c) Un partenariat spécifique qui reste à définir
La principale difficulté d'une relation fondée sur l'idée d'un partenariat stratégique tient à la place réservée à la Russie par l'Union européenne. En effet, la relation entre l'Union européenne et la Russie est marquée par une profonde asymétrie.
Ainsi, lorsque l'Union européenne parle de « rapprochement » ou de « convergence » de normes, notamment en matière économique, il s'agit en réalité d'un processus d'alignement de la législation russe sur celle de l'Union européenne. De la même manière, la coopération en matière de justice et d'affaires intérieures consiste surtout pour l'Union à demander à la Russie de ratifier les instruments internationaux auxquels elle est elle-même partie.
Certes, il n'y a là rien d'original car c'est également le même modèle qui est reproduit à l'égard des pays candidats ou des pays avec lesquels l'Union européenne a conclu des accords d'association. Toutefois, la perspective d'adhérer à l'Union européenne ou bien de bénéficier des avantages offerts par un vaste marché et des financements européens constituent de sérieuses incitations pour ces pays de rapprocher leur législation de celle de l'Union européenne. Or, il n'existe rien de tel pour la Russie.
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que la Russie exprime son insatisfaction à l'égard du modèle actuel de relation avec l'Union européenne et qu'elle revendique un partenariat fondé sur l'égalité entre les deux parties. C'est d'ailleurs pour ces raisons que la plupart des pays de l'association européenne de libre échange ont choisi de rejoindre l'Union européenne.
La Russie souhaite, en effet, être associée à la prise de décision au sein de l'Union européenne. Ainsi, dans le cadre des négociations sur le contenu du nouvel accord qui devrait succéder à l'actuel accord de partenariat et de coopération, les autorités russes ont proposé une nouvelle architecture concernant le volet institutionnel qui consisterait à associer ses représentants aux différents niveaux de décision du Conseil (comités d'expert, COREPER et Conseil). Cette demande de la Russie concerne en particulier la politique européenne de sécurité et de défense, et elle s'explique par la volonté de Moscou de contrebalancer l'influence des États-Unis.
Toutefois, pour l'Union européenne, les relations privilégiées avec la Russie ne doivent pas conduire à remettre en cause le principe de son autonomie de décision. En effet, il n'est pas envisageable que la Russie ou d'autres pays tiers bénéficient des droits réservés aux États membres de l'Union européenne sans en avoir les obligations.
En réalité, l'Union européenne peine à définir un modèle de coopération spécifique vis-à-vis de la Russie et on voit mal aujourd'hui ce que pourrait revêtir exactement une relation fondée sur un partenariat stratégique.
Il existe pourtant d'autres modèles de coopération plus poussée entre l'Union européenne et des pays tiers. On peut citer notamment l'association de certains pays, comme la Norvège, l'Islande ou la Suisse, à l'espace Schengen, ou encore l'union douanière entre la Turquie et la Communauté européenne.
D'ores et déjà, les relations institutionnelles entre l'Union européenne et la Russie présentent un caractère particulier . Ainsi, à plusieurs reprises, le Sommet Union européenne-Russie s'est réuni en présence de tous les chefs d'État et de gouvernement des États membres de l'Union européenne et du Président de la Fédération de Russie, notamment lors de la célébration du tricentenaire de la ville de Saint-Pétersbourg en 2003, ou plus récemment à Lahti en octobre dernier. La possibilité de réunir, au sein du Conseil de partenariat permanent, les ministres de l'Union européenne et de la Fédération de Russie en différentes formations, à l'image du Conseil de l'Union, est également unique en son genre. Enfin, la Russie est aussi le seul pays tiers qui dispose de relations institutionnalisées avec le Comité politique et de sécurité et l'État-major de l'Union européenne.
Dès lors, pourquoi ne pas envisager, dans certains domaines spécifiques comme en matière de politique européenne de sécurité et de défense, des structures originales permettant une meilleure implication de la Russie, sans pour autant remettre en cause le principe de l'autonomie de décision de l'Union européenne, en s'inspirant par exemple de ce qui existe dans le cadre de l'OTAN ?