(3) Un nouveau paradigme à valoriser : les régions ultrapériphériques, un atout pour l'Europe
Le 12 septembre 2007, dans une communication intitulée « Stratégie pour les régions ultrapériphériques : bilan et perspectives », la Commission européenne avait évoqué certaines pistes d'évolution de la réglementation communautaire afin d'assurer une meilleure prise en compte de la situation particulière des régions ultrapériphériques.
Une phase de consultation avait été lancée pour s'achever en mars 2008. Dans ce cadre, la France, l'Espagne et le Portugal s'étaient accordés pour rédiger un memorandum commun sur la nouvelle impulsion à donner à la politique européenne à l'égard des régions ultrapériphériques. Cette contribution a été transmise à la Commission européenne en juillet 2008.
Par une nouvelle communication du 17 octobre 2008 , intitulée « Les régions ultrapériphériques : un atout pour l'Europe » 136 ( * ) , la Commission européenne propose , sur la base des consultations effectuées, « un changement d'approche pour l'évolution de la stratégie, ouvrant la voie au nouveau paradigme » et fait des recommandations afin d'assurer « une utilisation optimale des instruments et des possibilités existantes dans le présent cadre financier (2007-2013) ».
Depuis 2004, la stratégie européenne vis-à-vis des régions ultrapériphériques repose sur trois axes : la réduction du déficit d'accessibilité, l'accroissement de la compétitivité et le renforcement de l'insertion régionale.
La Commission européenne considère que cette approche reste valable, en raison du caractère permanent des handicaps des RUP, mais qu'elle requiert un approfondissement afin de répondre aux nouveaux enjeux.
Un nouveau paradigme , fondé non plus sur l'invocation des handicaps structurels mais sur la valorisation des atouts des RUP , doit conduire, d'après la Commission européenne, à un renouvellement de la stratégie européenne, qui devra s'appuyer notamment sur des secteurs à forte valeur ajoutée tels que l'agroalimentaire, la biodiversité, les énergies renouvelables, l'astrophysique, l'aérospatial, l'océanographie, la vulcanologie ou encore la sismologie, mais aussi sur le rôle important des RUP en tant qu'« avant-postes » de l'Union européenne dans d'autres régions du monde.
À cet égard, dans sa communication, la Commission européenne propose, en premier lieu, d'assurer une meilleure utilisation des instruments communautaires existants.
Ainsi est-il prévu de tirer parti de l'ensemble des instruments actuels ainsi que de la flexibilité offerte par les règlements sur les fonds structurels pour initier de nouvelles priorités, en particulier lors de la réflexion stratégique à mi-parcours autour des rapports nationaux de 2009 et du rapport de la Commission en 2010.
La Commission européenne encourage aussi les régions ultrapériphériques à saisir les opportunités offertes au sein des programmes communautaires existants dans les domaines de l'éducation et de la formation, de la recherche, des transports, de l'énergie, de l'innovation, des technologies de l'information et de la communication, de l'éducation ou de la culture, à travers une participation active aux appels à propositions correspondants.
La Commission européenne propose, en second lieu, dans sa communication, plusieurs actions spécifiques en faveur des régions ultrapériphériques. Ces actions se répartissent en quatre grands thèmes : le changement climatique, les évolutions démographiques et les flux migratoires, l'agriculture et la politique maritime.
? En matière de lutte contre le changement climatique , la Commission européenne recommande notamment :
- de reconnaître la vulnérabilité des régions ultrapériphériques face aux effets du changement climatique ;
- de lancer une étude d'impact économique de l'adaptation au changement climatique dans les zones côtières et d'encourager la mise en place d'une politique de gestion intégrée des risques côtiers (submersions, érosion côtière, réduction de la vulnérabilité des populations et biens exposés) et d'un dispositif de surveillance et d'alerte dans le contexte de la sécurité et de la protection civile ;
- d'élaborer un schéma volontaire de conservation de la nature , basé sur l'expérience de Natura 2000, et de développer et mettre en oeuvre des mesures visant à lutter contre les espèces envahissantes.
? En ce qui concerne les évolutions démographiques et les flux migratoires , elle suggère :
- de lancer une étude d'impact pour mieux appréhender les conséquences tant de la migration que de l'évolution démographique sur le territoire, le marché du travail, les services publics, l'éducation et la santé dans les régions ultrapériphériques . Ceci pourrait conduire à l'établissement d'un « bilan migratoire » pour chaque région qui pourra servir à la Commission européenne, lors de l'évaluation à mi-parcours du programme « Solidarité et gestion des flux migratoires 2007-2013 », afin de déterminer si de nouveaux développements sont nécessaires, et en particulier la création d'un « fonds européen d'ajustement à la migration » ;
- de poursuivre et, le cas échéant, de renforcer les travaux d'analyse en vue d'intégrer le facteur de l'évolution démographique dans la définition des politiques européennes en matière d'éducation, de formation et d'emploi ainsi que dans le processus de programmation des fonds structurels européens.
