3. Une tentative d'interprétation globale : une vulnérabilité qui concerne la plupart des grands groupes
Bien que l'appréciation du caractère « opéable » d'une société soit largement subjectif et contingent, car liée à un contexte économique et boursier particulier qui détermine en grande partie l'attractivité d'une société, il ressort de l'étude conduite par Ernst & Young que :
- la grande majorité des sociétés sont - plus ou moins difficilement - « opéables » ;
- un peu moins de la moitié des sociétés de l'indice SBF 120 pourraient théoriquement, à court ou moyen terme, faire l'objet d'une OPA « hostile » par une société française ou non-résidente, dont les chances de réussite seraient réelles ;
- 20 % des sociétés de la cote peuvent être jugées particulièrement vulnérables à une offre.
Ce constat demeure toutefois fonction de la « tolérance » d'un prétendant potentiel au niveau de difficulté pressenti pour une opération d'achat (selon la composition de l'actionnariat, la capitalisation et les pactes ou clauses en vigueur), qui se traduit en général par sa plus ou moins grande capacité à relever le prix de l'offre , un petit nombre de sociétés pouvant en effet être considéré comme quasiment préservé d'une offre non sollicitée dans la situation actuelle.
Entre les deux extrémités du « spectre » que sont les sociétés juridiquement protégées et celles très vulnérables à une OPA , un « dégradé » de sociétés plus ou moins contrôlées se dessine, en fonction de la stabilité de l'actionnariat et des limitations à l'exercice des droits de vote et à la cession des titres.
Il est ainsi possible d'identifier un « noyau dur » de 17 sociétés (soit 14,1 % de l'indice) a priori « non-opéables » 216 ( * ) ,, du moins sans l'agrément du gouvernement français ou de l'ensemble des dirigeants, en raison de la forme sociale de société en commandite par actions, de régimes sectoriels particuliers ou d'une participation directe ou indirecte de l'Etat supérieure à la minorité de blocage de 33 %.
Un deuxième périmètre plus vaste comprendrait les 45 sociétés 217 ( * ) (soit 37,5 % de l'indice) bénéficiant de la forte présence d' « actionnaires historiques » privés (fondateurs, famille, société-mère ou holding de tête, actionnaires alliés, réseau de mutuelles) disposant d'au moins 40 % du capital ou des droits de vote (soit le seuil légal de présomption du contrôle), et éventuellement liés par un pacte. Cette configuration actionnariale n'empêche pas la réussite d'une offre 218 ( * ), dès lors que les actionnaires stables sont disposés à céder leurs titres, mais la rend plus difficile et peut contraindre l'assaillant à présenter des arguments autres que la seule valorisation attractive de la cible.
Aux deux ensembles précédents peuvent enfin être adjointes des sociétés telles que Eiffage et Nexity, dont la part de l'actionnariat des salariés et dirigeants est supérieure à 15 % 219 ( * ) , ou des situations particulières sur le plan boursier ou juridique comme celles des AGF 220 ( * ) , d'Arcelor-Mittal, Euronext ou Unibail (qui viennent de réaliser une fusion), de Générale de Santé, Suez, ST Microelectronics (qui peut émettre des actions de préférence au profit d'une fondation de droit néerlandais), ou de Bouygues (dont les actionnaires fondateurs et salariés détiennent conjointement 32 % du capital et près de 45 % des droits de vote).
Un ensemble restreint de 24 sociétés 221 ( * ) paraît plus particulièrement vulnérable à une OPA , en raison de la concomitance d'une part élevée d'actionnariat « flottant », d'un niveau soutenu de rotation du capital, de protections juridiques relativement faibles, et le cas échéant de rumeurs de rachat.
* 216 Aéroports de Paris, Air France-KLM, Areva, Bonduelle, CNP Assurances, Electricité de France, Gaz de France, Groupe Steria, Hermès, Icade, Lagardère, M6, Michelin, Renault, Safran, Thalès, TF1.
* 217 Dont trois sociétés (Bonduelle, M6 et TF1) relèvent du groupe le plus protégé.
* 218 En particulier si un actionnaire historique se révèle être le prédateur, comme dans le cas d'Eiffage, qui a fait l'objet d'une offre publique d'échange de Sacyr-Villehermoso.
* 219 Respectivement 27 % et 19 % du capital. Nexity est à présent contrôlé par le groupe des caisses d'épargne.
* 220 Dont le titre devrait être prochainement radié de la cote à la suite de l'offre publique mixte simplifiée puis de l'offre publique de retrait initiées par sa maison-mère Allianz.
* 221 Accor, Air Liquide, Altran Technologies, Atos Origin, Bourbon, Business Objects, CGG-Veritas, Compagnie de Saint-Gobain, Danone, Dexia, Ipsos, Lafarge, Néopost, Rhodia, Schneider Electric, Scor, Société Générale, Soitec, Technip, Téléperformance, Thomson, Valéo, Vallourec et Vivendi.