A- COMMUNICATION DU 29 JANVIER 2008 DE M. PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEUR, SUR LA GOUVERNANCE LOCALE EN ÎLE-DE-FRANCE
Mardi 29 janvier 2008 - Présidence de M. Jean Puech, Président
L'Observatoire a entendu une communication de M. Philippe Dallier, rapporteur, sur la gouvernance locale en Île-de-France.
Après l'intervention liminaire de M. Jean Puech, Président, qui a notamment rappelé que les travaux sur l'avenir institutionnel du Grand Paris allaient donner lieu très prochainement à deux missions d'information à Londres puis à Berlin, M. Philippe Dallier, rapporteur, a d'abord indiqué que son étude sur la gouvernance locale en Île-de-France s'inscrivait dans le prolongement du rapport publié le 30 octobre 2006, consacré au bilan et aux perspectives de l'intercommunalité à fiscalité propre. Il a rappelé, en particulier, la quinzième proposition de cette étude, qui prévoyait de : « repenser l'échelon cantonal et l'échelon départemental en Île-de-France et (d') envisager la création d'une communauté territoriale urbaine sui generis pour Paris et sa couronne ».
Il a expliqué que les auditions réalisées à l'occasion de ce rapport l'avaient convaincu que l'échelon cantonal avait perdu sa raison d'être dans la petite couronne et qu'il était devenu nécessaire que Paris et sa petite couronne reçoivent les compétences des départements sur leur territoire et deviennent un nouveau type de collectivité territoriale. Cette proposition s'appuyait également sur le constat que l'intercommunalité n'était pas une solution viable pour Paris et sa petite couronne.
Il a rappelé que dans son rapport du 7 novembre 2007 intitulé « Une démocratie locale émancipée », le Président Jean Puech avait expliqué qu' : « à cause du principe d'uniformité, le département, alors qu'il est incontournable en zone rurale, voit sa légitimité remise en cause du fait des interrogations sur son avenir en zone urbaine ». Cette étude a considéré que la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 avait rendue possible la création de collectivités à statut particulier « le cas échéant en lieu et place d'une ou plusieurs collectivités » déjà existante(s) et proposait ainsi aux élus locaux d'« utiliser les ressources constitutionnelles mises à leur disposition afin, par exemple, de fusionner des régions de taille insuffisante ou de créer une collectivité à statut particulier lorsque les collectivités existantes n'ont plus la taille critique ».
M. Philippe Dallier, rapporteur, a estimé qu'une réflexion sur le Grand Paris était devenue indispensable depuis que le Président de la République s'était saisi de ce sujet dans son discours de Roissy du 26 juin 2007. Il a rappelé que le Président de la République avait également annoncé la tenue d'un comité interministériel d'aménagement du territoire dédié à l'Île-de-France fin 2008.
Il a indiqué qu'il rendrait public son rapport après les élections municipales afin d'éviter toute interaction avec ces échéances électorales : cette étude aura pour objectif de dresser un état des lieux de la gouvernance de l'Île-de-France en pointant les difficultés pour chacune des politiques publiques, de présenter l'ensemble des scénarios envisageables pour l'avenir de l'agglomération, sans exclusive et sans tabou afin de permettre un choix objectif et de recommander un ou deux scénarios qui auront sa préférence. M. Philippe Dallier, rapporteur, a déclaré que le débat sur le Grand Paris suscitait un grand intérêt chez tous ceux qui étaient parties prenantes au fonctionnement de l'agglomération, ce qui l'avait amené à les rencontrer pour entendre leur point de vue.
Il a expliqué que M. Jean-Paul Huchon, Président de la région Île-de-France, apparaissait, ainsi, comme un défenseur du statu quo, estimant que la région avait une vocation naturelle à piloter l'agglomération grâce à ses outils comme le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF). Il a indiqué que le Président de la région ne voyait pas de difficultés à poursuivre la logique des financements croisés qui permettaient à la région d'aider les départements et les communes et qu'il défendait le recours à la contractualisation entre les collectivités ainsi que le développement des intercommunalités.
M. Philippe Dallier, rapporteur, a observé que M. Jean-Paul Huchon reconnaissait néanmoins que la gestion du logement n'était pas satisfaisante en Île-de-France et qu'il serait utile de mutualiser les moyens. Concernant la perspective d'un Grand Paris auquel il n'était pas favorable, le Président de la région a souhaité en tout état de cause que la région conserve la compétence « transports ».
