III. LA FISCALITÉ ÉCOLOGIQUE : PROCURER DES RESSOURCES OU INFLÉCHIR LES COMPORTEMENTS ?
Le « Grenelle de l'environnement » a fait de la fiscalité un des enjeux majeurs de la révolution écologique.
A travers le choix, fondamental, à faire entre une fiscalité de rendement et une fiscalité d'incitation, transparaît la question du « double dividende », c'est à dire de la possibilité de réduire par la fiscalité écologique les émissions polluantes, tout en dégageant des ressources de nature à permettre de baisser d'autres prélèvements, comme ceux pesant sur le travail. Dans une telle perspective écofiscalité rimerait avec compétitivité.
A. L'ÉCOFISCALITÉ EN FRANCE : ÉTAT DES LIEUX ET TERMES DU DÉBAT
1. Une fiscalité, aujourd'hui en régression relative, essentiellement axée sur la recherche du rendement
a) Taxes à finalité budgétaire et rémunérations de services rendus
Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), la fiscalité écologique française représentait en 2006 2,24 % du PIB et 39,7 milliards d'euros de recettes . Ses deux composantes principales sont :
1) les impôts à finalité budgétaire , pesant majoritairement sur les secteurs de l' énergie et des transports , et au premier rang desquels se trouve la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), dont le produit représente à lui seul près de deux tiers des recettes totales de la fiscalité écologique ;
2) les taxes et redevances ayant pour objet de financer le fonctionnement de services publics via la rémunération d'une prestation ou la facturation du droit d'usage d'une ressource . Ces taxes et redevances intéressent principalement le domaine de l' eau (taxe d'assainissement, redevances des agences de l'eau) et des ordures ménagères (taxe et redevance d'enlèvement des ordures ménagères).
Si elles contribuent indirectement et à long terme à réduire les dommages causés à l'environnement, la capacité de ces taxes à « internaliser » les coûts économiques et sociaux de la pollution est affaiblie :
- par l'absence de réelle corrélation 23 ( * ) entre leur taux et le niveau de pollution effectivement provoquée, qu'illustre par exemple le différentiel de taxation entre l'essence et le gazole ;
- par les nombreuses exonérations qui les affectent et qui traduisent la priorité donnée aux finalités économiques, sociales ou d'aménagement du territoire sur la protection de l'environnement.
La taxe générale sur les activités polluantes , qui résulte de l'agrégation de sept composantes 24 ( * ) et dont le produit varie entre 460 et 490 millions d'euros, constitue en définitive la seule véritable « écotaxe » française , dont la création ait répondu à une motivation essentiellement environnementale.
Le dispositif fiscal français en faveur de l'environnement est enfin complété par une série de dépenses fiscales dont le coût, pour les seules dépenses chiffrables, est estimé à 3,525 milliards d'euros.
La dépense fiscale en faveur de l'environnement
Dépenses fiscales |
Impôts visés |
Montant
|
Crédit d'impôt en faveur des entreprises agricoles utilisant le mode de production biologique |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés |
10 |
Exonération plafonnée de TIPP pour les esters méthyliques d'huiles végétales, les esters méthyliques d'huile animale, les biogazoles de synthèse, les esters éthyliques d'huile végétale incorporés au gazole ou au fioul domestique, le contenu en alcool dérivés de l'alcool éthylique et l'alcool éthylique d'origine agricole incorporé directement aux supercarburants ou au superéthanol E 85 |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
1.090 |
Exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers pour les huiles végétales pures utilisées comme carburant agricole ou pour l'avitaillement des navires de pêche professionnelle |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
Non chiffré |
Autorisation à titre expérimental de l'usage des huiles végétales pures (HVP) comme carburant pour les flottes captives des collectivités locales ou de leurs groupements ayant signé avec l'Etat un protocole permettant d'encadrer cet usage et soumission à la TICGN de ces HVP au tarif applicable au gazole |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
Non significatif |
Exonération en faveur des zones humides |
Taxe foncière sur les propriétés non bâties |
Non significatif |
Exonération en faveur des parcelles NATURA 2000 |
Taxe foncière sur les propriétés non bâties |
Non significatif |
Exonération en faveur de certains terrains situés dans le coeur d'un parc national sis dans un DOM |
Taxe foncière sur les propriétés non bâties |
Non chiffré |
Imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers supportés par les propriétaires d'espaces naturels remarquables au titre des travaux de restauration (immeubles non-bâtis) |
Impôt sur le revenu |
Non chiffré |
Amortissement exceptionnel des matériels spécifiquement destinés à l'approvisionnement en GPL et GNV et à la charge des véhicules électriques |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés |
Non chiffré |
Amortissement exceptionnel des matériels destinés à réduire le bruit |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés |
Non chiffré |
