2. Un enjeu budgétaire important : environ 70 milliards d'euros de dépenses fiscales, auxquels s'ajoutent plus de 60 milliards d'euros de niches sociales
a) Les interdépendances entre budgets de l'Etat et de la sécurité sociale
L'ensemble des dépenses fiscales - c'est-à-dire des « niches » fiscales -, qui ne constituent qu'une partie des allégements fiscaux actuellement en vigueur , s'établit à 73 milliards d'euros 32 ( * ) , pour 509 dispositifs dérogatoires. Ces dépenses fiscales sont très concentrées. 20 dépenses fiscales étaient estimées à plus d'1 milliard d'euros, pour un total indicatif de 38,6 milliards d'euros, soit plus de 50 % du total.
Quoiqu'importants, ces chiffres doivent être mis en perspective. La part des dépenses fiscales dans le PIB reste modeste en France : elle est d'environ 15 % au Canada et de 6 % en Espagne. De la même manière, les dépenses fiscales représentent une fraction limitée des recettes fiscales. Celle-ci est de 60 % aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.
Les « niches sociales » représentent apparemment un enjeu aussi important que les niches fiscales. En effet, dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2007, la Cour des comptes évalue à près de 63 milliards d'euros les pertes brutes de recettes supportées par le régime général du fait de l'existence de niches sociales, sur la base de données 2005.
Mais l'Etat est amené à compenser certaines pertes de recettes - et en particulier la plus importante d'entre elles - , à savoir les exonérations générales de cotisations patronales de sécurité sociale. L'enjeu pour le régime général s'élève donc à environ 35,5 milliards d'euros, soit l'équivalent de 12,3 % de ses recettes en 2007 et près de trois fois son déficit prévisionnel au cours de ce même exercice 33 ( * ) .
Les pertes d'assiette de cotisations sociales résultant des dispositions en faveur de l'épargne salariale sont ainsi évaluées à 12,9 milliards d'euros, celles résultant des mesures en faveur de la protection sociale complémentaire en entreprises à 12,6 milliards d'euros (prévoyance complémentaire et retraite supplémentaire), et celles résultant des indemnités de rupture à une fourchette comprise entre 2,5 et 2,8 milliards d'euros, hors exonérations de CSG.
b) Une floraison continue de mesures dérogatoires
Entre le projet de loi de finances pour 2000 et le projet de loi de finances pour 2008, le nombre de mesures fiscales dérogatoires recensées dans le fascicule « Voies et moyens » serait passé de 398 à 509 (+ 28 %), ce qui correspond à une création nette de 14 niches fiscales par an en moyenne . Le projet de loi de modernisation de l'économie en cours d'examen au Sénat ne devrait pas manquer d'ajouter quelques unités de mesures fiscales dérogatoires complémentaires.
Evolution des dépenses fiscales dans le fascicule « voies et moyens »
Source : direction de la législation fiscale
Le montant global des 20 niches fiscales représentant plus de 1 milliard d'euros serait passé entre 2001 et 2007 de 26,3 milliards d'euros à 38,6 milliards d'euros, soit une hausse de 46,6 % .
Entre 2007 et 2008, le coût global des dépenses fiscales auraient progressé en valeur de 7,1 %, soit quatre fois plus vite que les dépenses budgétaires soumises à la norme « zéro volume ».
* 32 « Au total, si l'on additionne toutes les dépenses fiscales présentées dans l'annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances initiale pour 2008, on parvient à un total indicatif supérieur à 72,3 milliards d'euros, qui ne prend pas en compte néanmoins le fait que certaines niches peuvent interagir entre elles » (source : Philippe Marini, rapport d'information déposé en vue du débat d'orientation budgétaire pour 2008, tome I (n°60, 2007-2008)).
* 33 Sur la base des données du tableau d'équilibre figurant à l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Sur la base des données prévues par l'article 20 pour l'année 2008, ces niches représenteraient 11,7 % des recettes du régime général en 2008, et près de quatre fois son déficit prévisionnel (8,9 milliards d'euros).