c) De nouveaux défis comme autant de nouvelles opportunités pour l'agriculture
Confronté à de nouveaux défis et présentant un nouveau visage, le monde agricole est aujourd'hui armé pour saisir de nouveaux défis qui constituent aussi de nouvelles opportunités et qui en feront demain, plus que jamais, une activité incontournable en milieu rural :
- le défi alimentaire . La faim dans le monde touche aujourd'hui 800 millions de personnes. D'après les projections actuelles, notre planète comptera 9 milliards d'individus à nourrir en 2050. Cette croissance démographique, alliée à l'élévation rapide du niveau de vie dans les pays émergents, devraient conduire à un doublement de la demande alimentaire d'ici une quarantaine d'années. Dans le même temps, l'Union européenne fait de l'autosatisfaction des besoins alimentaires de ses 500 millions de consommateurs un objectif stratégique prioritaire, qui va l'amener à supprimer la jachère dès la prochaine campagne. Ces évolutions sont le défi premier auquel les agriculteurs de notre pays se devront de répondre. Compte tenu de ses atouts agronomiques et climatiques, du haut degré de technicité de son agriculture et des performances de son industrie agroalimentaire, notre pays est parfaitement en mesure de jouer un rôle leader à cet égard ;
- le défi des prix et des revenus . Orientés depuis des années à la baisse, les cours des matières premières agricoles ont connu une évolution à la hausse en 2006 (+ 5,2 %) et surtout 2007 (+ 10 %), la tendance se confirmant en 2008 et touchant spécifiquement les prix des céréales (+ 57 %), des oléagineux et protéagineux (+ 39 %), selon l'Insee. Ce phénomène non anticipé est dû à plusieurs facteurs limitant l'offre (calamités naturelles et changements climatiques, réduction des surfaces agricoles du fait d'une urbanisation croissante, prix élevés des intrants et de l'alimentation animale ...) et alimentant la demande (hausse du pouvoir d'achat dans les pays émergents, affectation d'une partie croissante de la production aux biocarburants, hausse des besoins en alimentation animale ...). Plus élevés, ces prix sont également plus volatiles, du fait d'une intrication croissante des économies et d'une intensification des mouvements spéculatifs sur les matières premières. Selon les Perspectives agricoles publiées en mai 2008 par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), les prix des produits agricoles devraient rester élevés et volatiles sur la prochaine décennie. Cette tendance a naturellement profité à des agriculteurs ayant enregistré des pertes de revenus récurrentes depuis la fin des années 90 : calculé par actif non salarié, le revenu net d'entreprise agricole augmente de 17 % en termes réels en 2007. Elle cache cependant des réalités disparates : si les producteurs de céréales ont vu leurs revenus doubler, les éleveurs ont vu les leurs diminuer, de même que ceux dans le secteur des fruits et légumes. Le monde agricole devra donc, dans un contexte de cours aux évolutions erratiques, s'assurer un revenu convenable tout en produisant suffisamment pour éviter une inflation excessive du prix des produits alimentaires qui nuit directement aux plus démunis ;
- le défi environnemental . Au coeur des grands équilibres écologiques de la planète, l'agriculture a certes des effets néfastes sur l'environnement (sollicitation intensive de la ressource en eau, responsabilité partielle dans la pollution des eaux superficielles et souterraines, rejet de substances affectant la qualité de l'air...), mais également -et sans doute en proportion bien plus importante- des conséquences positives en matière de préservation des ressources naturelles, de gestion de la biodiversité et de lutte contre les pollutions, tout particulièrement dans les zones rurales. Les activités agricoles contribuent en effet à prévenir ou limiter les conséquences de risques naturels (crues, incendies, érosion des sols...) ou de nuisances environnementales provenant d'autres secteurs économiques (composts d'ordures ménagères, utilisation des boues de stations d'épuration...). A la fois utilisatrice et productrice de biens environnementaux, l'agriculture devra donc limiter ses externalités négatives en ce domaine -ce vers quoi tendent un nombre croissant de mesures comme les plans phytosanitaires ou bâtiment d'élevage- et voir comptabiliser ses externalités positives -à travers, par exemple, sa fonction de « fixateur » des gaz à effet de serre- ;
- le défi énergétique . Face à la réduction des stocks d'énergie fossile et à l'engagement de la communauté internationale à limiter le réchauffement climatique, relayé par d'ambitieux objectifs fixés par l'Union européenne, l'agriculture a une carte majeure à jouer. La production de biocarburants et l'utilisation de la biomasse permettront en effet d'atteindre ces objectifs tout en valorisant les espaces naturels les accueillant 88 ( * ) . Par ailleurs, les exploitations agricoles devraient devenir très largement productrices d'énergie à usage interne, le ministère de l'agriculture ayant à cet égard pour projet de rendre les agriculteurs autonomes sur le plan énergétique ;
- le défi d'une croissance territorialisée . Parce qu'elle fixe dans des bassins de production répartis sur tout le territoire et génère un réseau dense d'entreprises -au premier rang desquelles les sociétés coopératives, ancrées dans l'économie locale et largement pourvoyeuses d'emplois-, l'agriculture participe au premier chef à la cohésion territoriale, composante majeure de la cohésion sociale dans une société largement urbanisée. Des rapports récents du Sénat, portant par exemple sur les filières arboricole 89 ( * ) , viticole 90 ( * ) et ovine 91 ( * ) , ont montré l'enjeu que constitue le maintien d'activités de production ou d'élevage dans des zones aux alternatives limitées, où elles constituent souvent les « dernières activités avant la friche » et où elles induisent une activité -de commerce, d'artisanat...- faisant vivre ces territoires. Cet objectif de préservation des équilibres territoriaux, situé au coeur de la PAC originelle et largement décliné par notre pays, doit continuer d'être mis en avant comme l'une des principales justifications au maintien d'instruments assurant la pérennité d'une agriculture performante et diversifiée au coeur de nos territoires.
* 88 Sur ce point, voir les développements consacrés infra aux bioénergies.
* 89 Rapport d'information de Mme Adeline Gousseau sur la filière arboricole, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 437 (2005-2006).
* 90 Rapport d'information de M. Gérard César sur la filière viticole, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 348 (2006-2007).
* 91 Rapport d'information de MM. Gérard Bailly et François Fortassin sur la filière ovine, fait au nom de la commission des affaires économiques, n° 168 (2007-2008).