TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITION DE M. ALAIN PICHON, PRÉSIDENT DE LA 4ÈME CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES, M. ROCH-OLIVIER MAISTRE, CONSEILLER-MAÎTRE À LA COUR DES COMPTES, M. FRANCIS DELON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE, M. JACQUES-HENRI STAHL, DIRECTEUR AU SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DU GOUVERNEMENT, M. ANDRÉ FERRAGNE, DIRECTEUR DES SERVICES ADMINISTRATIFS ET FINANCIERS DU PREMIER MINISTRE
Présidence de M. Jean Arthuis, Président
Séance du mercredi 14 février 2007
Ordre du Jour
- Audition de M. Alain Pichon , président de la 4 ème Chambre de la Cour des comptes, de M. Roch-Olivier Maistre , conseiller maître à la Cour des comptes, de M. Francis Delon , secrétaire général de la défense nationale, de M. Jacques-Henri Stahl , directeur au secrétariat général du gouvernement, de M. André Ferragne , directeur des services administratifs et financiers du Premier ministre, et de M. Jean Philippe Grelot , conseiller pour les affaires de sécurité et de défense au Secrétariat général de la défense nationale (SGDN), pour suite à donner à l'enquête portant sur les commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre , transmise par la Cour des comptes en application de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
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La séance est ouverte à 10 heures 10.
M. le président - Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs, Mes chers collègues, nous sommes à nouveau réunis aujourd'hui pour une « udition de suivi » d'une enquête réalisée par la Cour des comptes, en application des dispositions de l'article 58-2 de la LOLF, une semaine après notre précédente et marquante réunion relative à l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, et sa transformation en OSEO ANVAR.
Il s'agit aujourd'hui d'une enquête sur les « commissions et instances consultatives et délibératives placées auprès du Premier ministre ». Sous ce nom quelque peu barbare sont regroupées quelque quarante commissions, toutes rattachées au Premier ministre, aussi diverses que le conseil supérieur de la fonction publique d'Etat, la commission interministérielle pour l'étude des exportations des matériels de guerre, la commission des archives constitutionnelles de la V ème République, le haut conseil à l'intégration, le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics, le haut conseil du secteur public, etc. etc. J'arrête là cette énumération, chacune de ces instances ayant été examinée en détail dans l'enquête de la Cour des comptes.
La liste de ces commissions figure dans une annexe budgétaire « jaune » au projet de loi de finances. Ce document d'une centaine de pages récapitule en effet - je cite - les « commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ».
S'agissant des structures placées auprès du Premier ministre, l'enjeu n'est pas négligeable : comme les magistrats de la Cour des comptes vont certainement nous le rappeler, les coûts de fonctionnement et de dépenses de personnels atteignent 15 millions d'euros - et il reste à prouver que tous les coûts de personnels apparaissent bien dans les budgets de ces différentes instances, ce dont je ne suis pas convaincu.
En outre, 3.200m 2 de locaux sont ainsi mis à disposition. J'ai évoqué intentionnellement le chiffre imprécis d'une « quarantaine » de ces commissions et instances, car l'enquête demandée à la Cour des comptes par votre commission des finances, début 2006, avait déjà pour objet « d'y voir plus clair ». En cela, notre démarche répond aux exigences de transparence posées par la LOLF. Dans ses missions de contrôle budgétaires, le Parlement doit mettre en lumière les pièces les moins bien éclairées de la maison France. Si vous me permettez de filer la métaphore, il s'agit d'examiner chaque recoin, chaque placard.
Quel est le nombre exact des commissions et instances placées auprès du Premier ministre ? Quelle est leur mission ? Combien coûtent-elles ? Est-il judicieux de maintenir des structures dont la création a pu répondre à des besoins conjoncturels, sans doute historiquement datés ? Le rattachement au Premier ministre est il toujours justifié ?
Ces questions interrogent la capacité de l'Etat à se réformer : ces commissions peuvent apparaître comme des démembrements de l'Etat qui sollicite le recours à des expertises extérieures à ses propres services stricto sensu .
La présente audition, conduite selon une procédure désormais bien rodée, après réception de l'enquête de la Cour des comptes, vise à s'assurer des suites concrètes apportées à ces travaux de contrôle. Sans doute le décret du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif, sur lequel les différents intervenants pourront nous apporter des éclaircissements, trouve-t-il notamment son origine dans la demande d'enquête formulée l'an dernier par la commission des finances à la Cour des comptes. Je rappelle que, eu égard à son objet, cette audition est ouverte à nos collègues de la commission des lois, conformément à l'usage d'une étroite association avec nos collègues des autres commissions permanentes sur l'ensemble de nos sujets d'intérêt commun ayant un impact budgétaire. Comme le précédent Jean Jacques Hyest, la rapporteure pour avis de la mission « Direction de l'action du gouvernement », Mme Jacqueline Gourault, s'excuse de ne pas pouvoir nous rejoindre.
Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Alain Pichon, président de la 4 ème Chambre et M. Roch-Olivier Maistre, conseiller maître ayant participé à l'enquête.
Pour le secrétariat général de la défense nationale, sont présents M. Francis Delon, secrétaire général de la défense nationale, M. Jean Philippe Grelot, conseiller pour les affaires de sécurité et de défense, et Mme Bénédicte Bonnet, chargée de mission auprès du secrétaire général. Les services du Premier ministre sont également représentés par M. Jacques-Henri Stahl, directeur au secrétariat général du gouvernement, et M. André Ferragne, directeur des services administratifs et financiers.
Pour encourager le plus large débat en cette enceinte, je demande que les interventions liminaires de la Cour des comptes puis, s'ils le souhaitent, des représentants des services du Premier ministre, se limitent aux observations principales.
Ensuite, je donnerai prioritairement la parole à nos collègues rapporteurs spéciaux de la mission « Direction de l'action du gouvernement », François Marc et Michel Moreigne.
Enfin, chaque commissaire, des finances comme des lois, pourra librement poser les questions qu'il souhaite.
