2. L'avènement du supporter
a) Les évolutions des associations de supporters
Les premiers clubs de supporters apparaissent dans les années trente lors du début de la professionnalisation des clubs. Ces associations ont alors un rôle essentiel puisqu'elles organisent des collectes pour les déplacements et réunissent des fonds pour permettre à leur club d'acheter de nouveaux joueurs. Ils contrôlent également les accès au stade et tiennent les buvettes. Ils sont donc à la fois membres du club et écoutés.
Le passage définitif du football dans l'ère professionnelle, qui intervient entre les années 1960 et 1980 en Europe crée une distance entre les joueurs et les dirigeants, d'une part, et les supporters, d'autre part . En effet, les dirigeants préfèrent embaucher des salariés afin de gérer les clubs plutôt que de s'appuyer sur les supporters bénévoles. Les joueurs sont, quant à eux, devenus des stars, moins proches des fans, du fait de leurs rémunérations, de leur moindre disponibilité et de la diversité de leurs origines géographiques. Parfois qualifiés de mercenaires par les supporters, ils changent plus souvent de clubs selon leurs opportunités de carrière. Relégués à la seule fonction de soutien au sein de l'enceinte sportive, les supporters vont s'attacher à la développer . Mais parallèlement s'étiole la sociabilité construite au sein des groupes de supporters, qui permettait de réguler une partie de la violence 12 ( * ) .
Apparaissent alors de nouvelles formes de soutien des supporters, avec une présence très active dans le stade qui se manifeste par des chants pour soutenir l'équipe, des huées afin de déstabiliser les adversaires et des insultes en direction de l'arbitre. Afin de redevenir acteurs, ils tentent de se constituer en « douzième homme », qui va pousser les joueurs sur le terrain à se transcender et utilisent à cette fin des formes de supportérisme radical.
La médiatisation croissante du football va parallèlement encourager ce comportement. En effet, les médias et les autorités du football vont insister sur l'importance du public et de l'ambiance, afin de renforcer la valeur du spectacle 13 ( * ) . Le « speaker » est présent pour lancer l'ambiance et dynamiser les supporters.
Dans le même temps, la « mercantilisation » du football est devenue l'une des cibles des supporters les plus fervents, qui se considèrent comme les gardiens de l'âme du club et qui souhaitent se distinguer nettement des simples spectateurs/consommateurs de football, en extrémisant leurs comportements.
Le développement du supportérisme radical ne s'explique cependant pas seulement par les changements de nature de la compétition footballistique mais également par les transformations sociologiques des spectateurs , et notamment l'avènement de la jeunesse comme classe d'âge.
* 12 Lors de son audition du 20 mars 2007, Didier Demazière, sociologue, a souligné cette perte du rôle de sociabilisation des associations de supporters, que les groupes ultras, davantage transclassistes et disposant de moins de références temporelles, ont davantage de difficultés à assumer aujourd'hui.
* 13 Sepp Blatter, président de la fédération internationale de football, a ainsi déclaré : « le football doit se jouer devant des spectateurs », et les journalistes insistent régulièrement sur la tristesse des enceintes sportives lorsque les matchs sont joués à huis-clos.