? Dans le domaine de l'agriculture , elle prévoit :
- de continuer à encourager l'utilisation de toutes les possibilités offertes par le régime POSEI pour tout ce qui concerne la structuration et la répartition de l'enveloppe budgétaire allouée à chaque RUP, le nombre de productions à soutenir, ainsi que la surveillance de problèmes environnementaux liés à des pollutions spécifiques ;
- d'encourager l'utilisation des différentes aides à l'installation et à l'investissement des jeunes agriculteurs , afin de tenir compte des exigences régionales spécifiques.
? Enfin, concernant la politique maritime , la Commission recommande notamment :
- d'encourager les régions ultrapériphériques à jouer un rôle stratégique en matière de gouvernance et de surveillance maritime dans leurs régions respectives , notamment à travers le développement de leur propre politique maritime régionale intégrée, ainsi que par des actions de coopération avec les pays tiers menées dans le cadre des programmes communautaires de coopération territoriale ou du plan régional de surveillance de la pêche dans le Sud-ouest de l'océan Indien ;
- d'encourager les liaisons maritimes entre les régions ultrapériphériques et les États voisins en vue de renforcer les échanges économiques et culturels, en modifiant les actuelles orientations communautaires sur les aides d'État au transport maritime, afin d'autoriser des aides au démarrage pour de telles liaisons. Les régions ultrapériphériques peuvent alternativement recourir sur de telles liaisons à des contrats de service public dans le respect des critères définis par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes .
De manière plus générale, la Commission européenne suggère aussi :
- de renforcer, lors de l'adoption de nouvelles législations communautaires, l'analyse de leurs conséquences sur les régions ultrapériphériques afin d'en assurer la cohérence . Dans ce cadre, la Commission européenne estime que les travaux de son « groupe interservices RUP » pourraient être, selon les besoins, accompagnés par des task forces ad hoc sur des problématiques spécifiques ;
- de lancer une étude socio-économique sur les facteurs de croissance dans les régions ultrapériphériques , mettant l'accent sur les secteurs porteurs, identifiant les principales contraintes à leur développement et ouvrant des pistes pour y répondre ;
- d'inscrire la réflexion sur l'évolution de la stratégie pour les régions ultrapériphériques et de susciter la pleine contribution de celles-ci aux processus et actions actuellement en cours (Livre vert sur la cohésion territoriale : réflexions sur l'avenir de la politique de cohésion après 2013 ; la réforme du budget de l'Union européenne ; l'intégration régionale pour le développement des pays ACP ; Livre vert sur l'avenir des relations entre l'Union européenne et les pays et territoires d'outre-mer (PTOM) ; l'évolution de la politique maritime européenne) ;
- d'inciter les régions ultrapériphériques à participer de façon plus constructive au processus de conclusion et de mise en oeuvre des accords de partenariat économique avec les États tiers , afin qu'elles saisissent les opportunités offertes par le renforcement de la coopération régionale pour le commerce des biens et des services, ainsi que dans le domaine des services, de la propriété intellectuelle et ses marchés publics. C'est, en effet, surtout dans ces domaines, où les régions ultrapériphériques ont des avantages comparatifs, qu'une réelle complémentarité pourra être développée entre les économies de ces régions et celles des pays ACP. Dans ce contexte, il est important de soutenir les actions visant le renforcement de la capacité de ces régions à suivre à la fois les flux commerciaux les concernant et la politique commerciale européenne ;
- d'organiser conjointement avec les RUP des sessions d'information visant à mieux expliquer les instruments et politiques communautaires, ainsi que de réunir, tous les deux ans, un « Forum de l'ultra-périphérie européenne ».
La XIVème Conférence des présidents des régions ultrapériphériques de l'Union européenne , réunie du 27 au 30 octobre 2008 à Cayenne, a salué l'approche de la Commission européenne à l'égard des régions ultrapériphériques.
Elle a néanmoins :
- souhaité une meilleure prise en compte des handicaps des régions ultrapériphériques dans l'ensemble des politiques communautaires ;
- considéré que les régions ultrapériphériques devaient être mieux associées, tant en amont qu'en aval du processus de décision au regard des réglementations qui les affectent plus particulièrement ;
- demandé qu'un traitement différencié soit réservé aux régions ultrapériphériques dans le domaine de l'environnement et des transports afin de tenir compte de leur vulnérabilité et de leur accessibilité.
Les présidents des régions ultrapériphériques ont convenu de préparer un memorandum commun pour réfléchir à l'avenir de ces régions à l'horizon 2020.
Votre mission commune d'information se félicite du changement d'approche de l'Union européenne vis-à-vis des régions ultrapériphériques. Elle estime, en effet, que le nouveau paradigme, qui met l'accent sur les atouts que représentent les RUP pour l'Union européenne, plutôt que sur leurs handicaps, constitue un signal très positif. Elle demande maintenant que cette nouvelle approche se traduise par des mesures concrètes dans la stratégie européenne à l'égard des RUP.
Les régions ultrapériphériques ont une nouvelle place à trouver au sein de l'Union européenne. En valorisant mieux leurs atouts, en matière de biodiversité, de politique maritime ou encore de lutte contre le changement climatique, elles montreront qu'elles constituent une chance pour l'avenir de l'Europe.
Proposition n° 62 : Renforcer la prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques par l'Union européenne, en valorisant les atouts que représentent ces régions pour l'Europe. |
* 136 COM (2008) 642 final