MME ANNE BOLLIET, INSPECTRICE GÉNÉRALE DES FINANCES

Puis la mission a procédé à l' audition de Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances.

M. Serge Larcher, président , a rappelé, en préambule, que Mme Anne Bolliet avait participé au cours des dernières années à de nombreuses missions d'audit de modernisation lancées outre-mer, notamment sur la politique du logement social, la politique de résorption de l'habitat insalubre ou encore l'évaluation du dispositif d'exonérations de charges sociales spécifique à l'outre-mer. Il a indiqué qu'elle avait également participé au rapport d'enquête sur l'optimisation de la desserte aérienne des départements d'outre-mer et avait été responsable de l'équipe de la revue générale des politiques publiques (RGPP) sur la modernisation de la politique de l'outre-mer. Il a estimé que cette expérience lui assurait une vision large des politiques menées par l'État outre-mer.

Après avoir indiqué que le secrétariat d'État à l'outre-mer avait lancé à partir de 2004 de nombreux audits de modernisation, auxquels avait été associé le ministère des finances, Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, a souligné l'intérêt de ces opérations, notamment du fait de leur caractère public et de l'appropriation de ces travaux par les parlementaires.

Elle a ainsi exposé l'exemple de la politique de défiscalisation outre-mer en indiquant avoir initialement constaté, à l'occasion des audits, le manque d'informations statistiques disponibles en matière de défiscalisation, notamment pour la partie de l'exonération applicable de plein droit, l'absence de procédure d'agrément rendant toute évaluation impossible. La mission d'audit avait donc préconisé une obligation déclarative, mesure reprise par la loi de finances rectificative pour 2007. Cependant, le défaut d'informatisation des procédures déclaratives empêchant encore aujourd'hui d'exploiter les données collectées, le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (PLODEOM) a introduit une disposition visant à rendre obligatoire la transmission des données par voie informatique, y compris pour la défiscalisation réalisée hors agrément, ce qui devrait enfin permettre à l'horizon 2010-2011 une évaluation précise du dispositif de défiscalisation.

M. Éric Doligé, rapporteur, a souhaité savoir si les recommandations des différents rapports auxquels Mme Anne Bolliet avait participé avaient été suivies d'effets. Il a également interrogé cette dernière sur les propositions du rapport rendu par l'Inspection générale des finances sur la question sensible des prix des carburants dans les départements d'outre-mer. Il a enfin souhaité connaître son point de vue sur la mise en place d'une commission d'évaluation des politiques de l'État outre-mer prévue par le PLODEOM, ainsi que sur les réformes à mener prioritairement outre-mer.

Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances , a relevé que les recommandations des missions auxquelles elle avait participé avaient souvent été suivies d'effet. Elle a illustré son propos par l'exemple du PLODEOM qui reprend certaines préconisations formulées en matière de logement social (en l'occurrence la réorientation de la défiscalisation en matière de logement vers le logement social), de réforme de la TVA-non perçue récupérable (TVA-NPR), ou encore d'adaptation du dispositif de défiscalisation. Elle a cité comme autre exemple celui du secrétariat d'État à l'outre-mer dont l'évolution vers une « administration de mission », ne gérant plus de crédits, avait été préconisée au titre de la RGPP, en précisant que si les deux directions avaient été remplacées par une délégation interministérielle, il avait été cependant impossible de retirer au ministre son pouvoir de gestion de crédits.

S'agissant du rapport de l'Inspection générale des finances sur le prix des carburants dans les départements d'outre-mer, elle a indiqué qu'il dessinait plusieurs pistes à court comme à moyen terme, telles qu'un rééquilibrage des surcoûts de la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA) aux Antilles et en Guyane, la libéralisation de la distribution de carburant, la fermeture à moyen terme de la SARA ou un transfert aux collectivités territoriales de la fixation des prix.

Elle a estimé que la commission d'évaluation des politiques publiques menées outre-mer pourrait être utile en matière d'appropriation des différents dispositifs en constituant un lieu de discussion mais qu'elle pourrait difficilement effectuer un véritable travail d'évaluation, ne disposant pas des outils nécessaires.

Au rang des réformes prioritaires, Mme Anne Bolliet a placé la question des prix, estimant qu'un travail important d'anticipation était nécessaire sur ce sujet du fait des échéances réglementaires européennes en matière d'octroi de mer ou de défiscalisation.

En réponse à une question de M. Serge Larcher, président, elle a indiqué que, s'agissant de la desserte aérienne des départements d'outre-mer, la mise en place de prix plafond, bien que séduisante, était impossible, du fait de la réglementation européenne notamment.

Mme Catherine Procaccia a indiqué qu'elle avait pu constater lors d'un déplacement aux Antilles que les prix des carburants étaient légèrement inférieurs à ceux pratiqués en Île-de-France et a observé que la fermeture de la SARA aurait des conséquences sociales désastreuses.

Mme Anne Bolliet a confirmé que jusqu'à l'été 2008, les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane, connaissaient des prix des carburants plutôt inférieurs à ceux pratiqués en métropole, notamment du fait d'une fiscalité moins lourde. Elle a expliqué que l'administration des prix conduisait à un décalage entre leur évolution et celle des cours, source d'incompréhension dans les opinions locales au moment de l'effondrement des cours du brut, la poursuite de l'évolution à la hausse en Guyane ayant été aggravée par l'obligation de mise aux normes du carburant distribué, à l'origine d'un surcoût de 20 à 30 centimes par litre.

Elle a indiqué que la mission avait évalué à 17 centimes d'euro par litre le surcoût induit par l'intervention de la SARA, l'absence d'automatisation du système de distribution dans les DOM contribuant également à un renchérissement.

Après avoir relevé que les élus faisaient souvent davantage confiance aux missions d'information parlementaires qu'aux missions interministérielles, M. Jean-Etienne Antoinette a dénoncé le fait que, dans un système de prix administrés, les actionnaires de la SARA puissent néanmoins fixer un taux de rentabilité les majorant. Il a regretté que le rapport de l'inspection générale soit muet sur cette question. Il s'est également interrogé sur la possibilité pour la Guyane de déroger aux normes européennes en matière de carburants.

Mme Anne Bolliet a indiqué qu'en matière de normes des carburants, la mission avait procédé à de nombreuses consultations et qu'aucune possibilité de prorogation de la dérogation pour la Guyane n'avait paru envisageable. Après avoir rappelé la totale indépendance de la mission menée par l'inspection générale, elle a souligné que la SARA était une entreprise privée et qu'il n'était donc pas anormal que ses actionnaires fixent des objectifs de rentabilité. Elle a également souligné que l'Agence des Participations de l'État (APE) exigeait souvent des entreprises publiques qu'elle gérait un taux de rentabilité supérieur à 10 %, le taux de rentabilité de la SARA étant d'environ 9 %.

En réponse à Mme Catherine Procaccia qui estimait que la concurrence pourrait permettre de faire baisser les prix en matière de desserte aérienne, Mme Anne Bolliet a indiqué que dans les départements d'outre-mer, à l'exception de la Guyane, les prix restaient élevés en dépit de l'absence de situation monopolistique, la puissance de l'entreprise Air France empêchant toute tentative de concurrence vertueuse en la matière ; elle a précisé qu'aujourd'hui Air Caraïbes et Air Austral pratiquaient des prix seulement très légèrement inférieurs à ceux d'Air France. Elle a complété son analyse par le double constat de prix poussés à la hausse par le faible nombre de places à haut rendement sur les destinations concernées et la pratique des congés bonifiés. Elle a rappelé qu'en matière de desserte aérienne, l'inspection générale avait préconisé la modification des obligations de service public.

Après avoir souligné que le secrétaire d'État à l'outre-mer avait affirmé que les départements d'outre-mer représentaient 1 % du trafic d'Air France et 14 % de ses bénéfices, M. Serge Larcher, président , s'est interrogé sur l'obligation pour la SARA d'importer du pétrole d'Europe du Nord.

Mme Anne Bolliet a indiqué que la SARA ne disposait pas des technologies nécessaires pour raffiner le pétrole issu de la zone caraïbe.

En réponse à une question de M. Jean-Etienne Antoinette sur la prorogation du délai de remboursement du prêt accordé par l'Agence française de développement (AFD) aux distributeurs de carburant présents en Guyane, Mme Anne Bolliet a indiqué que ce prêt constituait une avance de trésorerie accordée par l'État en compensation de l'étalement de l'augmentation du prix du carburant induite par la mise aux normes européennes. Ce prêt devait être initialement remboursé, à l'issue de la période de lissage, par une surtaxe de 2 à 4 centimes payée par le consommateur. Elle a déclaré qu'il était apparu inopportun, dans la situation actuelle, de mettre en place cette surtaxe et a relevé qu'il restait huit mois pour régler la question.

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