Amortissement exceptionnel des véhicules fonctionnant exclusivement ou non au moyen de l'électricité, de gaz de pétrole liquéfié (GPL), de gaz naturel (GNV) ou de superéthanol E 85, ainsi que des batteries et des équipements spécifiques |
Impôt sur le revenu sur les sociétés |
5 |
Amortissement exceptionnel des immeubles et des investissements destinés à l'épuration des eaux industrielles et à la lutte contre la pollution atmosphérique |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés |
Non chiffré |
Exonération des dons et legs consentis à des associations d'utilité publique de protection de l'environnement et de la défense des animaux |
Droits d'enregistrement et de timbre |
Non significatif |
Exonération, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur montant, en faveur des successions et donations intéressant les propriétés non bâties qui ne sont pas de nature de bois et de forêts et situées dans les sites NATURA 2000, les zones centrales des parcs nationaux, les réserves naturelles, le sites classés et les espaces naturels remarquables du littoral |
Droits d'enregistrement et de timbre |
2 |
Exonération de TIPP pendant 5 ans pour les huiles minérales consommées aux fins de cogénération |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
Non significatif |
Remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel et sur le gaz de pétrole liquéfié carburant aux exploitants de transport public et de bennes de ramassage des déchets ménagers dans la limite d'un contingent annuel |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
2 |
Dégrèvement égal au quart des dépenses à raison des travaux d'économie d'énergie, sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les organismes HLM et les SEM |
Taxe foncière sur les propriétés bâties |
Non chiffré |
Crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable |
Impôt sur le revenu |
2.400 |
Amortissement exceptionnel des matériels destinés à économiser l'énergie et des équipements de production d'énergies renouvelables |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés |
Non chiffré |
Majoration d'un demi-point des coefficients de l'amortissement dégressif pour les matériels destinés à économiser l'énergie et les équipements de production d'énergies renouvelables acquis ou fabriqués entre le 1 er janvier 2001 et le 1 er janvier 2003 |
Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés |
Non chiffré |
Application du taux réduit de la TVA à la fourniture par réseaux d'énergie d'origine renouvelable et aux abonnements |
Taxe sur la valeur ajoutée |
10 |
Taux réduit de TIPP pour les butanes et propanes utilisés comme carburant sous condition d'emploi |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
6 |
Taux réduit de TIPP applicable aux émulsions d'eau dans du gazole utilisé sous conditions d'emploi |
Taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers |
Non significatif |
Total des dépenses chiffrées |
3.525 |
|
Source : commission des finances, d'après l'annexe « Voies et moyens » au projet de loi de finances pour 2008 |
b) Un produit globalement en recul
Les recettes engendrées par les taxes environnementales n'ont cessé de décroître en Europe au cours des dernières années, et singulièrement en France. La part des recettes fiscales à caractère écologique dans le PIB de l'Union à quinze est ainsi passée de 3,1 % en 1999 à 2,9 % en 2004, soit une baisse de 6,5 %. Cette diminution était de 20 % en France sur la même période (de 2,8 % à 2,2 % du PIB).
Entre 1999 et 2004, la part de la fiscalité écologique dans l'ensemble des recettes fiscales françaises est, quant à elle, passée de 6,2 % à 4,9 %, soit une diminution de 21 % (cf. graphique). Cette diminution relative s'explique principalement par le ralentissement de la croissance des recettes tirées de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP), lié à la diésélisation du parc automobile français et au différentiel de taxation entre gazole et essence, par la suppression de la vignette automobile en 2000 pour les véhicules particuliers et par et l'absence d'actualisation des taux nominaux d'imposition, entraînant la baisse de leurs taux réels en raison de l'inflation 25 ( * ) .
Au total, votre rapporteur général constate que les évolutions précédemment évoquées font aujourd'hui de la France le pays dont la part de la fiscalité environnementale est la plus réduite de l'UE-25, à la fois en proportion du PIB et au sein de l'ensemble des recettes fiscales.
Part de la fiscalité environnementale dans l'ensemble des recettes fiscales
(en %)
Source : ADEME, d'après Eurostat 2006
* 23 Cette absence de corrélation peut résulter de l'existence de mécanismes forfaitaires, voire dégressifs : la redevance d'assainissement peut ainsi comprendre une partie fixe destinée à couvrir des frais de fonctionnement ou des charges d'investissement.
* 24 Déchets ménagers, déchets industriels, huiles usagées, émissions polluantes, lessives, granulats, antiparasitaires, la composante « bruit » ayant été supprimée en 2005 et remplacée par la taxe sur les nuisances sonores aéroportuaires.
* 25 La loi de finances rectificative pour 2006 a toutefois procédé à une actualisation des taux de six composantes de la taxe générale sur les activités polluantes et prévu l'indexation des tarifs sur l'évolution des prix hors tabac.