3. L'impérieuse nécessité d'une meilleure insertion régionale
Si les départements et régions d'outre-mer, en dépit de leur éloignement géographique, entretiennent des liens étroits avec la métropole, leurs relations avec les pays et territoires voisins demeurent assez limitées. Or, une meilleure insertion des DOM au sein de leur environnement régional serait bénéfique à la fois du point de vue économique, mais aussi dans des domaines comme la protection de l'environnement, la lutte contre l'immigration clandestine ou encore en matière culturelle.
Depuis une dizaine d'années, des efforts ont été déployés pour mieux insérer les départements et régions d'outre-mer dans leur environnement géographique immédiat .
Cependant, il faut reconnaître que les progrès de l'intégration régionale sont restés à ce jour assez limités. Il existe, en effet, de nombreux obstacles à l'intégration régionale, qui tiennent notamment aux différences institutionnelles, de niveaux de vie, aux difficultés de transport ou encore aux barrières linguistiques.
Malgré ces difficultés, la coopération régionale est aujourd'hui considérée comme une des clés du développement des DOM et elle figure en bonne place parmi les thèmes prioritaires fixés pour les états généraux de l'outre-mer.
La mission commune d'information est convaincue que le renforcement de l'insertion des départements et régions d'outre-mer au sein de leur environnement régional répond à la fois à l'intérêt des collectivités concernées et à celui de la France dans son ensemble.
a) Une préoccupation récente
En dépit de leur proximité géographique, les liens qui existent entre les départements français d'outre-mer et les pays ou territoires voisins restent assez limités. L'insertion des DOM au sein de leur environnement régional est une préoccupation relativement récente, dont les instruments ont été renforcés par la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000.
(1) Les partenaires naturels des départements d'outre-mer
(i) La coopération régionale dans les Caraïbes
L'espace Caraïbe est un ensemble formé de 38 pays et territoires de plus de 5,2 millions de km² (soit dix fois la superficie de la France métropolitaine). La population s'élève à près de 250 millions d'habitants, soit environ 4 % de la population mondiale.
Au niveau politique, on constate une grande hétérogénéité, puisque l'on y trouve :
- des îles françaises : La Guadeloupe, la Martinique, mais aussi Saint-Barthélemy et Saint-Martin, et un territoire français enclavé au Nord Est du continent Sud américain : la Guyane ;
- des îles britanniques : Anguilla, les Bermudes, les îles Caïmans, les îles Turques et Caïques, les îles vierges britanniques et Montserrat ;
- des îles hollandaises : les Antilles néerlandaises et Aruba ;
- des îles américaines : les îles Vierges américaines, Porto Rico (État libre associé aux États-Unis) ;
- deux îles ont une souveraineté partagée : Saint-Martin, partie française, Sint-Marteen , partie néerlandaise et Hispaniola, avec Haïti à l'ouest et la République dominicaine à l'est.
- des pays indépendants (comme Cuba ou Haïti).
La Guyane occupe une place particulière. À la différence des autres départements français d'outre-mer qui sont des îles, la Guyane se situe au Nord-Est du continent Sud-américain. C'est d'ailleurs le seul territoire du continent Sud-américain où il existe une présence de la France et de l'Union européenne. Sa réalité géographique lui confère un ancrage fort dans le bassin amazonien. Elle s'intègre, en effet, dans le plateau des Guyanes qui s'étend du Sud du Venezuela au Nord-Est du Brésil. D'une superficie de 83 534 km², la Guyane occupe seulement 4 % de la surface de cette région, alors qu'elle forme le plus vaste des départements français (16 % du territoire de l'hexagone), équivalent à la surface du Portugal.
La Guyane est bordée au Nord par l'océan Atlantique sur 320 km environ. À l'Ouest, on trouve le Surinam (520 km de frontière commune) avec pour frontière le fleuve Maroni, et enfin au Sud et à l'Est, le Brésil avec lequel elle partage 580 km de frontière. La frontière Est avec le Brésil est matérialisée par le fleuve Oyapock.
La Guyane est recouverte à 94 % par la forêt amazonienne qui est sillonnée de rivières et de fleuves entrecoupés de rapides (le Maroni, la Mana, la Sinnamary, l'Approuague, l'Oyapock). La côte est constituée de mangrove sur plusieurs kilomètres. La bande côtière, qui a subi une forte déforestation, se présente sous forme de savane.
S'il existe quatre langues officielles (l'anglais, le français, l'espagnol et le néerlandais), et que les habitants de l'espace de la Caraïbe sont très majoritairement hispanophones, héritage de la colonisation espagnole, on compte néanmoins plus de 10 millions de francophones. En outre, il convient d'ajouter à ces langues officielles le créole, qui est cependant différent selon les territoires.
L'économie de la zone est également très hétérogène. En effet, en termes de richesse par habitant, l'échelle varie de 1 à 100 Les trois départements français d'Amérique figurent dans les dix premiers PIB/habitant 137 ( * ) . Quatre États ont un PIB par habitant inférieur à 1 000 dollars : le Guyana, le Honduras, le Nicaragua et Haïti 138 ( * ) .
Les Antilles ont connu plusieurs expériences d'intégration régionale par le passé, à l'image des dix territoires anglophones qui se fédérèrent en 1958 à l'initiative du Royaume-Uni sous le nom de « West Indies Federation », cette fédération ayant disparu en 1962 après le retrait de la Jamaïque et de Trinité-et-Tobago.