Afin d'inscrire ce débat dans des délais raisonnables, il nous faut donc des interventions liminaires réduites à quelques observations, sachant que l'enquête de la Cour des comptes a déjà été diffusée aux commissaires des finances et des lois.
Je rappelle aux membres de la commission des finances que nous aurons ensuite à prendre une décision sur la publication de l'enquête de la Cour des comptes au sein d'un rapport d'information.
Pour commencer, je donne la parole à M. Alain Pichon, président de la 4 ème chambre de la Cour des comptes pour présenter les principales conclusions de l'enquête réalisée par la Cour des comptes.
M. Alain Pichon - Merci.
Messieurs les sénateurs, Mesdames et Messieurs, la Cour, à la demande de la commission des finances du Sénat, a procédé à des investigations sur les commissions et instances consultatives placées auprès du Premier ministre.
Le rapport a été communiqué il y a quelques mois à la commission, accompagné d'une lettre du Premier président qui synthétisait les remarques, observations et recommandations que la Cour avait formulées à cette occasion.
Le champ de nos investigations a porté essentiellement sur les 44 commissions et entités consultatives ou délibératives mentionnées dans l'annexe « jaune » au projet de loi de finances.
Les enjeux budgétaires sont réels, d'une quinzaine de millions, soit un peu moins de 8 % du budget de fonctionnement de l'ensemble des services du Premier ministre. Sont en cause une cinquantaine d'agents mis à disposition, pour certains à temps plein, pour d'autres à temps plus limité ou partiel. Enfin, toutes ces commissions occupent un espace de l'ordre de 3.200 m² de bureaux, dont la valorisation n'a pas été effectuée à ce jour, ce qui ne permet pas de dresser un coût analytique complet de ce que représentent ces différentes commissions.
Par ailleurs, il y a, auprès du Premier ministre, un grand nombre d'autres instances ou directions. Je pense notamment au SGDN, à la DGAFP, à la DSAF et à un certain nombre d'autorités administratives indépendantes auxquelles le Sénat s'est intéressé, ainsi que quelques établissements publics. Je citerai l'ENA, les IRA, l'IHEDN, l'IFRI ou l'IRIS, qui sont financés sur les crédits rattachés au Premier ministre.
Ces instances n'ont pas fait l'objet de nos investigations dans le cadre de cette enquête ; toutefois, pour certains, des enquêtes sont en cours, notamment sur toutes les instances de formation comme l'ENA ou l'IRA et les réservoirs de réflexion autour de la réforme du commissariat au plan, devenu centre d'analyse stratégique. La Cour s'efforce de procéder à une analyse complète de toutes ces instances et d'en apprécier l'efficacité, le coût et l'efficience.
Deuxième série de remarques : incontestablement, les services du Premier ministre ont longtemps eu la réputation d'abriter un nombre élevé et hétéroclite d'organismes et de commissions divers, nés au hasard de l'histoire. Dans les années 1970, à Matignon, on s'était préoccupé de faire l'inventaire de ces commissions ; on dépassait 150 à l'époque et un magistrat de la Cour avait été sollicité pour faire une enquête qui avait abouti à un inventaire que Prévert n'aurait pas renié !
Un effort de rationalisation, de clarification et de réduction a été réalisé ; à la demande du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, le secrétariat général du Gouvernement a conduit, en juin 2003, une étude approfondie consacrée aux « organismes rattachés au Premier ministre ». Cet audit s'est traduit par des progrès très sensibles, qu'il s'agisse de suppression de commissions - je pense notamment à la commission d'évaluation de la parité sociale globale, au groupe central des grandes opérations d'urbanisme, au groupe permanent de la vie associative, au haut conseil de l'information scientifique ou technique.
D'autres instances ont été transférées vers des ministères où il était plus logique qu'elles fussent placées. Je pense au conseil national des langues et cultures régionales, au conseil supérieur de la langue française, au conseil national de l'insertion par l'activité économique.
La suppression du commissariat général au plan et la création du centre d'analyse stratégique ont été l'occasion de mener un important travail de réorganisation et de restructuration autour de cette nouvelle entité avec le conseil d'analyse de la société, le conseil d'orientation des retraites, le conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale.
Vous avez évoqué, Monsieur le Président, le texte du 8 juin 2006. Ce texte prévoit l'abrogation de plusieurs commissions administratives et les commissions instituées préalablement à sa publication seront supprimées au terme d'un délai de trois ans.
Par ailleurs, ne pourront seules être renouvelées que celles dont le caractère indispensable aura été établi. Les nouvelles commissions administratives ne pourront être créées que par voie de décret, pour une durée maximale de cinq ans. Si ce texte est appliqué dans sa lettre et son esprit, on ne devrait plus voir perdurer des organismes ou des instances consultatives dont l'utilité et l'efficience ne seraient plus avérées.
Malgré ces progrès indéniables, des améliorations restent possibles. Des instances aussi importantes que le conseil supérieur de la fonction publique, la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre ou la commission de codification rendent des services indéniables à la République, mais on peut y apporter des améliorations.
Tout d'abord, un des défauts de toutes ces commissions réside dans le fait que l'on n'a pas procédé à une évaluation du coût analytique global de ces organismes. On en connaît l'impact budgétaire mais il faudrait sans doute procéder à une analyse plus fidèle et poussée en estimant les coûts complets de chacun personnels mis à disposition, charges immobilières ou foncières.
Chaque organisme devrait selon nous faire l'objet d'une évaluation une fois par législature, sur la base d'un compte rendu d'activités et d'un compte rendu analytique détaillé permettant une connaissance précise du coût budgétaire, financier et économique, comparé aux services et missions rendus.
Une telle analyse conduirait sans doute à porter un jugement parfois critique sur le maintien d'une instance consultative ou d'une commission dont l'efficience ne serait pas pleinement avérée.
L'information demeure souvent incomplète. La loi a prévu que le « jaune » évalue le coût de fonctionnement des organismes mentionnés, indique le nombre de leurs membres, de leurs réunions tenues lors des trois années précédentes et la manière dont ils ont fonctionné.
Sur ces différents points, des progrès ont été indéniablement apportés - j'en veux pour preuve le « jaune » 2007 - mais ils pourraient être encore amplifiés pour améliorer l'information de la représentation parlementaire.
Enfin, des évolutions plus substantielles peuvent encore être envisagées. La Cour les a esquissées. Elle a suggéré que le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics soit à l'avenir rattaché directement à la Cour, dans la mission « Conseil et contrôle de l'Etat », laquelle relève du Premier ministre.
Par ailleurs, l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes pourrait, plus de quinze ans après sa création, être rattaché au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement qui est en charge de la parité et de l'égalité des droits de la femme.
La commission interministérielle de la météorologie pour la Défense pourrait peut être être supprimée sans difficulté majeure compte tenu de la création, il y quelques années, de Météo France.
Enfin, il est permis de s'interroger sur l'utilité de maintenir plus longtemps le haut conseil du secteur public, organisme créé en 1982, au moment où le secteur public avait connu une expansion, mais qui ne s'est plus réuni depuis plusieurs années. La réduction du périmètre et du nombre des entreprises publiques peut conduire à s'interroger sur l'utilité de la permanence de ce haut conseil.
Pour conclure, je dirais que l'examen des organismes de toute nature rattachés au Premier ministre pose plus globalement la question du foisonnement de l'expertise au sein des services de l'Etat. La multiplication de ces organismes, loin de toujours répondre au seul besoin légitime d'une véritable concertation avec les partenaires sociaux ou les représentants concernés de la société civile, témoigne parfois d'une certaine dilution de la compétence et d'une difficulté croissante de l'Etat à élaborer avec ses propres services ses décisions puis de les mettre en oeuvre.
Ceux qui sont rattachés au Premier ministre sont en partie l'illustration de ce problème, qu'on rencontre aussi dans d'autres ministères, comme les finances, la défense ou les affaires étrangères.
Loin de s'accompagner d'une réduction des effectifs de l'administration, le développement de ces comités, commissions et structures consultatives diverses, au même titre que les autorités indépendantes ou les agences - le Conseil d'Etat l'a signalé - reste un phénomène paradoxal et peut être le symptôme des difficultés que l'Etat a à se réformer.
C'est dans cet esprit que le Premier président avait conclu le rapport qu'il vous a envoyé, Monsieur le Président.
M. le président - Merci, Monsieur le Président, pour les principes que vous avez rappelés, avec l'esquisse de décisions qu'il conviendrait de prendre sans délais excessifs.
La parole est au secrétaire général de la défense nationale.
M. Francis Delon -Je n'ai pas de déclaration liminaire à faire. Je suis prêt à répondre aux questions qui voudront bien m'être posées. J'ai pris note du rapport de la Cour et des remarques que vous même, Monsieur le Président, avez énoncées.
M. le président - Un certain nombre d'organismes ou d'établissements publics dépendent du SGDN. Il m'arrive de douter que chacun de ces organismes prend en compte l'intégralité des charges que subit l'Etat pour assurer leur fonctionnement ; je pense par exemple à la mise à disposition de militaires auprès de certains organismes. Je ne suis pas sûr que les frais de personnels soient imputés sur les établissements publics.
M. Francis Delon - Il n'y a qu'un seul établissement public, l'IHEDN, dont le SGDN a la tutelle. Il n'y en a pas d'autres dans le périmètre du SGDN.
L'IHEDN représente un budget annuel d'environ 7 millions d'euros et compte 80 personnes, pour une activité qui couvre à la fois une session nationale d'une centaine d'auditeurs, des sessions régionales, internationales, des sessions jeunes et une activité importante en province qui s'est beaucoup démultipliée avec, depuis quelques années, une volonté de plus grande vérité budgétaire.
A une époque, il a pu y avoir en effet des personnels mis à disposition. Nous avons suivi la ligne générale voulue par le Gouvernement, qui a été observée de près par le Parlement, qui consiste à retracer exactement les coûts de personnels.
Le président Pichon a mentionné la commission de la météorologie ; je l'ai découverte à l'occasion du rapport de la Cour. Cela vous donne une indication. Elle existait sur le papier mais ne s'est pas réunie depuis très longtemps. Je me suis enquis de son intérêt auprès du président de Météo France, n'ayant pas moi même d'éléments permettant de dire qu'il fallait absolument la maintenir. Le président de Météo France pense que cette commission pourrait être utile mais je n'ai pas trouvé d'élément déterminant me permettant de reprendre cette observation à mon compte.
M. le président - Budgétairement, qu'est ce que cela représente ?
M. Francis Delon - Rien. Il n'y a pas de locaux, pas de secrétariat, pas de personnels.
M. le président - Il ne doit donc pas être très difficile de supprimer quelque chose qui n'existe pas !
M. Francis Delon - Cela ne pose à cet égard aucun problème.
M. le président - Ce ne sera pas une économie considérable !
La parole est aux représentants du Premier ministre.
M. André Ferragne - Quand on observe la liste des commissions citées dans le rapport de la Cour, on relève deux catégories. La première est constituée d'organismes proprement consultatifs, sans existence permanente, dont la teneur réelle consiste à organiser des réunions. Ces organismes voient souvent leur secrétariat assuré par des services permanents de l'administration ; c'est notamment le cas d'un grand nombre d'organismes placés autour de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, dont le secrétariat permanent est assuré par des bureaux gestionnaires de cette direction.
A l'inverse, les moyens, certes importants, relevés par la Cour, sont en réalité concentrés dans un petit nombre de commissions. Deux sont notamment plus importantes en volume que les autres. La première est la commission d'indemnisation des victimes de spoliations, qui comporte 41 emplois à temps complet. Cet organisme consultatif placé auprès du Premier ministre est chargé de se prononcer sur les demandes d'indemnisation de spoliations mobilières consécutives à l'application des législations antisémites pendant l'Occupation. Cet organisme ne fait bien entendu pas l'objet d'une préconisation de suppression de la Cour. C'est un organisme temporaire créé pour la gestion d'un seul dossier qui sera amené à s'épuiser dans les quelques années qui viennent.
