c) L'internationalisation progressive de la composition des états-majors

A la dispersion internationale des actionnariats répond, en partie, la composition internationale des équipes dirigeantes.

D'emblée, il convient toutefois de noter que la configuration des états-majors, en termes de nationalité, paraît demeurer sans corrélation directe, au sein des firmes françaises, avec l'internationalisation des actionnaires. Tel était, du moins, l'enseignement de statistiques produites en 2000 par l'Inspection générale des finances 52 ( * ) .

Il n'en est pas moins vrai qu'une tendance à l'internationalisation des équipes dirigeantes est aujourd'hui de plus en plus perceptible dans le paysage économique .

La toute récente étude publiée par le cabinet Korn/Ferry International sur l'évolution de la composition des organes dirigeants des sociétés du CAC 40 53 ( * ) le révèle avec netteté s'agissant des grandes entreprises françaises : alors qu'en 1995 la proportion de non Français parmi les administrateurs de ces sociétés se montait à 14 %, cette proportion a atteint 26 % en 2006, soit un quasi-doublement en une dizaine d'années .

Le cas du groupe anglo-néerlandais Unilever, qu'une délégation de la mission commune d'information a pu observer lors de son déplacement aux Pays-Bas 54 ( * ) , témoigne de la même évolution : alors qu'à l'origine les managers du groupe relevaient principalement des nationalités néerlandaise et britannique, on dénombre à présent pas moins de 24 nationalités dans le « top 120 » de ses cadres dirigeants.

D'un point de vue global, l'attachement national des entreprises ne peut que se trouver affaibli par ce phénomène de « cosmopolitisation » de leurs managements . En effet, comme « l'internationalité » des actionnariats, celle des états-majors constitue par définition un facteur de dilution de la nationalité des entreprises , et sans doute ceci est-il plus riche d'incidences que cela. La nationalité des actionnaires, comme on l'a vu, dans la mesure où elle ne conditionne pas les attentes de ces derniers, n'influe guère, en conséquence, sur les choix de l'entreprise ; leur internationalisation ne modifierait donc pas fondamentalement la donne.

En revanche, comme plusieurs des auditions menées par la mission commune d'information le confirment, la nationalité des membres de l'état-major, plus globalement la culture dont ils se trouvent issus, sont de nature à exercer une forme de « surdétermination » de leurs décisions économiques .

Pour l'exprimer d'une manière simple, un actionnaire de type financier, ès qualités, paraît plus naturellement « apatride » qu'un dirigeant n'y est porté. Car on voit mal comment, au-delà des calculs rationnels et objectifs visant à la maximisation de la productivité et du rendement, n'interviendrait pas, s'agissant des dirigeants, une dimension proprement affective, liée à l'appartenance à un pays, à une culture - autrement dit, même sous la manifestation la plus diffuse : un patriotisme.

A tout le moins, on peut penser que le facteur national peut entrer en ligne de compte pour certaines personnalités et dans certains cas, quand ce ne serait qu'au titre de critère ultime d'arbitrage, au moment de choisir entre des solutions multiples offrant des perspectives de rentabilité à peu près équivalentes.

L'étude Korn/Ferry précitée, d'ailleurs, signale que la majorité de nos entreprises demeure encore très marquée par une culture managériale française. Pour s'en tenir à l'aspect de la nationalité, c'est là ce que tendaient à indiquer les résultats d'une enquête conduite en 2005 par la société Top Management France, selon lesquels seuls 5 % des présidents-directeurs généraux des entreprises françaises étaient de nationalité étrangère . La tendance au « conservatisme » national, il est vrai, semble en ce domaine répandue : aux Etats-Unis, à peine 2 % des dirigeants des 500 plus grandes entreprises relèvent de nationalités non américaines et, en Allemagne, seuls deux groupes sur les trente que rassemble l'indice Dax sont dirigés par une personne non allemande.

Les exceptions à ce modèle 55 ( * ) sont d'autant plus remarquables qu'elles sont rares. Les postes de « seconds numéros » - l'entourage des PGG (membres exécutifs, directeurs généraux) - sont « internationalisés » davantage que celui des « numéros un ».

* 52 Le tableau suivant rend compte de l'incidence limitée de l'internationalisation du capital sur la composition nationale des états-majors des grandes multinationales françaises.

Evolution

1990

2000

Part de capital détenue par des actionnaires français (moyenne)

85 %

57 %

Part de capital détenue par des actionnaires non financiers français (industriels, salariés, familles, fondateurs, Etat, fondations, etc.) (moyenne)

48 %

36 %

Part de capital détenue par des investisseurs financiers (moyenne)

28 %

58 %

Entreprises ayant un président exécutif français

100 %

100 %

Entreprises ayant un président non exécutif français

89 %

100 %

Nombre de Français au conseil d'administration (moyenne sur 10 membres)

8

8

Source : IGF, « L'entreprise et l'hexagone », rapport de MM. Frédéric Lavenir, Alexandre Joubert-Bompard et Claude Wendling, septembre 2000

* 53 Korn/Ferry International, « Les sociétés du CAC 40 : Comment sont-elles dirigées et qui les dirige ? » Etude comparative 1995/2006 », avril 2007 .

* 54 Entretien à Rotterdam du 26 avril 2007.

* 55 Par exemple M. Patrick Cescau, de nationalité française, à la tête du groupe Unilever ; M. Peter Brabeck, un Autrichien, à celle du groupe Nestlé ; ou encore Mme Indra Nooyi, d'origine indienne, dirigeant PepsiCo.

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