M. PHILIPPE LEYSSENE, AMBASSADEUR DÉLÉGUÉ À LA COOPÉRATION RÉGIONALE DANS LA ZONE DE L'OCÉAN INDIEN

La mission a ensuite entendu M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien.

Après avoir rappelé que la mission commune d'information avait entendu la semaine précédente M. Jean-Paul Dumont, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, sur l'insertion régionale de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, M. Serge Larcher, président , a souhaité que M. Philippe Leyssenne, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, expose l'état actuel et les perspectives de la coopération régionale de la Réunion au sein de l'Océan Indien.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien , a souligné que l'océan Indien était le plus petit des trois océans mais comptait deux milliards d'habitants, soit le tiers de la population mondiale, et était pourvu d'importantes ressources naturelles et halieutiques. Il a précisé qu'il s'agissait d'une zone principalement anglophone avec une prédominance de la religion musulmane. Il a rappelé que la France était présente dans cette région au travers de trois collectivités, la Réunion, Mayotte et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), cette dernière, bien qu'elle ne comporte aucun résident permanent, participant néanmoins à la coopération régionale.

M. Philippe Leyssene a indiqué que l'on pouvait distinguer trois cercles de partenaires potentiels des collectivités françaises dans l'océan Indien :

- le premier cercle se compose des pays membres de la Commission de l'océan Indien, c'est-à-dire Madagascar, l'île Maurice, les Seychelles et les Comores. Il a rappelé qu'il s'agissait d'une organisation à dominante francophone et dont la France est membre à part entière au titre de la Réunion, mais dont Mayotte ne fait pas partie en raison de la revendication des Comores sur ce territoire. Toutefois, la situation actuelle à Madagascar et les relations délicates entre la France et les Comores à propos de Mayotte n'empêchent pas une coopération étroite ; ainsi, la France vient-elle de succéder aux Comores à la présidence de la Commission de l'océan Indien et Madagascar devrait accueillir le prochain Sommet de la francophonie en 2010 ;

- le deuxième cercle est constitué des pays africains riverains de l'océan Indien, c'est-à-dire l'Afrique du Sud, le Mozambique et la Tanzanie ;

- enfin, les autres pays de la région constituent le troisième cercle.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a indiqué que, si la Commission de l'océan Indien représentait notre partenaire privilégié dans la région, la coopération régionale était nécessairement à géométrie variable, les partenaires n'étant pas les mêmes selon les sujets. Il a mentionné, à titre d'illustration, la lutte contre la piraterie maritime, qui devait inclure les États de la Corne de l'Afrique, ou la lutte contre la pêche illégale, qui devait associer l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Il a ensuite présenté les différentes caractéristiques de la coopération régionale dans l'océan Indien en soulignant tout d'abord sa complexité, étant donné le nombre élevé et la diversité des organisations intervenant dans cette zone. Outre la Commission de l'océan Indien, il existe, en effet, d'autres organisations régionales dont la France n'est pas partie, comme le traité du marché commun d'Afrique orientale et australe (COMESA), au sein duquel la France a un statut d'observateur, l'Association des États riverains de l'océan Indien (ARC), dont la France est « partenaire de dialogue », la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) ou encore l'Union africaine.

Il a précisé que d'autres organisations internationales spécialisées étaient également présentes dans la région, comme l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) ou l'Union internationale des télécommunications (UIT), où la question du statut de Mayotte pouvait se poser.

Il a rappelé que, à côté des organisations interétatiques, il existait également des structures originales, issues de la société civile, telles que les organisations sportives régionales ou l'Union des ports de l'océan Indien, qui jouaient souvent un rôle très efficace de relais et de partenaires de la coopération régionale. Il a cité, à cet égard, l'association des radios et télévisions de l'océan Indien, qui tient un rôle important en matière de dialogue interculturel et constitue un outil essentiel pour le développement de la francophonie, ou encore l'Union des chambres de commerce et d'industrie de l'océan Indien, qui présente la particularité de regrouper l'ensemble des pays membres de la Commission de l'océan Indien et Mayotte, où devrait d'ailleurs se tenir son prochain forum.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a estimé que le deuxième trait caractéristique de la coopération régionale dans l'océan Indien tenait au statut très différent des États appartenant à cette région, puisqu'on y trouve des États avec de forts écarts de développement avec des États faisant partie des pays les moins avancés (PMA), des pays à revenu intermédiaire (PRI) et des pays développés, des pays membres de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) et des États membres de l'Union européenne, et que les trois collectivités françaises se répartissent en une région ultrapériphérique (RUP) et deux pays et territoires d'Outre-mer (PTOM), ce qui soulève la question de l'articulation de la coopération régionale, en particulier pour l'Union européenne.