Malgré cet échec, la nécessité d'une coopération économique régionale donna naissance en 1965 à la signature d'un premier accord de libre-échange entre trois États (Antigua-et-Barbuda, la Barbade et le Guyana), puis à la création en 1973 de la Communauté et du Marché commun de la Caraïbe (« The Caribbean Community and Common Market » - CARICOM). De par son origine, le CARICOM a ainsi conservé une spécificité anglophone et insulaire.
Le CARICOM est à l'origine de la création en 1994 de l'Association des États de la Caraïbe ou AEC. Par ailleurs, à l'intérieur du CARICOM, les anciennes petites Antilles britanniques se sont regroupées en 1981 afin de défendre leurs intérêts particuliers en tant que pays moins développés au sein de l'Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO).
La France participe à deux organisations régionales : la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et l'Association des États de la Caraïbe (AEC).
Les différentes organisations régionales dans la zone Antilles-Guyane 1°) La Communauté des Caraïbes (CARICOM) Créée en août 1973, la Communauté des Caraïbes (CARICOM) réunit 15 États et territoires associés 139 ( * ) . Si elle a pour premier objectif la création d'une zone de libre-échange, ses missions comportent également la coordination des politiques dans le domaine des transports, du financement, du développement industriel et régional, ainsi que de la collecte des statistiques. Le 30 janvier 2006, à Kingston, en Jamaïque, a été inauguré le marché unique de la CARICOM, le CARICOM single market and economy (CSME), entre six pays (la Barbade, le Belize, le Guyana, la Jamaïque, le Surinam et Trinité-et-Tobago), rejoints le 30 juin 2006 par les pays de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale. Le CARIFORUM (forum des États ACP de la région Caraïbe), créé en 1992, est composé des membres de la CARICOM auxquels s'ajoutent Cuba et la République dominicaine. L'objet de l'organisation est de rassembler les pays ACP de la région en vue des négociations commerciales avec l'Union européenne. Un accord de partenariat économique (APE) entre le CARIFORUM et l'Union européenne , paraphé le 16 décembre 2007, a été officiellement signé le 15 octobre 2008. Il couvre les échanges commerciaux de marchandises et de services et contient des accords relatifs aux domaines touchant au commerce et à la coopération au développement. 2°) L'Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO) Au sein de la CARICOM, l'Organisation des États de la Caraïbe Orientale a été créée en 1981 pour succéder au Marché commun des Antilles orientales mis en place en 1968. Cette organisation se compose de neuf membres, dont six États (Sainte-Lucie, Grenade, la Dominique, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Saint-Christophe-et-Niévès, Antigua et Barbuda) et trois territoires britanniques associés (Montserrat, Anguilla et les îles Vierges britanniques). Elle a pour objectif de développer la croissance de la région et d'aider ses membres à formuler et à mettre en oeuvre des politiques cohérentes en vue de favoriser leur insertion dans l'économie régionale et mondiale. En 1983, l'OECO s'est dotée d'une monnaie unique, le dollar de la Caraïbe orientale, et en 1991 elle a mis en place un marché unique (« OECS Single Market ») . Le 30 juin 2006, l'OECO a rejoint le marché unique de la CARICOM (« Carribean Single Market and Economy »). 3°) L'Association des États de la Caraïbe (AEC) L'Association des États de la Caraïbe (AEC) a été mise en place le 24 juillet 1994 à Carthagène, en Colombie, dans le but de promouvoir la consultation, la coopération et l'action concertée entre tous les pays de la Caraïbe. Elle compte 25 États membres 140 ( * ) et trois membres associés, dont la France. L'AEC a pour objet de renforcer le processus régional de coopération et d'intégration afin de créer un espace économique élargi dans la région, de préserver l'intégrité environnementale de la mer des Caraïbes et de promouvoir le développement durable de la Grande Caraïbe. Les projets de coopération technique régionale développés par l'AEC se concentrent sur quatre domaines d'action prioritaires : le commerce, les transports, le tourisme durable et la prévention des catastrophes naturelles. Un certain nombre d'accords, de protocoles et de conventions sont sur le point d'être ratifiés : l'accord pour la coopération régionale en matière de catastrophes naturelles ; le protocole sur les privilèges et immunités ; la convention pour la création de la zone de tourisme durable de la Grande Caraïbe ; le protocole à la convention pour la création de la zone de tourisme durable de la Grande Caraïbe et l'accord sur le transport aérien. Ainsi pourrait être institué un cadre politique et légal de coopération régionale dans la Grande Caraïbe. |
* 137 En Guadeloupe, le PIB par habitant s'établit à 17 221 euros contre 28 356 euros pour la métropole ; en Guyane, il est de 13 886 euros ; en Martinique, de 19 168 euros. Comparé au niveau de vie des pays voisins dans la zone Antilles-Guyane, le niveau de vie des DOM est nettement supérieur (le PIB par habitant est de 3 750 $ à la Dominique, 3 200 $ au Surinam et 5 088 $ au Brésil).
* 138 Le PIB par habitant est de 600 $ à Haïti.
* 139 Les membres du CARICOM sont : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, La Dominique, Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Montserrat, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Surinam, Trinité-et-Tobago.
Les membres associés sont : Anguilla, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, les îles Turques et Caïques.
* 140 Les membres de l'AEC sont : Antigua-et-Barbuda, les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Colombie, le Costa-Rica, Cuba, la Dominique, la Grenade, le Guatemala, le Guyana, Haïti, le Honduras, la Jamaïque, le Mexique, le Nicaragua, le Panama, la République dominicaine, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent et les Grenadines, le Salvador, le Surinam, Trinité-et-Tobago, le Venezuela.
Les membres associés sont Aruba, les îles Turques et Caïques, les Antilles néerlandaises et la France avec ses trois régions d'Amérique : la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane.