III. PRÉCONISATIONS

A. DÉFINIR UNE MÉTHODOLOGIE POUR SORTIR DE L'IMPASSE

1. Un préalable : réaffirmer la nécessité d'un consensus national autour du caractère prioritaire des enseignements artistiques en France

a) Prendre conscience de l'impact positif global des enseignements artistiques dans la vie de la Cité

En janvier 2007, a été organisé le premier Symposium de recherche sur l'évaluation des effets de l'éducation artistique et culturelle sur le développement personnel, les résultats scolaires, l'intégration, et la cohésion sociale, le développement de la créativité et de l'esprit d'entreprise, qui a conforté cette analyse. Mais le fait que l'enseignement artistique puisse jouer un rôle de premier plan dans le développement intellectuel, sensible et esthétique des enfants reste trop peu connu et reconnu, en dépit de l'élan engagé, à compter de 2002, par le plan Tasca-Lang, ce plan de cinq ans visant au développement des arts et de la culture à l'école.

Certes un plan de relance de l'éducation artistique et culturelle a été engagé en 2005. Il a fixé les principes de la coopération entre le ministère de la culture et de la communication et le ministère de l'éducation nationale. Il s'est également concrétisé par la création du portail interministériel sur l'éducation artistique et culturelle, inauguré en 2005, et par la mise en place du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle.

Votre rapporteur regrette que, la même année, l'amendement qu'elle avait déposé, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, afin d'intégrer l'éducation artistique dans le socle commun des connaissances, n'ait pas été retenu dans le texte adopté par le Parlement. Elle se réjouit, cependant, que ce « pilier » ait finalement été intégré dans ce socle, dans le cadre des textes réglementaires.

Néanmoins, et bien que les gouvernements successifs aient affiché leur souhait de renforcer l'éducation artistique, force est de constater que celle-ci semble toujours considérée comme secondaire, voire marginale, dans la formation des jeunes Français et que l'accès à la culture demeure inégal.

De nombreux rapports ont dénoncé cette situation. Le dernier en date, présenté par M. Eric Gross, inspecteur de l'éducation nationale, formule d'intéressantes préconisations. Votre commission partage son ambition : « donner à la société française l'impulsion décisive pour qu'elle accorde, dans l'éducation de ses jeunes, la même place à la culture et aux arts que celle qu'elle a fini par accorder au sport ».

Dans ce contexte, votre rapporteur prend acte des récentes déclarations du Président de la République ainsi que du ministre de l'éducation nationale et de la ministre de la culture et de la communication, en espérant que les moyens nécessaires, complémentaires à ceux des collectivités territoriales, seront dégagés. Ils ont réaffirmé que l'éducation artistique et culturelle doit être une mission prioritaire et, pour la première fois, la notion « d'éducation artistique » figure dans les décrets d'attributions et les lettres de mission des deux ministres.

Ainsi, la récente circulaire n°2008-059 du 29 avril dernier stipule que : « L'éducation artistique et culturelle doit être développée dans un objectif de généralisation à tous les élèves et à l'ensemble des cycles de formation, dans le domaine des connaissances et de la pratique artistiques. Elle doit permettre l'éveil des talents particuliers et conduire les élèves qui le souhaitent vers des pratiques artistiques d'excellence. »

Rappelons que deux axes prioritaires ont été fixés :

- l'un porte sur les programmes scolaires, avec la transmission des repères en histoire des arts ;

- l'autre concerne le contact des jeunes avec les oeuvres et la pratique artistique. L'objectif est que, d'ici la fin de l'année scolaire 2008-2009, tous les établissements scolaires aient noué un partenariat avec une institution culturelle.

Cette ambition nécessitera la mobilisation de l'ensemble des acteurs éducatifs et culturels (écoles et établissements scolaires sous la tutelle de l'Etat, établissements d'enseignement artistique, institutions et structures culturelles, artistes et associations), ainsi que des organismes concernés par la formation des enseignants.

b) Sensibiliser les élus locaux à l'importance de cet enjeu pour leur territoire

Mais l'expérience prouve qu'il ne suffit pas de décréter une politique pour garantir sa réussite. Une forte volonté conjointe de l'ensemble des élus locaux sera également indispensable , afin de susciter et d'accompagner l'implication des établissements et professionnels concernés.

Ayant été conduite à observer la diversité des situations locales, votre rapporteur est convaincue qu'il s'agit là, en effet, d'un véritable choix politique . Selon que les élus locaux s'empareront ou non de cet enjeu essentiel, l'éducation artistique de notre pays pourra ou non prendre pleinement sa place et jouer son rôle :

- bien entendu dans le paysage artistique et culturel de notre pays,

- mais aussi dans le cadre plus global de l'aménagement du territoire et de la politique de la ville et de la cohésion sociale.

On peut parler de véritables « externalités positives » d'une telle politique , de la même façon que ce concept est employé en matière environnementale par les économistes.

Certains pays ont bien compris cet enjeu. Le nôtre insuffisamment, même si de nombreuses villes se sont mobilisées dans ce domaine , avec le recrutement de « dumistes » permettant de développer de riches projets de « musique à l'école » et avec l'intégration d'un volet culturel dans leur politique de la ville. Votre rapporteur a pu constater, lors de ses auditions et déplacements, que tel a été le cas, par exemple, dans des grandes villes comme Perpignan, Lille ou Rouen, ou dans des communes de taille plus modeste.

UN CAS SPÉCIFIQUE : UN ÉLAN PARTAGÉ PAR TOUS AU VENEZUELA

Même si « comparaison n'est pas raison », le cas du Venezuela, par exemple, est très intéressant.

Dans ce pays de 22 millions d'habitants, 250.000 jeunes pratiquent la musique - classique notamment- au sein de 125 orchestres. Le maillage culturel y est composé de près de 140 centres de formation et conservatoires, dans lesquels interviennent 15.000 professeurs. Dès son plus jeune âge, s'il le souhaite, un enfant se voit confier un instrument et un soutien gratuits pour son apprentissage. Son tuteur est très souvent un bénévole ayant précédemment profité du dispositif. L'enfant joue très vite en groupe.

La majeure partie des enfants sont issus de milieux défavorisés et ce programme a aussi pour avantage de les éloigner des dangers de la rue.

(1) Recruter des professionnels compétents pour mettre en oeuvre la politique d'enseignement artistique sur le territoire

A cet égard, l'élaboration des schémas départementaux et des PRDF a créé une dynamique très positive sur le territoire. Il s'agit là d'outils de structuration et de développement de ces enseignements, instruments d'une politique culturelle de collectivités qui jusque là ne prenait parfois en compte que marginalement ce secteur.

Votre rapporteur a observé très logiquement que ces outils ont été mis en place d'autant plus rapidement et efficacement que la collectivité territoriale disposait des professionnels compétents pour ce faire. Elle a relevé deux cas de figure :

- les collectivités publiques disposant de telles compétences, soit parce qu'elles intervenaient déjà dans ce domaine, soit parce qu'elles ont rapidement pris conscience de la nécessité d'en recruter après l'adoption de la loi de 2004 ;

- celles qui étaient à la traîne dans ce domaine. Tel est notamment le cas d'un certain nombre de régions, dans la mesure où le secteur des enseignements artistiques n'entrait pas dans leur champ habituel de compétences. Relevons qu'elles sont en train de combler ce handicap, en recrutant des professionnels soit issus du milieu des conservatoires, soit davantage tournés vers la problématique emploi-formation.

Votre rapporteur souligne tout l'intérêt pour les régions et les départements de s'adjoindre ainsi les compétences de chargés de mission pour les aider à concevoir et à mettre en oeuvre la politique de sensibilisation à l'enseignement artistique. Leurs compétences reconnues permettront de légitimer, le cas échéant, leur rôle de conseil et de coordonateur sur le territoire.

(2) Susciter l'intérêt et l'implication des élus locaux eux-mêmes

Encore faut-il que les élus s'approprient les instruments de cette politique afin de les orienter, de fixer les objectifs et de donner les impulsions nécessaires.

A cette fin, le ministère de la culture , et son bras armé en région qu'est la DRAC , doivent veiller à la claire information des élus. On a vu que cela avait été insuffisamment le cas sur ce dossier.

En outre, et compte tenu de la complexité avérée du dossier des enseignements artistiques, il apparaît souhaitable que se développe le dialogue entre les élus et les directeurs des affaires culturelles de chaque collectivité concernée.

En définitive, n'appartient-il pas à ces professionnels ainsi qu'aux directeurs d'établissement de rendre ce sujet compréhensible aux élus , afin qu'il ne reste pas du ressort quasi-exclusif des acteurs eux-mêmes ?

Votre rapporteur a un peu le sentiment qu'aujourd'hui le « serpent se mord la queue » : le dossier est tellement complexe - pour des raisons d'ailleurs partiellement historiques, ainsi qu'il a été exposé au début du présent rapport - que d'une part, bon nombre d'élus ont du mal à l'appréhender et donc à s'y intéresser réellement et que, d'autre part, les professionnels peuvent se sentir un peu isolés alors même que nous engageons un virage majeur dans la politique d'enseignement artistique de notre pays.

Par conséquent, pour qu'il y ait « un pilote dans l'avion », le dialogue et la concertation doivent être au rendez-vous à tous les niveaux . La pertinence et la cohérence des prises de décision l'imposent.

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