui s'appelle RONIM, pour Réseau d'observation du niveau de la mer, et qui a pour objectif la mise en place et le maintien en conditions opérationnelles d'un réseau moderne de marégraphes avec des transmissions en temps réel dans les principaux ports de France métropolitaine et d'Outre-mer. Ce projet vise à assurer la diffusion des données vers les usagers en temps réel et également en temps différé.
Autre projet du SHOM, qui contribue également à la connaissance des espaces côtiers, notamment du point de vue de la bathymétrie, qui avait fait l'objet d'une recommandation dans votre rapport, c'est le projet dit Litto3D (j'y reviendrai brièvement tout à l'heure) : c'est un projet qui est conjoint au SHOM et à l'Institut géographique national. Il s'inscrit dans le cadre du référentiel géographique du littoral et a pour but, pour dire les choses simplement, de produire et de mettre à disposition une base de données altimétriques qui lient de façon continue, cohérente, les parties immergées et émergées du littoral et de faire en sorte que les cartes marines et les cartes terrestres puissent s'imbriquer et être utilisées. Il doit également permettre de faire des simulations de montée des eaux qui auront toute leur utilité dans le cadre de la prévention des risques liés au changement climatique.
Mais je laisse Ronan présenter le réseau de marégraphes du SHOM.
G. M. RONAN CREACH, CHEF DE LA CELLULE « HYDRODYNAMIQUE CÔTIÈRE » ET CHEF DU PROJET « RONIM »
Monsieur le Sénateur, je vous propose de faire un petit tour des réseaux marégraphiques français. Le réseau RONIM du SHOM dont je suis en charge est présent dans les différents bassins, et j'ai complété ce réseau par celui d'autres organismes en particulier le LEGOS et l'Institut de physique du globe de Paris.
Pourquoi des réseaux de marégraphes pour les alertes aux tsunamis ? François Schindelé en a dit un mot. En premier lieu, c'est pour confirmer la génération d'un tsunami vers le centre d'alerte et insérer dans les messages des notions d'amplitude du niveau de la mer observé et ensuite, a posteriori , acquérir des mesures de tsunamis pour réaliser des simulations.
On a pu voir qu'en 2003, même en temps différé, les mesures acquises n'étaient pas suffisantes en termes de résolution pour une bonne connaissance des tsunamis enregistrés en Méditerranée et pour permettre ensuite une modélisation appropriée.
Je vais commencer par évoquer le cas de la métropole avec le projet de centre régional d'alerte aux tsunamis en Atlantique Nord-Est et Méditerranée, qui a été largement évoqué ce matin. Son architecture a été présentée : le SHOM opère la partie marégraphique avec une transmission des données qui sera mise en place vers le CEA vers fin 2011. L'état du réseau actuel, le réseau du SHOM en métropole, comprend 8 marégraphes disponibles en temps réel (qui sont les points verts sur la carte), et 18 marégraphes à adapter en temps réel d'ici la fin de 2011. Le principal point de développement du centre régional d'alerte aux tsunamis en Atlantique Nord-Est et Méditerranée est l'extension du réseau de 5 marégraphes supplémentaires (les points rouges sur la carte) avec, dans ce projet, deux nouveaux marégraphes prévus entre Nice et Toulon et 3 prévus en Corse.
Maintenant un point sur la situation des marégraphes dans l'océan Indien où la contribution française au système d'alerte aux tsunamis dans l'océan Indien est pilotée par Météo France.
Les opérateurs marégraphiques sont le LEGOS et le SHOM pour la mise à disposition des données directement vers les centres d'alerte régionaux. La situation dans l'océan Indien a progressé, grâce au fonds mis en place après le tsunami du 26 décembre 2004 : pour le SHOM, deux installations ont été réalisées, à Mayotte et à La Réunion, et pour le LEGOS (le Laboratoire d'Etudes en Géophysique et d'Océanographie Spatiale à Toulouse), l'adaptation du marégraphe du réseau ROSAME subantarctique de Kerguelen. De nouvelles réalisations devraient arriver dans l'année à venir : Crozet, Tromelin pour le LEGOS, et une seconde installation du SHOM à La Réunion (Sainte-Marie).
Dans les Caraïbes, il n'existe pas à ma connaissance de coordination de l'État mais une initiative de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) qui supporte ainsi largement le développement lié au système d'alerte aux tsunamis.
Il existe ainsi un projet d'installation de cinq stations en Guadeloupe, dont deux pourraient intervenir fin 2009 (La Désirade, Deshaies), et d'un marégraphe du conseil général de la Martinique au Nord-Ouest de la Martinique. Le SHOM pour sa part avait installé en 2005 deux marégraphes modernes à Pointe-à-Pitre et Fort-de-France qui attendent d'être mis en temps réel pour pouvoir contribuer au système d'alerte dans les Caraïbes.
Dans le Pacifique, comme cela a été évoqué par le secrétariat d'Etat à l'Outre-mer : il existe un projet de sept marégraphes en Nouvelle-Calédonie avec une inclusion de Wallis-et-Futuna. Les crédits sont disponibles pour l'acquisition des marégraphes, le cahier des charges est rédigé, il reste donc maintenant à traiter leur maintien en condition opérationnelle (le SHOM a fait une proposition en ce sens pour être l'opérateur de ce réseau).