L'autre organisme qui regroupe un volume important de moyens, de l'ordre de 15 emplois, est la CADA, confirmée récemment par la loi et qui a le statut d'autorité administrative indépendante.
Mon observation tend à souligner la différence qu'il y a entre des organismes consultatifs certes nombreux, mais qui n'ont pas de moyens, pas d'existence permanente, et des moyens certes significatifs, mais concentrés dans un petit nombre d'organismes, dont j'ai cité les deux principaux.
M. le président - Sur les 15 millions d'euros, que représentent les deux organismes que vous venez de citer ?
M. André Ferragne - Je ne sais pas vous le dire comme cela mais c'est une part très importante.
En second lieu, comme l'avait demandé Jean-Pierre Raffarin, le secrétaire général du Gouvernement a procédé en 2003 à une analyse systématique des organismes consultatifs placés auprès du Premier ministre, qui a donné lieu aux mesures rappelées par M. Pichon.
Depuis s'est instaurée une pratique, qui n'est bien entendu pas de portée réglementaire, qui consiste à privilégier le moyen de l'organisme consultatif de la première catégorie que je citais, dont le secrétariat est assuré par un service permanent existant. Le conseil d'orientation de l'emploi, notamment, certes doté d'un secrétaire général et d'une toute petite équipe, a quelques moyens dédiés mais, pour l'essentiel, se trouve adossé au centre d'analyse stratégique, qui lui fournit l'ensemble de sa logistique.
On est là dans un modèle tout à fait différent de celui qui avait été retenu au moment où a été créé le conseil d'analyse économique qui avait, lui, des moyens propres et une autonomie plus grande par rapport au commissariat général au plan de l'époque.
Il y a à la fois ce mouvement qui consiste à adosser autant que faire se peut des organismes consultatifs nouvellement créés à des services permanentes existants et, d'autre part, un mouvement souligné également par la Cour, qui est de rattacher à des organismes de grande taille, capables d'assurer de la logistique, des organismes consultatifs préexistants - je pense notamment au conseil d'analyse économique qui, dans le budget que vous avez examiné pour 2007, se trouvent regroupés avec le centre d'analyse stratégique de la même manière que le conseil d'orientation des retraites, le conseil d'analyse de la société et le nouveau conseil d'orientation de l'emploi.
Un mot des préconisations de la Cour sur l'amélioration du « jaune » et la réalisation, une fois par législature, d'une comptabilité analytique : ce sont des demandes auxquelles on ne peut bien entendu que souscrire.
M. Jacques-Henri Stahl - Quelques mots, en complément, sur les préconisations qui figurent dans le rapport de la Cour, à propos des trois organismes mentionnés par M. Pichon, pour souligner que ceux ci sont dans des situations très différentes les unes des autres.
L'observatoire de la parité est un organisme dont l'utilité ne fait pas débat ; la question est celle de son rattachement au Premier ministre ou au ministère chargé des droits des femmes. De ce point de vue, cette question est pour l'essentiel symbolique ; l'observatoire, d'ores et déjà, voit ses moyens financiers et budgétaires supportés par le ministère chargé des droits des femmes. C'est ce qui figure expressément dans le texte instituant cet observatoire pour ce qui concerne ses moyens en personnels et ses moyens de fonctionnement. Le rattachement au Premier ministre est symbolique et figure dans le décret institutif, où il est dit que cet observatoire est institué auprès du Premier ministre ; les difficultés de faire évoluer ce type de rattachement sont d'ordre politique et portent sur l'opportunité de séparer du cadre du Premier ministre ce qui est parfois perçu comme un lustre particulier reconnu à cette institution.
Pour ce qui concerne le haut conseil du secteur public, ce n'est pas la question de son rattachement qui est à l'ordre du jour mais plutôt celle de sa survie, de son existence même, alors que cette instance, créée par la loi en 1982, l'avait été dans un tout autre contexte politique et économique que celui que nous connaissons aujourd'hui.
Il n'y a pas là d'enjeux budgétaires considérables en termes de moyens en tout cas, pas pour les services du Premier ministre.
M. le président - A-t-il des moyens actuellement ?
M. Jacques-Henri Stah l - Ils ne dépendent pas du Premier ministre mais de Bercy.
M. le Président - De l'Agence des participations de l'Etat, peut être ?
M. Jacques-Henri Stahl - Oui.
On est face à un organisme dont la réalité de fonctionnement n'est pas véritablement attestée. Je crois que ce haut conseil s'est réuni une fois en 2005 pour élire son président qui est d'ailleurs sénateur.
La question de sa suppression est une question d'opportunité politique qui intéresse le Gouvernement et le Parlement, son principe ayant été fixé par la loi en 1982.
Le troisième organisme - le comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics - est dans une situation différente. La réflexion sur son évolution avait commencé avant même le rapport qui justifie notre présence parmi vous aujourd'hui. Dans l'analyse conduite par le secrétaire général du Gouvernement en 2003, la question de son maintien et de son rattachement éventuel avait déjà été évoquée sans qu'aucune décision n'ait été prise. A la suite de ce rapport, certaines évolutions ont eu lieu.
Pour le comité d'enquête, il n'en a pas été de même. L'hypothèse de son rattachement à la Cour des comptes avait été évoquée mais la Cour ne l'avait pas souhaité à ce moment là.
La réflexion a repris à la suite du rapport rendu l'été dernier par la Cour. Cette réflexion a conduit à une réunion interministérielle en novembre dernier, destinée à examiner à la fois la question de l'évolution du comité d'enquête et celle, corrélative, de son rattachement. On s'est interrogé sur l'intérêt de cette structure particulière qui, de par sa composition, permet l'association de hauts fonctionnaires, de représentants du Parlement, des collectivités territoriales et d'organisations syndicales pour examiner de façon concertée, dans un cadre multipartite, certaines évolutions souhaitables pour l'ensemble des services publics.
