2. Mesures ayant pour effet d'augmenter l'assiette sociale
Certaines déductions autorisées par l'administration fiscale ne sont pas retenues pour la détermination de l'assiette sociale, qui s'en trouve augmentée d'autant. Inversement, certaines plus-values fiscalisées ne sont pas prises en compte dans l'assiette sociale, disposition qui n'est pas d'ailleurs propre au régime agricole. Il s'agit, pour l'essentiel des :
- déficits reportés des années antérieures (article 156-1 du code général des impôts) ;
- plus values et moins values professionnelles de long terme ;
- modalités de l'assiette fiscale résultant de l'option d'un contribuable, par exemple l'assiette triennale mobile ou l'étalement du bénéfice réalisé sur la cession de stocks (article 75 OB et 72 B-IV du CGI) ;
- déductions et abattements qui ne correspondent pas à des dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (amortissements réputés différés, exonérations en cas de création d'entreprise industrielle, artisanale ou commerciale, abattement de 50% sur le bénéfice de l'année d'installation et des quatre années suivantes pour les adhérents aux centres de gestion agréés, déduction pour investissement dans les DOM-TOM et les collectivités territoriales).
L'abattement fiscal de 20% pour les non salariés agricoles adhérents à un centre de gestion agréé - ces centres assurent des fonctions d'aide à la gestion et de tenue de la comptabilité - n'ayant pas été appliqué jusqu'en 2005, sa suppression par la loi de finances pour 2006 a été sans effet du point de vue de l'assiette sociale. Toutefois, le souci du législateur de maintenir un traitement fiscal distinct selon que les contribuables adhèrent ou pas à des centres de gestion, a conduit à majorer de 25 % les revenus des non salariés agricoles qui ne sont pas adhérents d'un centre de gestion. Cette majoration s'appliquera également aux non-salariés imposés au forfait. Afin d'éviter une répercussion sur l'assiette sociale, la LFSS pour 2007 a introduit une mesure destinée à neutraliser l'effet de cette majoration.
Enfin, le mécanisme de l'assiette minimum permet de faire contribuer des redevables de manière plus que proportionnelle à leurs revenus lorsque ceux-ci sont faibles, ce qui accroît l'assiette sociale. Une assiette minimale a été mise en place pour l'ensemble des branches du régime des exploitants, à l'exception des prestations familiales, tandis qu'une cotisation forfaitaire a été définie pour la branche ATEXA dont l'effet d'accroissement de l'assiette sociale est analogue au mécanisme de l'assiette minimum.
La période sous revue a également été marquée par l'augmentation de l'assiette annuelle des cotisations techniques et complémentaires minimales d'assurance vieillesse qui a été portée en 2004 de 400 à 600 SMIC (l'assiette des cotisations acquittées par le chef d'exploitation pour son conjoint ou des aides familiaux restent inchangée).
3/ Les conséquences sur l'assiette sociale des modalités d'imposition
L'assiette sociale, prenant pour référence le revenu professionnel déclaré, avec toutes les réserves mentionnées ci-dessus, est dépendante des régimes d'imposition qui s'appliquent à ces revenus. Malgré les efforts de simplification, ceux-ci n'ont pas permis de limiter pleinement les risques de pertes d'assiette.
a) Assiette annuelle ou triennale
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, l'assiette sociale est composée soit de la moyenne des trois derniers revenus professionnels (n-3, n-2, n-1), qui permet un lissage des revenus, soit du seul revenu de l'année précédente (selon le choix de l'exploitant). L'assiette annuelle est optionnelle et valable pour une période de 5 ans reconductible tacitement.
Deux dispositions permettent de limiter les risques de pertes d'assiette qu'un passage d'une assiette à l'autre pourrait provoquer. La première disposition limite la possibilité de changer de régime d'assiette en instituant des délais impératifs (cinq ou six ans). La seconde s'appuie sur la date de transmission à la MSA de la demande d'option. Le principe est que l'agriculteur peut opter pour le régime annuel pour les revenus qu'il aura l'année suivant sa demande d'option.
Cependant, le ministre de l'agriculture, répondant aux demandes fortes des professionnels, a demandé par lettres adressées aux caisses de MSA de déroger à plusieurs reprises à ces dispositions afin de prendre en compte les crises que traversent certains secteurs. A titre d'exemple, le ministre a, « afin d'aider les viticulteurs confrontés à de graves problèmes de trésorerie », autorisé en 2005 ces agriculteurs, « à titre exceptionnel et par dérogation à la réglementation en vigueur, à présenter une demande d'option » pour les revenus de l'année en cours 30 ( * ) . Par la suite, la filière arboricole a bénéficié de la même dérogation pour les revenus de 2005 31 ( * ) , puis, en 2006, les paludiers 32 ( * ) . De même, par un courrier adressé au président du conseil d'administration de la CCMSA 33 ( * ) , le ministre de l'agriculture demande que, « compte tenu de la crise que traverse actuellement la filière viticole, je vous serais obligé de bien vouloir recommander aux conseils d'administration des caisses de MSA d'examiner avec bienveillance les demandes de remise, tant des majorations et pénalités de retard que de la fraction dite irrémissible laissée à la charge des débiteurs, qui leur seraient présentées par les viticulteurs en difficulté ».
Ces autorisations de déroger au code rural accordées par le ministre de l'agriculture sont illégales en ce qu'elles écartent l'application de dispositions réglementaires par simple courrier, d'une part, et en ce qu'elles constituent une rupture d'égalité devant la loi, d'autre part.
* 30 Lettre du ministre de l'Agriculture du 3 août 2005 adressée au président du conseil d'administration de la CCMSA.
* 31 Lettre du ministre de l'Agriculture du 4 octobre 2005 adressée au président du conseil d'administration de la CCMSA.
* 32 Lettre du ministre de l'Agriculture du 10 juin 2006 adressée au président du conseil d'administration de la CCMSA.
* 33 Adressé le 3 août 2005.