III. UN ÉTAT CIVIL RIGOUREUSEMENT CONTRÔLÉ : LA SPÉCIALISATION DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES

L'installation à Nantes du service central d'état civil a entraîné la spécialisation du tribunal de grande instance de cette commune dans les aspects internationaux du droit de l'état civil.

Confronté à une activité elle aussi en forte augmentation, il n'a pas reçu des renforts suffisants et accumule en conséquence un retard préoccupant dans le traitement des affaires.

A. UNE ACTIVITÉ EN FORTE AUGMENTATION

Le service civil du parquet du tribunal de grande instance de Nantes assure un contrôle rigoureux de la validité non seulement des actes de l'état civil établis par le service central et les postes diplomatiques ou consulaires français mais aussi des actes de l'état civil étrangers.

1. Le contrôle de la validité des actes de l'état civil français

Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes est l' autorité de tutelle du ministère des affaires étrangères en matière d'état civil .

Il est chargé de s'assurer du bon fonctionnement du service central d'état civil et des services d'état civil des 250 postes diplomatiques ou consulaires français à l'étranger.

A cette fin, il leur adresse des instructions et contrôle leurs registres ( article 53 du code civil ). Il a accès, en simple consultation, à la base de données du service central. Les échanges téléphoniques entre les agents du service civil du parquet et ceux du service central d'état civil sont quotidiens et des réunions sont régulièrement organisées. En revanche, le procureur de la République n'entretient pas de contacts directs avec les agents diplomatiques ou consulaires : le service central sert d'intermédiaire.

Les erreurs ou omissions qui affectent un acte, constatées le plus souvent à l'occasion de la délivrance d'une copie ou d'un extrait, doivent être rectifiées , même si elles proviennent de déclarations volontairement erronées 15 ( * ) .

Le code civil distingue celles qui sont purement matérielles et peuvent être réparées sur simple décision administrative du procureur de la République , de celles dont la rectification nécessite une décision du président du tribunal de grande instance. Toutefois, il ne fournit pas de définition de l'erreur ou de l'omission purement matérielle.

L'instruction générale relative à l'état civil en donne des exemples, qui témoignent d'une conception assez extensive de ces notions : nom altéré ou mal orthographié ; erreur sur le sexe ou omission de sa mention ; erreur ou omission sur la date et le lieu de naissance, le domicile ou la profession ; mention d'énonciations qui n'auraient pas dû figurer dans l'acte (indication qu'un enfant est né de père ou de mère inconnus, qu'un acte a été reçu en prison, renseignements sur les circonstances d'un décès, sur la nationalité, la religion...) ; omission, dans un acte de mariage, des indications relatives à l'existence d'un contrat de mariage ; indication incomplète de l'adresse... Chaque procureur apprécie le caractère matériel de l'erreur.

La décision prend la forme d'une instruction adressée aux officiers de l'état civil. La rectification se concrétise par une mention marginale. Ratures et ajouts dans le corps de l'acte sont prohibés afin de conserver l'historique de l'évolution de l'état civil d'une personne, ne serait-ce que pour des raisons de preuve.

Par dérogation à la compétence de principe du procureur de la République, le service central d'état civil est habilité à rectifier lui-même certaines erreurs ou omissions figurant sur des actes qu'il établit :

- les erreurs ou omissions purement matérielles affectant les actes qu'il a reconstitués pour les Français ayant vécu dans des pays anciennement placés sous la souveraineté ou la tutelle de la France, les erreurs, même non matérielles, portant sur le nom de famille des personnes désignées dans ces actes, ainsi que les mentions inscrites lors de l'établissement de l'acte ( loi n° 68-71 du 25 juillet 1968 ) ;

- les erreurs ou omissions matérielles affectant les actes de naissance et de mariage établis pour les personnes nées à l'étranger qui acquièrent ou recouvrent la nationalité française ( articles 98 à 98-4 et 99-1 du code civil ).

En revanche, les mentions marginales portées ultérieurement, à l'occasion de la mise à jour de ces actes, sont soumises aux règles habituelles et ne peuvent donc être rectifiées que sur décision du procureur de la République ou du président du tribunal de grande instance.

En 2006, le service civil du parquet de Nantes a reçu 6.786 demandes de rectification : 2.185 formulées par le service central d'état civil et 3.500 environ par les usagers eux-mêmes. Il en a refusé 200 et estime que la moitié d'entre elles seront soumises par les intéressés au président du tribunal de grande instance.

Cette activité a connu une augmentation sensible au cours des dernières années comme en témoigne le tableau ci-après.

Demandes de rectification traitées par le service civil du parquet du TGI de Nantes

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Nombre des saisines

5.677

5.622

4.978

5.568

5.928

6.161

6.786

Source : service civil du parquet du tribunal de grande instance de Nantes.

Comme le souligne le parquet, la rectification d'erreurs présentées comme matérielles nécessite des vérifications vigilantes, notamment pour les actes détenus sur les anciens registres dits « coloniaux », car une simple rectification de date ou de lieu peut avoir des incidences sur la nationalité de l'intéressé.

Certains interlocuteurs de vos rapporteurs ont suggéré de lui permettre de procéder directement à la rectification des actes de l'état civil sur la base du service central.

Tout en comprenant cet objectif de simplification des procédures administratives et de réduction des risques d'erreur induits par la multiplication des interventions, vos rapporteurs considèrent toutefois que la séparation des tâches entre les officiers de l'état civil et les magistrats constitue une garantie fondamentale pour les usagers qu'il convient de préserver. Les premiers sont chargés de dresser et d'actualiser les actes de l'état civil, les seconds de les contrôler. Ils n'ont pas vocation à se substituer à eux. Par surcroît, seuls les registres de l'état civil établis sur support papier font foi pour le moment.

Le président du tribunal de grande instance de Nantes a délégué au vice-président de la première chambre civile sa compétence pour examiner les demandes de rectification judiciaire d'actes de l'état civil.

Le nombre des affaires traitées par ce magistrat s'avère bien plus faible que celui des affaires traitées par le parquet.

Nombre des demandes de rectification adressées au président du tribunal de grande instance et des décisions prises par délégation de ce dernier

2004

2005

2006

Saisines

134

174

138

Décisions

106

138

143

Source : première chambre civile du tribunal de grande instance de Nantes.

Par surcroît, l'outil statistique du tribunal ne permet pas de faire le départ entre les registres tenus par le ministère des affaires étrangères et les registres communaux. Selon les indications communiquées à vos rapporteurs, 85 % des demandes concerneraient des actes détenus par le ministère des affaires étrangères.

* 15 Première chambre civile de la Cour de cassation, 2 juin 1987.

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