C. QUESTIONS TECHNIQUES ET AÉROSPATIALES
Le soldat du futur : initiatives européennes
Mme Cortajarena Iturrioz (Espagne) présente son rapport. Elle souligne qu'il s'agit d'un sujet d'une grande actualité, dans un contexte économique et géostratégique en pleine évolution. D'abord composées de conscrits, les armées sont devenues peu à peu des armées de professionnels, ce qui n'a pas manqué de modifier leurs capacités en effectifs. Les avancées technologiques ont permis de compenser cette réduction, et l'on parle aujourd'hui de « soldat du futur ». Ce terme découle d'un processus d'amélioration de la capacité des soldats, engagé depuis très longtemps.
De fait, le développement des concepts opérationnels et l'évolution technologique ont entraîné d'énormes changements qualitatifs en termes de mobilité, d'appréhension de l'environnement et de coordination des mouvements, toujours dans le cadre d'une action en groupe. Mais la véritable révolution tient à la nécessité de s'adapter au combat en environnement chimique, biologique, nucléaire et radiologique. Chaque pays avance à son rythme, mais on ne peut que se féliciter des échanges d'expériences entre alliés dans le but de favoriser l'interopérabilité des systèmes. S'il n'y aura pas de « soldat du futur » à court terme en Europe, il faut malgré tout travailler à une plus grande harmonisation des normes et accroître les synergies.
Mme Cortajarena Iturrioz présente ensuite succinctement six programmes nationaux en cours. Elle conclut en mettant l'accent sur l'incorporation des femmes aux forces armées, et en affirmant que ce sont la formation et la qualification des personnes dotées d'équipements coûtant de 30 à 40 000 euros qui en feront de bons « soldats du futur ».
Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - SOC), présidente, ouvre alors la discussion générale. M. Person (Pologne) est le premier orateur. Il insiste sur l'intérêt et l'innovation d'un tel sujet. Il précise que le « soldat du futur » fait déjà l'objet de plusieurs programmes, sous différents noms, et qu'il devra être équipé de façon à effectuer des tâches spécifiques rapidement et efficacement, en limitant les pertes nouvelles. En Pologne, par exemple, un programme complexe de modernisation de l'infanterie, appelé Titan, est en cours : il inclut la modernisation de l'habillement, des armes individuelles et de l'équipement électronique des soldats. Mais ce qui est vital pour le succès de tels projets, c'est la préparation psychologique et tactique des soldats. Selon M. Person, on assiste à l'avènement d'une philosophie très nouvelle de la guerre, qui permet d'envisager une guerre « moins létale ».
M. Tilvar (Roumanie) félicite le rapporteur d'avoir abordé ce sujet difficile. Il ajoute que le concept de « soldat du futur » dépasse la dimension purement militaire et s'inscrit dans une stratégie politique, car c'est un vecteur d'uniformisation des systèmes militaires, même si aucun des programmes en cours dans plusieurs pays ne pourrait être mis en oeuvre tel quel à l'échelle européenne.
Mme Cortajarena Iturrioz répond alors aux deux intervenants. Elle est d'accord avec l'idée que les programmes d'équipement du soldat du futur n'intéressent pas que la défense. Elle exprime aussi son accord avec M. Tilvar quand il dit que la défense s'inscrit dans une stratégie politique. Elle précise que les programmes de « soldat du futur » impliquent 19 pays pour l'Union européenne et 14 pays pour l'OTAN, l'objectif étant de développer des prototypes pour arriver à en produire un seul en commun, en prenant en compte la présence des femmes dans les forces armées.
Le projet de recommandation est ensuite adopté.
Ce rapport aborde un sujet très technique et complexe, qui explique sans doute la quasi absence de débat sur le sujet, que l'on peut d'ailleurs regretter.
Les possibilités de coopération avec la Chine en matière d'équipements de défense
M. O'Hara (Royaume-Uni) présente son rapport. Il souligne qu'en matière de défense, les échanges entre la Chine et l'Union européenne restent encore limités par l'embargo sur les ventes d'armes à la Chine décidé en 1989. Il estime que cette mesure est aujourd'hui obsolète et mal appliquée. Les Chinois souhaitent moderniser leur armée et en améliorer l'équipement. Ils sont notamment demandeurs d'équipements de haute technologie, dont les prive l'embargo sur les ventes d'armes. Cependant, la levée de l'embargo n'est pas aisée car un certain nombre de pays ont intérêt à le maintenir. C'est le cas de la Russie, dont le commerce d'armes est très lucratif, mais aussi des États-Unis, qui considèrent la Chine comme un concurrent et non comme un partenaire stratégique.