Il a estimé que le Président de la région était le seul à considérer que la gouvernance de l'Île-de-France était satisfaisante. Il a indiqué que M. Roger Karoutchi, ministre des Relations avec le Parlement, considérait, pour sa part, que, dans la pratique, la région était inadaptée pour traiter les problèmes de l'agglomération et que le fonctionnement du STIF n'était pas satisfaisant dans la mesure où il se contentait de financer les projets rentables. Il a remarqué que, selon M. Roger Karoutchi, la ville de Paris avait pris l'habitude depuis des décennies de décider seule sans consulter ses voisines et que la Conférence métropolitaine ne changeait rien à cela puisqu'elle n'avait pas de pouvoir de décision. Il a expliqué que, pour améliorer la gouvernance, le ministre proposait une loi-cadre permettant de créer une structure sui generis intermédiaire entre le syndicat et la communauté urbaine qui aurait vocation à bénéficier de l'engagement de l'État pour financer de grands projets comme « Métrophérique ».
M. Philippe Dallier, rapporteur, a considéré que la ville de Paris avait, pour sa part, pris conscience que son destin était lié à celui de l'agglomération, M. Bertrand Delanoë ayant, par exemple, ces dernières années, engagé un dialogue politique avec les communes proches de la capitale afin de faire émerger des projets communs. Il a expliqué que M. Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris chargé du dialogue avec la banlieue, avait été chargé de conduire la réflexion sur cette nouvelle gouvernance depuis 2005 en commençant par établir un diagnostic commun afin de mettre un terme à une « ignorance réciproque ». Il a rappelé que la première réunion de la Conférence métropolitaine avait été organisée en juillet 2006 et que ses travaux avaient permis d'établir, selon l'adjoint au maire de Paris, qu'il existait bien un problème de gouvernance en Île-de-France qui était à l'origine de défaillances dans les politiques publiques en matière d'habitat, d'urbanisme commercial, de développement économique, de protection de l'environnement et de transports. M. Philippe Dallier, rapporteur, a remarqué que, pour M. Pierre Mansat, si la région avait une légitimité pour agir, elle ne pouvait le faire seule, ce qui justifiait l'émergence d'une autre légitimité au niveau de l'agglomération nécessitant, par là même, l'examen de la question institutionnelle sans a priori . Il a expliqué qu'il partageait l'opinion de l'adjoint au maire de Paris selon laquelle le statut de communauté urbaine n'était pas approprié et a indiqué que ce dernier proposait de favoriser le développement de projets et de réfléchir à la création d'outils nouveaux comme un plan local d'urbanisme (PLU) d'agglomération, un schéma de cohérence territoriale (SCOT) et une péréquation de la taxe professionnelle. Il a indiqué qu'il lui avait expliqué que la question du logement à Paris ne se résoudrait pas seulement sur le périmètre de la commune et qu'il convenait de développer les transports avec un projet comme « Métrophérique ».
M. Philippe Dallier, rapporteur, a remarqué que le souci de renforcer les liens entre Paris et sa proche banlieue était aussi partagé par Mme Françoise de Panafieu qui avait initié une réflexion sur ce sujet depuis mai 2006 à travers l'organisation des assises « Paris Coeur d'agglomération » afin d'apporter des solutions nouvelles en matière d'économie, de logement et de transports. Il a observé que, dans le cadre de son projet pour Paris, celle-ci proposait dans un premier temps la création d'un « syndicat mixte ouvert » afin de lancer rapidement des opérations urbaines significatives aux portes de Paris et que, pour des raisons d'équilibre, elle ne pensait pas que le maire de Paris puisse être aussi le Président du Grand Paris.
M. Philippe Dallier, rapporteur, a observé que M. Hervé Bramy, Président du conseil général de Seine-Saint-Denis, proposait de commencer la réflexion sur le Grand Paris par un état des lieux considérant que tous les équipements prévus par le précédent contrat de plan n'avaient pas été réalisés, ce qu'il assimilait à un désengagement de l'État. Il a indiqué que le Président du conseil général préconisait le développement de la coopération entre les départements et un engagement plus important de l'État en faveur de l'effort de solidarité.
Il a indiqué que les représentants de l'État étaient également conscients de la nécessité d'adapter les structures de gouvernance de l'agglomération, le préfet d'Île-de-France, M. Pierre Mutz, estimant, par exemple, qu'il y avait trop d'interlocuteurs pour permettre une politique d'aménagement de l'Île-de-France et que cela occasionnait des retards dans les grands équipements comme le raccordement du TGV Est et Ouest et le bouclage de la « Francilienne ».