La question de savoir si ce mode original de concertation et d'association devait être conservé - il s'agit d'un héritage de la Libération - a été engagée, l'idée étant que son rattachement devait être la résultante de l'orientation retenue concernant l'évolution de ce comité d'enquête.
La réunion interministérielle de novembre a conduit à examiner les différentes pistes ; des réflexions avaient été demandées aux différents organismes de telle sorte que des décisions puissent ensuite être prises. Le calendrier fixé en novembre conduira à réexaminer la question en mars prochain.
M. le président - La parole est aux rapporteurs spéciaux.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial - J'ai écouté avec le plus grand intérêt ce qui vient d'être dit et j'ai bien intégré le fait que la suppression des deux structures que la Cour envisage ne seraient pas génératrice de grandes économies budgétaires, confirmation ayant été donnée qu'elles ne coûtent rien. Du moins les recoins ont ils été balayés.
En ce qui concerne les organismes dont l'enquête envisage le rattachement, on peut s'interroger sur l'économie réelle résiduelle ainsi obtenue. Je serais heureux de pouvoir recueillir un chiffre.
En ce qui concerne la rationalisation des commissions, la difficulté pour moi réside dans le caractère interprétatif de tout cela. Comment encadrer davantage cette interprétation des textes ?
M. François Marc, rapporteur spécial - Je souhaite pour ma part attirer l'attention sur le cas de la DGAFP ; en effet, six organismes sont placés auprès de la DGAFP : conseil supérieur de la fonction publique d'Etat, comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'Etat, commission de déontologie chargée d'examiner les activités privées exercées par des agents publics cessant temporairement ou définitivement leurs fonctions dans l'administration - ce que l'on appelle plus communément le « pantouflage » - observatoire de l'emploi public, commission permanente de la modernisation des services publics et commission d'équivalence chargée d'examiner les modalités de détachement dans la fonction publique française des fonctionnaires des autres Etats membres de l'Union européenne.
Tous ces organismes ont des finalités assez proches. Combien de bureaux et de fonctionnaires ces activités emploient-elles ? Ne pourrait-on imaginer de mutualiser les coûts de fonctionnement et de regrouper les moyens afin d'aboutir à des économies d'échelle ?
Je voulais, en second lieu, évoquer la question du centre d'analyse stratégique (CAS) ; j'ai pu observer que le regroupement opéré apporte incontestablement un plus significatif par rapport à l'ancien commissariat général au plan, grâce à la synergie qu'on est en mesure de dégager en termes d'études et de prospectives. Incontestablement, le travail du CAS est aujourd'hui apprécié par l'ensemble des partenaires et des administrations.
Des investigations sont en cours ; pourriez-vous nous en dire plus, Monsieur le Président, sur la réorganisation des structures ?
M. le président - Y a-t-il des observations ?
M. André Ferragne - Tout d'abord, les organismes consultatifs dont le secrétariat est assuré par la DGAFP se regroupent autour de deux catégories.
Le comité interministériel de l'action sociale, l'observatoire de l'emploi public et la commission de modernisation, organismes liés au dialogue social, sont consultatifs et ont pour fonction d'examiner un point ou un autre de la situation de la fonction publique en mettant en relation l'administration et les organisations syndicales nationales.
Ces quatre organismes n'ont en réalité pas de structure permanente propre bien que ce soit une mesure récente pour l'observatoire de l'emploi public et leur secrétariat est assuré par des bureaux de la DGAFP, eux mêmes chargés de l'animation, du dialogue social, dont ces organismes sont le cadre.
La mutualisation que l'on peut donc opérer autour d'eux est celle interne à la DGAFP. Pour ce qui est du cas de l'observatoire de l'emploi public, celui ci vient de se réformer et de pratiquer cette mutualisation qui existait pour les trois précédents.
La commission de déontologie et la commission d'équivalence, pour leur part, sont chargées de donner des avis sur des dossiers individuels portant sur des demandes de fonctionnaires. La commission d'équivalence est une commission certes d'une extrême importance politique, puisqu'elle se prononce sur l'intégration de non-nationaux dans la fonction publique de l'Etat, mais force est de constater que son champ d'activité est aujourd'hui réduit, le nombre des demandes l'étant également. C'est une commission qui n'a pas de moyens propres.
Il n'en est pas de même de la commission de déontologie, qui a un secrétariat propre et dont le volume d'activité est plus volumineux. C'est la seule de la liste à disposer d'un secrétariat propre.
Quant au CAS, l'idée qui préside au regroupement des organismes liés à la recherche stratégique autour de celui ci consiste à laisser à chaque organisme spécialisé sa composition et son autorité morale intellectuelle propres, tout en regroupant dans un organisme unique l'ensemble de la logistique - documentaire, informatique, salles de réunion - adaptée à ses fonctions.
M. le président - Monsieur le Président, pouvez-vous indiquer au sénateur Marc où en sont les investigations actuelles ?
M. Alain Pichon - En ce qui concerne le commissariat au plan et le CAS, nous sommes sur le point de terminer les investigations, et le rapport provisoire sera sans doute déposé courant mars. Je ne peux préjuger de ce que la chambre retiendra mais sur une question de cette importance, je vois mal comment, s'il y a des remarques et des observations à faire, elles ne fassent pas l'objet d'un référé adressé au Premier ministre en personne. Qui dit référé, dit bien évidemment transmission au Parlement dans le délai prévu, assorti des éventuelles réponses qui sont apportées. Le rapporteur a reçu comme consigne sinon comme instruction de mener ces investigations pour voir si la nouvelle organisation constituée autour du noyau du CAS permettait, dans le respect des missions et de la spécialisation et de la composition de chacune des instances qui sont proches, générait un effet de mutualisation et si on allait dans un sens d'économies de moyens, sans perdre l'efficacité que l'Etat est en droit d'attendre de ses instances.
