IV. L'EXCÉDENT PERMANENT DU COMPTE DEPUIS 1996

A. UN EXCÉDENT FORCÉMENT NON DURABLE QUI PROVIENT DU RECOUVREMENT PROGRESSIF D'UN STOCK DE « VIEILLES CRÉANCES », EN PARTIE PAYÉES PAR L'ETAT

1. Un excédent chaque année depuis 1996

Si la totalité des dépenses au titre d'un exercice était financée par des recettes fiscales équivalentes au titre du même exercice - c'est-à-dire si le taux de recouvrement était de 100 % -, et si le compte n'avait pas d'autres recettes, le solde serait équilibré chaque année.

Or, comme on l'a indiqué, le solde est excédentaire d'environ 500 millions d'euros par an en moyenne depuis 1996.

Le solde du compte d'avances aux collectivités territoriales

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire adressé en vue du présent contrôle budgétaire

Cette situation est paradoxale : comment expliquer que le compte soit en excédent, alors que, le taux de recouvrement étant mécaniquement, pour un exercice donné, inférieur à 100 %, le solde devrait au contraire enregistrer un déficit ?

2. Un excédent depuis 1996 qui s'explique par le recouvrement progressif d'un stock de vieilles créances, qui devrait être résorbé à court terme

Ce paradoxe, qui intéresse depuis plusieurs années votre commission des finances, et qui n'a pas fait l'objet d'explications claires de la part du gouvernement, provient d'un phénomène simple : le recouvrement progressif, par le compte d'avances, d'un stock de « vieilles créances », qui devrait être résorbé à court terme.

a) L'amélioration des taux de recouvrement : une explication qui ne concerne pas les taux de recouvrement relatifs aux exercices n et n-1

Certes, selon les calculs de votre rapporteur spécial, en l'absence d'amélioration depuis 1990 des taux de recouvrement relatifs aux exercices n et n-1 , depuis 1996 en moyenne le solde du compte d'avances s'en serait trouvé dégradé d'environ 2 milliards d'euros, et aurait donc été négatif de 1,5 milliard d'euros.

Cependant, comme on l'a indiqué ci-avant, les taux de recouvrement transmis par le gouvernement n'ont de signification qu'à partir de 1998 , ou au mieux 1995, dates à partir desquelles les taux de recouvrement affichés relatifs aux exercices n et n-1 sont à peu près stables.

Ainsi, l'amélioration des taux de recouvrement relatifs aux exercices n et n-1 à compter de 1998 n'a pas d'impact significatif sur le solde , comme l'indique le graphique ci-après.

L'impact de l'amélioration des taux de recouvrement à partir de 1998

(solde du compte, en milliards d'euros)

Rappel : ce n'est qu'à compter de l'exercice 1998 que les taux de recouvrement utilisés par le gouvernement correspondent aux taux effectifs.

Sources : réponse au questionnaire adressé en vue du présent contrôle budgétaire, calculs de votre rapporteur spécial

Ce résultat est d'ailleurs logique : sur longue période, le solde ne peut pas être en excédent, parce que, même si les taux de recouvrement s'améliorent, ils resteront forcément inférieurs à 100 %. L'excédent du compte provient donc nécessairement de facteurs exceptionnels.

b) Le recouvrement progressif par le compte d'avance de ses créances anciennes

En fait, si le compte d'avances est en excédent, c'est parce qu'il dispose d'un « stock » de créances anciennes, qu'il recouvre progressivement, pour un montant de près de 2 milliards d'euros par an depuis 1996. Le stock de ces créances étant par ailleurs alimenté chaque année par de nouvelles créances concernant un nouvel exercice, la diminution nette de ces créances est de l'ordre de seulement 500 millions d'euros par an.

Le gouvernement ne fournit la décomposition de ces recettes non recouvrées que depuis 1999, dont il n'indique par ailleurs le montant global qu'à partir de 1993. Il est cependant possible, sur la base des déficits et des recettes des années antérieures, de calculer ces données en remontant jusqu'en 1991. On obtient alors le graphique ci-après.