En matière de police, M. Philippe Dallier, rapporteur, a expliqué que, selon M. Michel Gaudin, préfet de police, la mission de l'État consistait, en Île-de-France, tout en continuant à protéger les institutions, à envisager les évolutions nécessaires en termes de « besoins de sécurité ». Il a indiqué qu'une meilleure intégration des moyens en petite couronne et d'une plus grande coordination avec la grande couronne était nécessaire, notamment du fait que seuls 45 % des personnes interpellées à Paris étaient domiciliés dans la capitale. Il a expliqué que cette évolution était déjà amorcée par la circulaire ministérielle du 5 octobre 2007 qui organisait une coordination renforcée à droit constant fondée sur des procédures de concertation, de mise en oeuvre et de suivi précises. Il a indiqué que M. Michel Gaudin considérait également qu'une réflexion mériterait d'être conduite en matière de police municipale afin de trouver le bon équilibre dans la répartition équitable des moyens.
M. Philippe Dallier, rapporteur, a indiqué que la question des transports constituait un aspect essentiel du débat sur le Grand Paris, ce qui l'avait amené à rencontrer les Présidents de la RATP et de la SNCF. Il a indiqué que la RATP occupait ainsi une place centrale dans le dispositif puisqu'elle assumait 75 % des besoins de transports collectifs dans la région Île-de-France contre 18 % pour la SNCF et que, pour coordonner l'offre de transports et organiser l'intermodalité, l'État avait créé le syndicat des transports parisiens, rebaptisé STIF en 2000 par la loi « Solidarité et renouvellement urbain », dite SRU, qui reçoit comme ressource le « versement transports ». Il a expliqué que, comme le lui avait fait remarquer Mme Anne-Marie Idrac, Présidente de la SNCF, il était important de préserver ce mécanisme de solidarité qui constituait un atout pour la région Île-de-France. Il a considéré que ces caractéristiques rendaient difficile d'imaginer que la région pouvait assurer, seule, la gouvernance des transports et qu'une réforme s'avérait nécessaire afin de donner au STIF la compétence sur l'ensemble de la fonction transports, y compris les déplacements en automobile, comme c'était le cas à Londres. Il a estimé que la vocation du STIF devait être moins la gestion que la planification et la stratégie et que l'extension des compétences du STIF à d'autres modes de transports, mais aussi peut-être géographiquement au niveau du grand Bassin parisien, devait également s'accompagner d'une plus grande souplesse accordée aux communes pour obtenir des adaptations sur la mise en oeuvre des transports sur leur territoire en termes de dessertes et d'horaires.
M. Philippe Dallier, rapporteur, a considéré que le STIF devait être maintenu à condition d'être profondément rénové, considérant par exemple qu'il n'était pas acceptable que l'Île-de-France soit une des rares régions du monde dépourvues d'une politique de développement de grands parkings en périphérie.
Sur le plan de la gouvernance, il a estimé qu'il était nécessaire de réfléchir au rôle de l'État dans le processus de décision compte tenu de la nécessité qu'il y avait d'engager des investissements importants pour des projets comme « Métrophérique », ce projet ayant vocation à être porté au niveau local par le Grand Paris, conformément au principe de subsidiarité.
Concernant le logement, M. Philippe Dallier, rapporteur, a estimé que l'ensemble des acteurs était d'accord pour considérer qu'il y avait un véritable problème. Il a indiqué que le Président de la région proposait la création d'un « SLIF » sur le modèle du STIF et a fait remarquer qu'une difficulté semblait tenir à l'insuffisance de la rotation dans les logements sociaux qui serait à l'origine d'une sous-occupation. Il a estimé qu'une piste pourrait consister à instaurer une forme de codécision sur le PLU entre la commune et le Grand Paris.
Évoquant la question de l'attractivité économique, il a expliqué que, selon la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), les territoires économiques majeurs de l'agglomération ne s'inscrivaient plus dans les périmètres des circonscriptions administratives existantes, à l'image du territoire d'accueil des quartiers généraux qui s'étend de la place de l'Opéra à La Défense. Il a observé que tous les niveaux administratifs s'occupaient de développement économique (communes, agglomération, conseil général, conseil régional).
M. Philippe Dallier, rapporteur, a indiqué que M. Pierre Simon, Président de la CCIP, était favorable à un taux unique de taxe professionnelle pour l'ensemble du Grand Paris tout en observant que la fiscalité n'intervenait qu'en septième position dans les critères qu'examinaient les entreprises pour décider de leur implantation. Il a observé qu'un des enjeux était de construire des logements dans l'agglomération parisienne pas trop éloignés des lieux de travail pour réduire les déplacements et de faire émerger un Grand Paris attractif et compétent en matière de développement économique.
Il a expliqué que M. Pierre Mirabaud, délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT), considérait qu'il était de l'intérêt national que Paris soit très « puissant » en Europe pour pouvoir « tirer le territoire national », que les territoires s'imbriquaient les uns dans les autres et qu'il fallait aussi réfléchir au niveau du « Bassin parisien » dans un contexte marqué par une expansion aux franges de la région Île-de-France.