Malgré tout, un certain nombre d'entreprises européennes ont trouvé le moyen de contourner l'embargo en investissant dans la recherche-développement de pointe dans les universités chinoises. Par exemple, EUROCOPTER et Thalès ont montré qu'il était possible de mener des projets communs efficaces avec des entreprises chinoises et d'accéder ainsi à cet énorme marché.
Le rapporteur conclut en invitant ses collègues à adopter ce projet de recommandation tourné vers l'avenir.
La présidente ouvre alors la discussion générale. Mme Holmberg (Norvège) est la première oratrice. Elle insiste sur la nécessité de se pencher sur la question des droits de l'Homme dans le cadre du dialogue avec la Chine. Dans les relations de travail avec la Chine, il ne faut pas négliger les responsabilités propres à l'Europe et il faut donc mettre sans cesse en avant les valeurs universelles des droits de l'Homme. Mme Holmberg, qui s'est rendue récemment en Chine, a malheureusement constaté des arrestations arbitraires nombreuses. Elle approuve le rapport, qui souligne que les pays et les ONG doivent continuer à dénoncer les violations des droits de l'Homme. Mais les dirigeants politiques doivent être soutenus dans cette tâche par le monde du commerce et des affaires. Il leur faut assumer leurs responsabilités en mettant en avant la question des droits de l'Homme dans le débat sur une éventuelle levée de l'embargo sur les équipements de défense.
M. Prescott (Royaume-Uni) souligne l'importance de ce débat. Il met en avant son expérience de la Chine, où il s'est rendu chaque année depuis 10 ans, ce qui lui permet de comprendre les Chinois. S'il a plaidé là-bas en faveur des droits de l'Homme, il invite ici ses collègues à comprendre la nature des changements intervenus dans ce pays et à les soutenir. Les Européens savent bien que le passage à une économie de marché produit inévitablement des effets. Les Européens devraient aussi se souvenir que le droit du travail et les droits de l'Homme qu'ils considèrent aujourd'hui comme des acquis des sociétés occidentales n'existaient pas au début de l'industrialisation de l'Europe. Pour y parvenir, il a fallu de longues luttes et de longues années. Aujourd'hui, il faut aider la Chine à aller dans ce sens. Au total, les Chinois essaient de faire en sorte que leur économie s'insère dans leur conception de la démocratie. M. Prescott estime que les Occidentaux devraient éviter de porter des jugements de valeur hâtifs et d'imposer unilatéralement leur vision au reste du monde.
M. Hörster (Allemagne) remercie M. O'Hara pour son rapport. Il ne partage pas la position de M. Prescott. Il signale à ce dernier que les temps ont changé depuis le XIX e siècle, et que l'on peut aujourd'hui tirer des leçons des expériences passées. Les Chinois ont donc selon lui la possibilité de s'adapter. M. Hörster est d'accord pour continuer de négocier, d'échanger et de dialoguer avec la Chine, mais il refuse que l'Europe renonce à ses valeurs au nom de marchés gigantesques. Il se déclare totalement opposé à la levée de l'embargo sur les armements imposé par l'Europe à la Chine depuis 1989 dans la mesure où, sur le plan démocratique, rien n'a changé depuis cette époque.
M. Wille (Belgique), comme M. Prescott, lance un appel pour que l'on considère la Chine telle qu'elle est aujourd'hui. Il reconnaît la nécessité d'être critique envers la Chine, mais il faut aussi prendre en compte les problèmes de la Chine. Elle représente 21 % de la population mondiale, détient 7 % des terres utiles et 7 % des réserves en eau potable. Elle sera confrontée dans les prochaines années à de terribles problèmes liés au vieillissement de sa population. M. Wille pense que si l'Europe ne permet pas à la Chine de combler son retard, de graves problèmes surgiront. Comme M. Prescott, M. Wille refuse de donner des leçons à la Chine. Il conclut en félicitant le rapporteur qui nuance ses propos et ne tombe pas dans un manichéisme simpliste et moralisateur à l'égard de la Chine.
M. O'Hara remercie alors tous les orateurs qui se sont exprimés et appelle une fois encore ses collègues à approuver son projet de recommandation. Le projet de recommandation est alors adopté.
Le vif débat sur le rapport de M. O'Hara a reflété de nouveaux clivages au sein de l'Assemblée, entre ceux qui font passer l'économie avant tout, et ceux qui défendent d'abord les droits de l'Homme. Le rapport aborde un sujet stratégique fondamental. On peut toutefois regretter sa relative prudence sur les questions des droits de l'Homme, au profit de l'économie.