3. Pour une approche pragmatique : la mise en oeuvre des quatre « espaces communs »
a) Créer un véritable espace économique commun
Comme le note le Conseil économique et social (15 ( * )) , « les relations dans le domaine économique pourraient se développer de manière très importante et de manière très profitable à la fois pour l'Union européenne et pour la Russie. Il y a en effet des complémentarités évidentes dans le domaine énergétique mais également dans le domaine industriel où il y a des possibilités d'obtenir des niveaux de production, avec des baisses de coûts et des hausses de productivité qui donneraient aux produits européens une compétitivité renouvelée par rapport à la concurrence nord-américaine ou asiatique. Ceci explique que la Russie attend beaucoup de l'Union européenne en matière d'investissements directs. »
Les interlocuteurs russes rencontrés à Moscou ont tous insisté sur l'importance qu'ils accordent aux questions économiques et commerciales dans les relations avec l'Union européenne.
Dans cette optique, l'Union européenne devrait soutenir l'accession de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce. Cette intégration devrait constituer, en effet, une forte incitation pour la Russie à engager les réformes économiques nécessaires, notamment pour faciliter les investissements étrangers. L'intégration de la Russie à l'OMC pourrait ouvrir la voie à la création d'une zone de libre échange entre l'Union européenne et la Russie.
Comme l'a souligné le Chef de la mission économique auprès de l'Ambassade de France à Moscou, la création d'une zone de libre échange serait profitable à la fois à la Russie, à l'Union européenne et à notre pays. La Russie aurait un plus grand accès au marché européen, tandis que les entreprises européennes, notamment françaises, pourraient profiter des potentialités du marché russe.
b) Établir un espace de libre circulation des personnes et renforcer la coopération en matière de sécurité intérieure
La création d'un espace de libre circulation des personnes par la suppression de l'obligation de visa constitue une forte attente des citoyens russes et une priorité de leur gouvernement. Toutes les personnalités russes que j'ai rencontrées ont beaucoup insisté sur ce point.
La Russie représente aujourd'hui pour la France le premier pays pour les demandes de visa. Sur près de 2,5 millions de demandes adressées aux autorités françaises en 2005, plus de 300 000 concernaient des ressortissants russes, contre 545 000 pour l'ensemble des pays du Maghreb (dont 265 000 pour l'Algérie). Or, le risque migratoire en provenance de Russie paraît peu élevé. Ainsi, le taux de refus concernant la Russie est très faible puisqu'il n'est que de 2,4 % contre une moyenne de 15 %. Dans certains pays, notamment en Afrique, le taux de refus est même supérieur à 50 %. De plus, en 2006, seulement 744 mesures d'éloignement ont été prononcées en France à l'encontre de ressortissants russes.
La procédure de délivrance des visas présente, en outre, une charge non négligeable pour les consulats européens en Russie. Avec seulement deux consulats, l'un à Moscou, l'autre à Saint-Pétersbourg, et un nombre limité de personnel, les autorités consulaires françaises peinent ainsi à traiter le grand nombre de demandes de visa dans de brefs délais, ce qui provoque parfois des irritations du côté russe. À cet égard, le contenu de l'accord conclu sur la facilitation de la procédure de délivrance des visas a été jugé plutôt décevant en Russie.
Dès lors, pourquoi ne pas envisager de supprimer l'obligation de visa entre l'Union européenne et la Russie et créer un véritable espace européen de libre circulation des personnes ? La suppression de l'obligation de visa constituerait un signal fort en direction de la Russie et favoriserait les échanges entre les citoyens des pays de l'Union européenne et les ressortissants russes. Cela permettrait également de mettre un terme à la question délicate du transit entre l'enclave de Kaliningrad et le reste du territoire de la Fédération de Russie.
Afin d'accompagner la suppression de l'obligation de visas, la coopération entre l'Union européenne et la Russie en matière de protection des frontières et de lutte contre l'immigration clandestine pourrait être renforcée. On pourrait ainsi envisager une coopération plus poussée entre la garde-frontière russe et les garde-frontières de l'Union européenne, en partenariat avec l'agence européenne de protection des frontières Frontex, ainsi que des initiatives communes en matière de lutte contre la traite des êtres humains.
L'Union européenne et la Russie devraient également développer leur coopération en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent sale et la criminalité organisée internationale. Cela passe notamment par la conclusion d'un accord de coopération opérationnelle entre la Russie et l'Office européen de police Europol et par un accord entre le Parquet de Russie et l'Unité européenne de coopération judiciaire Eurojust.
* (15) Avis du Conseil économique et social sur le rapport présenté par M. Lucien Bouis sur « Les relations entre l'Union européenne et la fédération de Russie » , J.O. 2004.