S'agissant de la deuxième question relative à la DGAFP, ce thème est inscrit au programme de la Cour pour 2007. La Cour a récemment réalisé un contrôle sur la gestion prévisionnelle des emplois ; nous regardons comment la déconcentration et la décentralisation ont eu un effet sur le volume des emplois, toute questions qui rétroagissent, ministère par ministère, mais que l'on peut aussi étudier au niveau central.
Les instances et organismes que vous avez cités, qui sont dans le périmètre de la DGAFP feront l'objet d'investigations, dans un souci de mesurer s'il existe des possibilités de mutualisation des moyens pour générer des économies.
M. le président - La commission des finances du Sénat a fait une enquête il y a deux ans sur les systèmes d'information destinés à gérer les ressources humaines. On en avait recensé une trentaine. Ceci a-t-il bougé ? La DGAFP est elle en situation de connaître en temps réel le nombre des fonctionnaires ?
M. Alain Pichon - J'ai la faiblesse de penser que la réponse est négative.
Un système informatique est en projet mais n'a pas encore donné de résultats. Il est bien certain que l'Etat, en un instant donné, ne peut dire combien il emploie de personnels.
M. le président - Il y a toujours cette diversité de systèmes d'information ? Rien n'a changé !
M. Alain Pichon - Pour l'instant, les ministères ont tendance à avoir chacun leur système autonome, que ce soit en matière de gestion du personnel ou, d'une manière générale, de gestion de l'information.
Il est vrai que le DGAFP devrait être en mesure de donner le cadre.
M. Paul Girod - A t on une idée de l'ordre de grandeur de l'erreur ?
M. Alain Pichon - Je ne prendrai pas le risque de vous en donner un ! Je ne démentirai pas qu'il existe une erreur mais je serais bien incapable d'articuler le moindre chiffre.
Trois remarques à propos du comité d'enquête. Je confirme que la Cour, sous un autre Premier président, n'avait pas souhaité se voir rattacher le comité. Je précise que l'on était dans une période pré LOLF. Nous vivons maintenant dans la LOLF. L'actuel Premier président m'a confié qu'il était plutôt favorable à l'idée du rattachement et je pense que si la réforme devait aboutir à rattacher le comité d'enquête au CAS ou à une autre entité relevant du ministère des finances, il ne verrait pas cela avec plaisir mais je m'engage là à titre personnel.
Il m'a aussi confirmé qu'il était tout à fait sensible, à titre personnel, à l'héritage historique du comité d'enquête. Ce comité porte un titre et une appellation très noble et très ambitieuse qui révèle le moment de sa création. Dans les années 1950, Gabriel Ardent en était l'un des porteurs. Il s'agissait du coût et du rendement des services publics.
Aujourd'hui, si l'on s'en tient au sens des mots, c'est plutôt la Cour qui enquête dans ce domaine ; le comité d'enquête étudie davantage les questions de fonction publique. Ce n'est pas un reproche, c'est une constatation. Il effectue des enquêtes très utiles en matière de fonction publique mais ne travaille pas sur le coût et le rendement des services publics. Faut-il réfléchir aux nouvelles missions qui pourraient lui être confiées, lui redonner du travail dans son héritage historique ou, au contraire, le recentrer sur les questions de fonction publique, en liaison avec la DGAFP ou l'observatoire de l'emploi public ? Ce sont des questions ouvertes.
J'ai rencontré récemment le secrétaire général du comité d'enquête, qui est en train de préparer un argumentaire et une réponse à la signature du Premier président, que ce dernier enverra au Premier ministre. La question est donc encore à l'étude.
M. Philippe Marini, rapporteur général - J'ai pris connaissance avec grande intérêt des travaux de la Cour. Si le constat en matière de multiplicité et d'obsolescence de certaines structures est évident, je trouve que les propositions sont encore limitées mais, après tout, il nous appartient peut être de marquer une ambition plus grande.
J'ai le sentiment, en tant que praticien de ces choses à différents titres que, sauf contrainte du pouvoir politique, jamais rien n'est supprimé dans ce pays. Si l'on demande à un outil créé en d'autres temps s'il est toujours utile, on trouve, au sein de celui ci, les meilleures raisons pour démontrer qu'il l'est toujours, même si le monde a changé.
Il me semble que si l'on veut réellement donner une substance aux propositions de la Cour, la méthode est simple : il convient de dire que, là où il y a deux organismes, il n'en faut plus qu'un seul ou plus du tout et créer une contrainte extérieure face à laquelle le tissu administratif s'adapte. Je ne pense pas que l'adaptation par génération ou évolution spontanée soit conforme à la nature des choses en ce domaine.
Je voudrais reprendre l'exemple du comité d'enquête sur le coût et le rendement des services publics (CECRSP) ; à la vérité, ce comité, qui a été puissamment utile à la République en son temps, notamment sous la houlette du Premier président Désiré Arnaud, représentait les audits de performances d'aujourd'hui. La comparaison pose question quant au rattachement. Les audits de performances, c'est l'exécutif qui s'auto améliore dans le respect des objectifs qui lui sont assignés par la LOLF. La Cour est le certificateur, l'autorité juridictionnelle qui, par ailleurs, est le contrôleur de gestion de l'Etat exécutif, avec une position d'indépendance et une certaine position d'externalité.
Ma tendance personnelle serait de supprimer le CECRSP sans se poser de questions de rattachement. Sa vertu est de réaliser des audits de performances, ce qui est la mission de l'exécutif, qui va prélever dans les inspections et les noyaux de compétences, tels qu'ils existent, les moyens humains pour examiner tel ou tel sujet, dans la logique de la LOLF.
Toutefois, les structures de 1946 se rapprochaient de la Cour par le mode de gouvernance. Il y avait un lien avec la Cour, qui se comprenait dans les conditions de l'époque. Il me semble qu'il vaut mieux franchement dire que l'on passe d'une époque à une autre et ne pas s'encombrer de structures qui n'ont plus d'utilité évidente, quels qu'aient été leurs mérites dans le passé.