Concernant les frontières du Grand Paris, M. Philippe Dallier, rapporteur, a indiqué que la DIACT considérait à la fois qu'il n'y avait pas de périmètre évident et qu'aucun des espaces pertinents ne correspondait à des territoires administratifs existants, ce qui signifiait que le choix des frontières des nouvelles entités relevait d'abord d'un arbitrage politique. Il a remarqué que la DIACT était également sensible aux enjeux d'image en observant ainsi que les émeutes dans les banlieues ou les scènes de violence sur le parvis de La Défense portaient préjudice à l'image de l'agglomération toute entière.
Il a considéré que la question des ressources dont pourrait disposer le Grand Paris était cruciale et qu'il faisait le choix de fixer comme principe que cette nouvelle collectivité ne devrait pas solliciter de nouveaux financements budgétaires afin de ne pas pénaliser les autres collectivités territoriales. Il a indiqué qu'afin de préciser le contour des ressources dont pourrait disposer le Grand Paris, il avait souhaité mobiliser le comité d'experts de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation afin de pouvoir bénéficier d'estimations en observant que l'un des scénarios consistait, à titre transitoire, à fusionner les quatre départements de la petite couronne et donc les ressources propres à ces collectivités, ce qui constituerait déjà un puissant outil de péréquation.
M. Philippe Dallier, rapporteur, a déclaré qu'il avait la conviction que la création d'un Grand Paris était inéluctable et que ce projet devait s'appuyer sur les six principes suivants : les communes doivent rester l'échelon de proximité ; le Grand Paris ne devra pas tourner le dos à la grande couronne et à la région ; la création de cette nouvelle collectivité devra être neutre sur le plan budgétaire pour ce qui est des dépenses de fonctionnement ; les grands investissements devront pouvoir bénéficier des concours de l'État dans le cadre de la contractualisation ; la création du Grand Paris devra être l'occasion d'une rationalisation de la dépense publique ; et enfin, ce projet devra permettre un meilleur équilibre territorial à travers la péréquation.
Après l'intervention de M. Bernard Saugey, M. Jean Puech, Président, a remercié le rapporteur pour avoir accepté de faire le point sur ses contacts ainsi que sur l'état de sa réflexion quant aux perspectives institutionnelles du Grand Paris. Il a ensuite proposé à l'Observatoire de compléter par un nouveau rapport les deux précédentes études qu'ils avaient conduites en son nom sur la gouvernance locale. Il a jugé que la modernisation de cette gouvernance était indissociable d'une relance de la démocratie locale, base de notre système républicain et de son esprit citoyen.
Les possibilités offertes par la réforme constitutionnelle de 2003, a-t-il ajouté, sont loin d'avoir été toutes exploitées : le manque de volontarisme dans la mise en oeuvre de la décentralisation témoigne de la persistance d'une culture politique trop ancrée dans notre pays, fondée sur l'idée que l'État doit s'occuper de tout et décider de tout. Pourtant, a-t-il poursuivi, les potentialités offertes à la démocratie locale depuis 2003 et 2004 sont importantes :
- droit à l'expérimentation législative,
- référendum décisionnel local,
- exercice par les collectivités territoriales d'un pouvoir réglementaire,
- consultation des citoyens sur des sujets d'intérêt local,
- faculté de créer de nouvelles catégories de collectivités locales et de revoir les périmètres des collectivités existantes.
M. Jean Puech, Président, a plaidé pour que soit dressé un bilan des expériences qui ont été menées en la matière ainsi que des bonnes pratiques en matière de gestion décentralisée afin d'identifier les blocages et les réticences qui ont freiné jusqu'à présent le développement des expériences de démocratie locale. Il a déclaré que cet état des lieux devrait déboucher sur un certain nombre de propositions qui pourraient être présentées après les élections municipales. Il a, encore, évoqué tout l'intérêt que l'Observatoire pourrait tirer d'une nouvelle étude sur la notion de péréquation pour la répartition équitable des ressources et des charges des collectivités territoriales.
Il a rappelé les perspectives ouvertes par M. Jean François-Poncet en la matière dans les rapports publiés au début des années 2000.
Puis, l'Observatoire a désigné M. Jean Puech comme rapporteur d'une étude sur les expériences de démocratie locale après la réforme constitutionnelle de 2003. Il l'a aussi chargé d'un « tour d'horizon » auprès des membres de l'Observatoire en vue de la désignation d'un ou de plusieurs rapporteurs sur l'étude consacrée à la péréquation.