En Polynésie française, comme cela a été largement dit aujourd'hui, on a déjà un réseau très bien développé avec trois marégraphes de l'université d'Hawaï et du Tsunami Warning Center, un marégraphe du CEA à Hiva Oa et plus récemment de nouvelles installations faites par le SHOM pour la sécurité civile à Tubuai, Rangiroa, puis dans les années à venir à Bora-Bora. Ils nécessiteront aussi probablement un soutien pour leur maintien en condition opérationnelle.
J'ajouterai un mot rapide sur un projet de recherche dans les archives marégraphiques nationales de l'ensemble des tsunamis historiques collectés par des marégraphes sur les côtes Atlantique nord-est et Méditerranée. Il s'agit d'un projet soutenu par l'ANR (l'Agence nationale la recherche), en collaboration avec le CEA qui montre particulièrement l'implication du SHOM dans ces problématiques de tsunami et vise à utiliser au mieux les archives dont le SHOM peut disposer dans ses locaux et plus généralement en France.
Enfin, l'une de vos recommandations était la coordination nationale de l'observation du niveau de la mer. Sur ce point, on note de grandes avancées avec une première mise en place de la fonction de coordinateur au travers de moyens donnés par le projet CRATANEM (le Centre régional d'alerte aux tsunamis présenté ce matin), et la définition d'un mandat piloté par le Secrétariat général de la mer avec une première réunion qui s'est déjà déroulée en mai et un projet d'instruction en cours de rédaction.
Comme cela a été mentionné par François Gérard ce matin, la problématique marégraphique s'inscrit dans un cadre multirisque et en particulier cette coordination vise à répondre à l'ensemble des besoins liés aux problématiques de submersion marine mais aussi à l'élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques, l'altimétrie satellite, la modélisation océanographique, l'aménagement des espaces littoraux et la sécurité de la navigation. L'installation des marégraphes répond donc à de multiples objectifs et leur déploiement dans le cadre de la prévention du risque de tsunami ne peut être que salué.
Je vais repasser la parole à Dominique Bresson.
M. Dominique BRESSON
Brièvement, je vais vous dire deux mots de ce projet commun SHOM/IGN, Litto3D, né à la suite d'une décision du comité interministériel de la mer du mois d'avril 2003 confirmé par le comité interministériel de l'aménagement du territoire de septembre 2004. Prenant conscience des distorsions des cartographies terrestres et maritimes du littoral, il a été décidé de faire ce référentiel commun et la réalisation en a été confiée au SHOM et à l'IGN.
Litto3D est un produit fondé sur des levés à la fois par des lasers topographiques avec des avions de l'IGN et des levés par lasers bathymétriques notamment pour les eaux de faible profondeur où les moyens nautiques ne peuvent pas pénétrer, le tout complété par des levés avec des sondeurs multifaisceaux pour la partie maritime.
Vous allez voir le résultat : c'est une expérimentation qui a été cofinancée par la communauté d'agglomération Toulon-Provence-Méditerranée (TPM), le SHOM et l'IGN en 2007 et dont les résultats viennent d'être fournis en ce mois de juin à TPM : vous voyez la rade de Toulon, la presqu'île de Giens, la vallée du Gapeau qui permet d'avoir une représentation beaucoup plus dense et continue de cette bande littorale. L'outil permet également de faire des simulations très fines de montée des eaux qui sont utiles à la fois en termes de prévention des risques littoraux mais aussi d'aménagement des espaces littoraux tant au profit des autorités publiques de l'État que des maires ou élus locaux.
Quels sont les chantiers à venir ? Cette année est vraiment placée sous le signe de l'océan Indien avec des partenariats à géométrie variable mais où le MEEDDAT et l'Agence des aires marines protégées, dans le cadre cette fois de la politique de connaissance et de préservation des milieux et des habitats, jouent aussi leur rôle pour Mayotte, pour La Réunion et les îles éparses. On voit bien que pour ces espaces maritimes et littoraux, la connaissance reste encore à affiner. J'allais dire que les applications sont duales, mixtes, et que la prévention des risques peut trouver dans la préservation de la biodiversité un allié : avec le même outil, on sert plusieurs besoins. C'est bien la démarche dans laquelle le SHOM s'engage. Voilà le levé qui vient juste d'être fait des côtes de La Réunion. François Schindelé a rappelé tout à l'heure qu'il y avait des vagues de tempête importantes : cela permet, notamment pour la route littorale, aux autorités locales de mieux connaître les risques auxquels elles doivent se préparer et de préparer les populations.
L'avenir est le volet alerte descendante du projet CRATANEM pour lequel le SHOM va continuer à travailler avec les ministères concernés et les autres opérateurs : c'est la généralisation de ce projet Litto3D aux différents espaces littoraux, aux différentes façades littorales françaises et évidemment un des critères, puisque l'on ne peut pas tout faire la même année ni tout faire d'un coup, est la vulnérabilité aux aléas dont celui lié aux tsunamis.
Je vous remercie.