Je ferai la même remarque sur les outils de prévision et de réflexion économiques : CAS, Conseil d'analyse économique, INSEE, direction de la prévision, cellule conceptuelle de ce qu'on appelle maintenant, de manière ronflante, la direction générale du trésor et de la politique économique. Peut être faudrait il réfléchir à la manière dont le pouvoir politique pouvoir exécutif, pouvoir législatif veut être éclairé en termes de réflexion économique. Peut être est ce là le vrai sujet plutôt, que de s'interroger sur le devenir de la structure que l'on appelle CAS, qui n'est plus qu'une espèce de version résiduelle de l'ancien commissariat général au plan d'équipement et de la productivité.
J'aurais souhaité demander deux choses à la Cour et aux représentants des administrations. Tout d'abord, au delà des sujets identifiés dans le rapport, si l'on voulait vraiment passer à la vitesse supérieure de la réforme de l'Etat, quels objectifs mobilisateurs pourrait on s'assigner ?
Seconde question : nos rapporteurs spéciaux se sont fort justement interrogés sur le nombre de fonctionnaires qui sont au service de ces différentes entités. J'aurais tendance à dire qu'il faut aller au delà. Un comité a un secrétariat permanent mais est surtout chronophage du temps de ceux qui viennent y siéger, qui y passent des heures et se font représenter. Le coût induit par cette polysynodie administrative est plus important que la seule masse salariale des permanents, en petit nombre, par rapport aux enjeux d'ensemble que l'on va trouver dans ces structures.
Il m'intéresserait, du point de vue de la performance de l'Etat et de l'analyse de productivité, d'avoir un raisonnement qui aboutisse à un chiffrage des temps passé, également générateur de complexité supplémentaire. Tout être administratif doit justifier son existence et donc secréter du papier, des normes, des opinions, toutes sortes de choses qui, si elles ne sont pas strictement nécessaires, viennent alourdir les coûts globaux de l'ensemble de la machine.
M. le président - A-t-on pu établir une corrélation entre les divers travaux conduits par ces différentes instances de conseil et les décisions politiques ?
Tient-on, dans les CAE, CAS, un registre pour faire un lien entre les recommandations de ces différentes instances et les décisions prises par le Premier ministre et le pouvoir politique ? Il m'arrive de penser qu'il y a comme une distance entre toutes ces recommandations et l'action qui est menée.
M. Alain Pichon - Votre question est totalement légitime. Chaque organisme pourrait, en début de législature, dans l'esprit du décret de 2006, être invité à justifier ses coûts complets analytiques et à dire ce qu'il a fait au cours des cinq dernières années, en présentant les effets positifs de ses études en termes de lois, de réformes, etc.
Actuellement, la Cour le fait, parfois avec difficulté, mais le Rapport public qui vient d'être publié comportait un fascicule entier consacré au suivi des recommandations de la Cour pour essayer de mesurer à quoi nos travaux peuvent servir, car c'est un reproche que l'on nous adressait trop souvent.
Quelques années plus tard, on s'aperçoit que les organismes contrôlés ont mis en oeuvre tout ou partie des recommandations qui leur étaient faites. Pour les organismes ou instances consultatives, développer ce réflexe et dire, tous les cinq ans, combien il coûte et à quoi il sert, serait une démarche utile à développer.
M. Michel Moreigne - Je voudrais remercier M. Pichon d'être revenu au décret du 8 juin 2006. Il faut rappeler que ce décret prévoit, en ce qui concerne les commissions créées avant la date de publication, qu'elles seront supprimées au terme d'un délai de trois ans, saut si leur caractère indispensable a été établi. Il y a là une certaine souplesse d'interprétation. Le délai paraît déjà une rente de situation confortable. Qui est juge du caractère indispensable, qui l'apprécie ? Si c'est l'organisme lui même qui s'auto attribue les vertus qu'il n'a pas, on voit jusqu'où on peut aller !
S'agissant des commissions nouvelles, sauf lorsque leur existence est prévue par la loi, une commission est créée par décret pour une durée maximale de cinq ans. Là aussi, la durée me paraît faciliter l'existence de beaucoup d'entre elles.
En dernière analyse, quel est le caractère indispensable pour qu'une commission consultative existe et perdure ? Comme toujours chez nous, la tentation est grande d'établir des règles strictes, assorties de telles dérogations que la règle ne sert plus à rien ! Si l'on pouvait avoir une bonne règle, l'appliquer et ne pas y déroger, saut pour des raisons majeures, cela me satisferait personnellement beaucoup et sans doute la commission n'y verrait elle que des avantages.
Pour en revenir aux préoccupations du rapporteur général, il faut bien parler de coût. Nous sommes là pour cela. S'agissant des frais de personnels, le rapporteur général a été comme d'habitude parfait. Selon l'enquête de la Cour, à qui je rends hommage, l'estimation des mises à disposition en matière de locaux est de 3.200 m 2 . 310.000 euros pour 3.200 m 2 pour un an constitue une évaluation sympathique ! Comment la Cour a-t-elle pu arriver à ce chiffrage ? Comment pourrait-on valoriser des locaux mis à disposition, selon quels critères et aboutir à quel chiffre véritable et sincère ?
M. Roch Olivier Maistre - La valorisation des 3.200 m 2 auxquels vous faites allusion n'a pas été réalisée. On n'a pas eu communication de la valorisation de ce patrimoine. Le chiffre de 310.000 euros représente uniquement les coûts recensés de nettoyage, de maintenance, d'électricité, de gardiennage. C'est un coût de fonctionnement minimal, mais cela ne recouvre pas la valorisation.
M. Michel Moreigne - Un des effets de la LOLF est désormais de demander à chaque administration, ministère, service, d'imputer sur son budget ce que coûterait normalement le loyer des locaux qu'il occupe. C'est une des réformes fortes de la LOLF. Il faudrait l'appliquer aux commissions !