Le stock de recettes non recouvrées (« culot »), tel qu'il ressort des chiffres du gouvernement

(en milliards d'euros)

La décomposition antérieure à 1999, de même que le montant global antérieur à 1993, résultent de calculs de votre rapporteur spécial.

Sources : réponse au questionnaire adressé en vue du présent contrôle budgétaire, calculs de votre rapporteur spécial

La forte augmentation apparente du stock de recettes non recouvrées entre 1990 et 1995 , elle-même conséquence d'une forte augmentation apparente du stock de recettes non recouvrées de l'exercice en cours, doit être considérée avec prudence, dans la mesure où, comme on l'a vu, les taux de recouvrement étaient jusqu'alors définis forfaitairement, les taux de recouvrement effectifs n'ayant été complètement pris en compte qu'à partir de 1998 pour l'exercice en cours.

C'est pourquoi la courbe en pointillés, calculée par votre rapporteur spécial, montre l'évolution du stock de recettes non recouvrées en supposant, par hypothèse, que les taux de recouvrement de l'exercice en cours et de l'exercice précédent n'étaient pas différents de 1990 à 1998 de ce qu'ils ont été par la suite.

Dans tous les cas, les recettes non recouvrées relatives aux exercices antérieurs à n-1 (en blanc sur le graphique) diminuent régulièrement depuis 1995.

Ainsi, sans les recettes des exercices antérieurs à n-1, le solde du compte depuis 1996 aurait été non excédentaire de 500 millions d'euros par an, mais déficitaire de 1,5 milliard d'euros par an , comme l'indique le graphique ci-après.

Ce qu'aurait été le solde du compte d'avances sans le recouvrement des créances anciennes

(en milliards d'euros)

Sources : réponse au questionnaire adressé en vue du présent contrôle budgétaire, calculs de votre rapporteur spécial

c) Un recouvrement correspondant en grande partie à des créances payées par l'Etat

Selon les indications fournies à votre rapporteur spécial, les plus récentes de ces « vieilles créances » sont recouvrées en quasi-totalité auprès du contribuable, mais chaque année l'administration fiscale renonce à percevoir environ 500 millions d'euros de créances, sur des exercices globalement plus anciens. Ces 500 millions d'euros constituent des admissions en non valeur (ANV), qui sont compensées au compte d'avances, par le programme 201 précité.

L'Etat ne fait donc aucun bénéfice :

- les 500 millions d'euros d'admissions en non valeur sont des pertes pour le budget général de l'Etat ;

- le 1,5 milliard d'euros restant correspond en partie également à des pertes (sous forme de dégrèvements ordinaires) et, surtout, à des sommes qu'il aurait dû percevoir antérieurement.

Le fait que le recouvrement progressif du culot correspond à un phénomène en grande partie comptable était d'ailleurs souligné par notre ancien collègue Paul Loridant, dans son rapport d'information précité. Ainsi, écrivait-il : « Quelle est la signification en trésorerie du culot ? Celui-ci correspond aux restes à recouvrer, sauf durant la période 1974-1977 où la réforme de la taxe professionnelle et où une grève des agents des services fiscaux ont fortement altéré le fonctionnement du compte. Ceci signifie que mécaniquement, les restes à recouvrer doivent conduire, soit à un recouvrement effectif, soit à un dégrèvement ou une admission en non-valeur. Dans les deux cas, il y a bien versement en recettes des restes à recouvrer sur le compte d'avances. Le culot devrait donc être limité en volume ; s'il ne l'est pas, c'est parce que la comptabilité publique a omis de passer les écritures permettant de conduire pour un certain nombre d'impositions à des admissions en non-valeur. Le culot n'a pas été « apuré » et porte donc les scories d'exercices passés. »

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