3. Une nécessité : répartir plus équitablement les charges pesant sur les communes
a) Inciter les différents niveaux de collectivités territoriales à préciser le niveau de leur ambition
L'implication des élus locaux dans la politique culturelle et d'enseignement artistique de leur territoire les conduira naturellement à se positionner clairement sur ce dossier.
Si chaque niveau de collectivité publique n'est pas également impliqué dans ce domaine, un constat doit néanmoins, semble-t-il, pouvoir être partagé : de nombreuses villes ne pourront plus continuer à en assumer presque seules la charge financière. Cela concerne également les écoles d'art de statut municipal, qui accueillent une large majorité d'étudiants venant d'autres communes voire d'autres départements.
Chaque échelon territorial devra donc définir la part qu'il entend assumer, avec plus ou moins d'ambition mais en toute responsabilité à l'égard de la population.
Pour cette raison, et d'autres développées ci-dessous, les intercommunalités apparaissent un relais naturel de l'action communale dans ce domaine.
b) Encourager une plus forte implication des intercommunalités
Dans son récent rapport sur « Les relations entre l'Etat et les collectivités locales », notre collègue Alain Lambert souligne « le succès de l'intercommunalité depuis quinze ans » : celle-ci a ainsi « permis de sauver l'action publique des petites communes rurales et de structurer le développement en zone urbaine (...). Elle a organisé le partage des charges de centralité qui pesaient exclusivement sur la ville ou le bourg-centre. Ce succès est aussi celui de la souplesse, avec plusieurs types de structures, adaptés aux diverses nécessités territoriales. Ce mouvement doit être consolidé puisque c'est l'avenir des communes et qu'il apporte de la cohérence dans les politiques publiques . »
Ce constat s'applique parfaitement aux enseignements artistiques : votre rapporteur a pu mesurer, au cours de ses travaux, l'ardente nécessité de poursuivre la structuration intercommunale des enseignements artistiques . Cela répond à la fois à un souci d'aménagement du territoire et de répartition plus équitable des charges financières pesant sur les villes-centres.
Il s'agit, par ailleurs, de renforcer la démocratisation de ces enseignements, en favorisant une harmonisation des tarifs , et d'améliorer la qualité du service rendu à l'usager, en rendant possible une plus grande diversification de l'offre d'enseignement, et en favorisant notamment l'organisation des pratiques collectives.
Comme le montrent, dans l'encadré suivant, les premiers résultats d'une enquête à paraître à l'automne sur « L'intercommunalité culturelle », initiée par l'Observatoire des politiques culturelles en partenariat avec l'Assemblée des Communautés de France (ADCF), on constate ces dernières années un « essor communautaire » dans les domaines culturels, et notamment dans celui des enseignements artistiques. Ainsi que l'ont souligné les représentants de l'ADCF lors de leur audition, ces derniers sont en effet, avec la lecture publique, des vecteurs évidents de politique culturelle communautaire, en raison de leur structure en réseau.
L'INTERCOMMUNALITÉ CULTURELLE : ÉTAT DES LIEUX DANS LE DOMAINE DES ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES Les données qui suivent sont issues des éléments de synthèse de l'étude « L'intercommunalité culturelle en France. État des lieux, enjeux de développement et de recomposition culturelle des territoires » . Pilotée par l'Observatoire des politiques culturelles, cette étude a été réalisée de 2005 à 2007 et conduite sous la direction scientifique de MM. Emmanuel Négrier et Philippe Teillet. D'une façon générale, l'étude relève que « l'intercommunalité culturelle française est en marche » , mais que « son pas est hésitant et sa direction incertaine » . Voici quelques-uns des principaux constats tirés de sa synthèse : - les trois quarts des EPCI interviennent dans le domaine culturel ; - la moyenne des dépenses, en termes d'euros culturels de fonctionnement par habitant, est de 35 € pour les agglomérations et de 26 € pour les communautés de communes ; - 92 agglomérations sur 127 déclarent une compétence culturelle ; cela représente un budget total de 534 millions d'euros, dont 40 % en investissement et 60 % en fonctionnement ; mais l'implication des agglomérations reste très diverse : deux des plus gros budgets (Montpellier et Strasbourg) cumulent 130 millions d'euros, soit plus du quart du total ; - les enseignements artistiques représentent en moyenne 33 % du budget culturel moyen d'un EPCI : il s'agit du 1 er poste d'intervention, devant la lecture publique (28 %) et le spectacle vivant (12 %) ; en valeur absolue, les dépenses dans ce domaine représentent près de 53 millions d'euros en investissement et plus de 120 millions d'euros en fonctionnement ; - les établissements d'enseignement artistique représentent 17 % des 330 équipements communautaires recensés dans l'étude ; ils arrivent loin derrière les lieux de lecture publique (42 %) et au même niveau que les lieux de spectacle vivant (17 %) ; les effectifs de personnels sont les plus importants, toutefois, dans le domaine des enseignements (plus de 2 700 contre plus de 2 300 dans le domaine de la lecture publique) ; - s'agissant des communautés de communes , près de 72 % des répondants ont déclaré que leur communauté intervenait dans le domaine de la culture ; la proportion au sein de territoires ruraux est un peu plus faible qu'en territoires urbains ; - les équipements voués à l'enseignement musical représentent le premier champ d'intervention culturelle des communautés de communes (33 % des équipements gérés), loin devant les bibliothèques ou médiathèques (18 %), centres culturels (13 %) ou musées (11 %) ; - quant à la motivation pour une action culturelle intercommunale, le registre du besoin domine en milieu rural ; dans la majorité des cas, l'argument important, voire décisif, est de pouvoir s'offrir un bien collectif ou un projet impossible à assumer à l'échelle municipale : « c'est parce qu'on peut » ; en revanche, pour les intercommunalités urbaines, la composante de faisabilité politique est plus importante : « la culture communautaire, c'est parce qu'on veut » . |
Il est néanmoins possible et très souhaitable d' aller plus loin : votre rapporteur estime que cette compétence devrait d'ailleurs s'affirmer naturellement, dès lors que plusieurs critères seraient réunis, tels que, notamment, le rayonnement « supracommunal » de l'établissement en termes de fréquentation. Cela sera également nécessaire pour ce qui concerne les écoles municipales d'arts plastiques : nombre d'interlocuteurs, et notamment des élus, ont souligné qu'il n'était pas tenable pour les villes-centres de continuer à assumer seules des établissements qui n'accueillent qu'une minorité de jeunes habitant sur leur territoire .
Or, comme l'ont relevé certaines personnes auditionnées par votre rapporteur, la dynamique intercommunale reste encore souvent difficile à prendre en matière culturelle : l'action culturelle reste, en effet, très attachée à l'image de la commune et constitue un levier important de son rayonnement.
Toutefois, le pragmatisme doit prévaloir, a fortiori dans un contexte où les finances publiques des communes ne sont pas extensives.
Certains départements ont perçu cette nécessité, en créant des dispositifs incitatifs à la structuration de l'offre d'enseignements artistiques au niveau intercommunal, considéré comme l'échelon pertinent en matière de cohésion territoriale. Tel est le cas, par exemple, dans le département du Rhône, ou encore celui du Nord : ce dernier apporte ainsi depuis plusieurs années des aides financières aux seules écoles intercommunales.
Au vu de différents schémas départementaux allant dans le même sens, votre rapporteur suggère que les conseils généraux puissent jouer, dans ce cadre, un rôle incitatif en faveur de modalités diverses de coopération intercommunale. Cela pourrait se traduire, par exemple, par une sorte de « prime à l'intercommunalité » dans l'appui aux « écoles ressources ».
Enfin, votre rapporteur considère que les nouveaux équipements devraient systématiquement être pensés à l'échelle intercommunale. Cette exigence s'impose désormais de plus en plus en milieu rural : ainsi, le maire de Buchy, en Seine-Maritime, a présenté à votre rapporteur son projet de création d'une école de musique intercommunale (sur 2 à 4 sites), couvrant un territoire de 25 communes et d'environ 12 000 habitants, afin de lutter contre l'obstacle de l'éloignement en milieu rural.
Ces évolutions supposent néanmoins une forte volonté politique .
Par ailleurs, comme l'ont relevé les représentants de l'ADCF lors de leur audition, il conviendrait également de mieux coordonner, dans cette perspective, les échelons communaux et intercommunaux , afin que les maires n'aient pas le sentiment d'un « dessaisissement ». Or, des structures souples et contractuelles de gouvernance restent encore à définir à cette fin.
c) Innover en diversifiant les sources de financement
En outre, de nouvelles sources de financement pourraient être envisagées.
Ainsi, d'après les informations fournies à votre rapporteur par l'Association des Maires de France (AMF), un nombre non négligeable de communes ou d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont entamé une réflexion sur les modes de financement des actions en matière d'enseignement et de sensibilisation artistiques, que ce soit :
- par la recherche d'un partenariat privé,
- par le mécénat,
- ou par le biais de financements croisés et transfrontaliers, assortis d'un regroupement des services éducatifs.
Par ailleurs, des financements en direction des projets sur le temps extra scolaire sont parfois dégagés par la DRAC dans le cadre d'une préfiguration de plan territorial d'éducation artistique.