Citant le cas de Mayotte avec les Comores ou des Terres australes et antarctiques françaises avec l'île Maurice, il a exposé que la troisième particularité de cette région reposait sur le fait que la souveraineté française était parfois mise en question par nos partenaires.

La quatrième caractéristique résulte de l'importance de la coopération décentralisée, en particulier à Madagascar, et la dernière tient à la forte implication des élus locaux.

Constatant que la France, en tant que seul pays membre de l'Union européenne riverain de l'océan Indien, avait une légitimité particulière pour nouer un partenariat étroit avec les États de cette région, M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a conclu par la présentation des principales priorités pour le renforcement de la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien :

- il a regretté que l'Union européenne n'ait pas su développer une approche régionale de l'océan Indien, alors que le renforcement de la coopération régionale était une nécessité ;

- il a souligné que la coopération régionale n'allait pas de soi mais devait se traduire par des projets concrets, en distinguant la coopération institutionnelle et la coopération privée, complémentaires, mais dont les objectifs, les modes d'action et de financement sont distincts. Il a mentionné le cas des transports, en citant l'exemple de la liaison entre les Comores et l'île Maurice ;

- il a enfin estimé qu'une meilleure coordination était indispensable, notamment dans la gestion des différents programmes de financement.

M. Éric Doligé, rapporteur , a demandé à M. Philippe Leyssene si la crise actuelle à Madagascar ou l'attitude des Comores à l'égard de Mayotte ne constituaient pas de sérieux obstacles au renforcement de la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien. Il s'est enquis d'exemples concrets de coopération et de l'articulation entre les différents modes de financement nationaux et européens.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien , a reconnu que la crise actuelle à Madagascar ou la situation aux Comores étaient préoccupantes, mais il a considéré que le renforcement du partenariat avec ces pays était néanmoins souhaitable, en particulier avec Madagascar qui, avec une population de dix-huit millions d'habitants, est un partenaire incontournable dans la région. Il a également mentionné d'autres partenaires potentiels, tels que l'Afrique du Sud, où une délégation réunionnaise se rend chaque année.

Concernant les financements, il a jugé que les fonds de coopération régionale à Mayotte et à La Réunion fonctionnaient de manière satisfaisante mais a précisé que, à l'avenir, l'accent serait mis sur le suivi et l'évaluation des projets ayant donné lieu à des subventions afin de mesurer leur impact réel sur le long terme. Il a estimé que le renforcement de la coopération régionale passait par des projets concrets structurants, par exemple dans les domaines de la santé ou de l'éducation.

En revanche, s'agissant des fonds européens, il a regretté le manque d'articulation entre les différents financements, notamment entre les fonds Interreg destinés à La Réunion, qui représentent trente cinq millions d'euros, et les financements au titre du dixième Fonds européen de développement (FED) consacrés à la coopération régionale des pays et territoires d'outre-mer, à hauteur de quarante millions d'euros, ainsi qu'aux pays de la région.

M. Serge Larcher, président , ayant fait observer que la coopération régionale, pour être efficace, devait reposer sur une logique gagnant-gagnant, M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien , a cité l'exemple de la santé, en mentionnant le projet de créer à La Réunion un pôle régional de santé autour du centre hospitalier universitaire, qui offrirait une offre de santé et de formation pour toute la région de l'océan Indien.

Rappelant qu'il avait soutenu le projet de création d'un pôle régional de santé à La Réunion, une telle initiative pouvait servir de vitrine à la coopération régionale, M. Jean-Paul Virapoullé s'est interrogé au sujet de la réaction des pays de la région à cette proposition. Il s'est également demandé s'il n'y avait pas de contradiction entre la volonté d'établir un partenariat entre les pays de la région et la concurrence que se livrent ces États. Enfin, il a souhaité avoir des précisions au sujet des négociations sur les futurs accords de partenariat économique avec les pays de la zone et leur impact sur La Réunion.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien , a estimé qu'aussi bien La Réunion que les pays voisins trouveraient un intérêt au projet de pôle régional de santé. Il a cité l'exemple des jeunes étudiants en médecine originaires des Seychelles qui vont se former en Australie mais ne reviennent pas exercer leur métier dans leur pays. Il a également mentionné le potentiel exceptionnel de La Réunion dans le domaine de la recherche, en rappelant le cas du virus du chikungunya ou la création récente d'une nouvelle variété d'oignon, devant permettre à ce territoire d'être autosuffisant, voire même exportateur de cette denrée.

M. Philippe Leyssene, ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien, a précisé que la coopération institutionnelle se distinguait de la coopération économique, dans la mesure où elle n'avait pas pour objet d'encourager les entreprises à trouver de nouveaux débouchés, même si le développement des échanges économiques participait aussi au renforcement de l'insertion régionale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page