M. le président - Bien sûr !
M. Paul Girod - Nous avons entendu souvent le ministre chargée de la réforme de l'Etat nous dire qu'il menait toute une série d'audits, selon des critères et par des méthodes différentes des investigations de la Cour. Sait-on s'il y a eu un audit concernant ces commissions ?
M. le président - Apparemment pas.
Je voudrais revenir sur une observation de M. Stahl sur la difficulté de supprimer des organismes symboliques, comme l'observatoire de l'emploi public. Je mesure bien ce que cela peut avoir de déchirant. On va se rendre suspect aux yeux des syndicats de vouloir dissimuler quelque chose mais on ne sait même pas de quoi on parle, puisqu'on ne connaît même pas les effectifs de la fonction publique ! Or, l'observatoire de la fonction publique, depuis des années et des années, observe la fonction publique et n'a jamais été capable de faire bouger les trente systèmes de gestion des ressources humaines qui font que chaque ministère est enfermé dans sa propre logique ! Le Parlement est donc dans son rôle en demandant la suppression de tels organismes.
M. André Ferragne - Il est de fait que les ministères conservent chacun leur propre système d'information et sont en mesure de développer des systèmes d'information pour la gestion des ressources humaines. Beaucoup ont des projets en cours sur ce point. Il y a de fait sur le marché trois grandes catégories de modèles correspondant à trois grands fournisseurs de logiciels.
Néanmoins, l'observatoire de l'emploi public a eu, en matière de computation des effectifs de l'Etat, deux actions. Tout d'abord, l'observatoire fournit chaque année des informations, des statistiques, des comptes qui s'améliorent d'année en année et tendent à connaître les effectifs de l'Etat. Je ne suis pas suffisamment connaisseur de ces travaux pour vous dire si cet objectif est atteint ou non, néanmoins, c'est bien cet organisme qui y tend.
En second lieu, l'observatoire et, plus largement, la DGAFP, ont développé des spécifications techniques autour d'un noyau commun qui permettra à chaque système d'avoir le niveau suffisant d'interopérabilité pour parvenir à une comptabilisation commune des effectifs de l'Etat et à gérer notamment de manière commune les règles résultant directement du statut général.
Il existe donc bien à la fois un développement diversifié des systèmes de gestion et la possibilité de les regrouper pour la partie commune.
M. Maurice Blin - Vous avez dit que de 1970 à aujourd'hui, on était passé de 150 à 44 organismes. C'est spectaculaire. Quels ont été les effets de cette disparition progressive ? Cela nous permettrait de juger de la validité des ces organismes et prouverait bien que la machine est folle.
Par ailleurs, la LOLF étant là, il serait excellent que ces organismes - de même que les agences, qui se situent également à la marge du budget dans sa généralité et ses contraintes - dressent à chaque renouvellement parlementaire un bilan de leurs résultats. Cela contraindrait à une véritable comptabilité et des sanctions pourraient s'ensuivre. Le Parlement aurait ainsi l'occasion de juger sainement des choses.
Enfin, qu'est ce qui a poussé à la création de ces innombrables organismes ? Pourquoi ont-ils été rattachés au Premier ministre ? Trop, c'est trop et le Premier ministre, quelle que soit sa qualité, est incapable de tirer le bon parti de tout cela. Il y a surinflation d'organismes qui, aujourd'hui, virent au vide. Ma formule est-elle trop sévère ou la faites-vous vôtre ?
M. Alain Pichon - Il y a une trentaine d'années, il y avait un nombre considérable d'organismes. Certains n'ont pas disparu ou ne sont plus rattachés au Premier ministre ; ils ont été reversés, au fil de l'histoire, aux ministères techniques. D'autres ont pu disparaître. Il existait ainsi, autour du cheval, le conseil supérieur de l'équitation, le conseil supérieur du cheval, trois ou quatre organismes, tous rattachés au Premier ministre. Deux ont été supprimés et deux sont retournés légitimement vers le ministère de l'agriculture, où ils ont pu sans doute continuer à survivre.
Par ailleurs, je souscris tout à fait à ce que vous avez dit. Le SGG a pris l'engagement de justifier, dans le jaune et une fois par législature, le bien fondé et l'existence de tel ou tel organisme.
Quant aux leçons de l'histoire, il faudrait voir les choses organisme par organisme. Leur attachement est souvent le fruit d'une circonstance conjoncturelle, d'une question d'hommes, d'une crise politique. Pourquoi sont ils rattachés au Premier ministre ? Souvent, c'est interministériel par la force des choses et il vaut mieux que ce soit ainsi. On peut toutefois être dans l'interministériel sans être nécessairement chez le Premier ministre.
Souvent, on met à la tête de cet organisme une haute personnalité administrative ou issue de la société civile qui estime qu'il est de son statut, de son niveau, de son prestige, d'être chez le Premier ministre et considère que ne pas y être serait attentatoire à sa dignité. Il y a eu des exemples, je ne les citerai pas par pudeur.
Il est vrai qu'il est assez confortable d'être chez le Premier ministre. En général, on n'est pas mal logé, le Premier ministre et ses services sont bienveillants, on n'a pas les bureaux des ministères sur le dos et on se comporte en structure autonome.
Je n'ai pas parlé de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUD). Elle est chez le Premier ministre. On peut considérer qu'elle y a sa place. J'observe quand même qu'en matière de dérives sectaires, le ministre en charge de la sécurité publique, de la sécurité civile et des problèmes de culte est le ministre de l'intérieur. La MIVILUD est-elle justifiée ou non chez le Premier ministre ? La Cour se réserve le droit de réaliser une brève enquête pour voir ce que cela coûte et comment elle fonctionne. Peut être suggèrera t-elle à nouveau que tout cela aille chez le ministre de l'intérieur !
M. le président - Au fond, un certain nombre de ces organismes sont les fruits de la démocratie d'opinion. Les autres sont des vestiges de l'Histoire. Nous devons donc manifester une certaine pugnacité pour remettre en cause toutes ces institutions qui encombrent le paysage institutionnel et nuisent à la performance de l'Etat. C'est l'enseignement que je tire de cette audition.
Je pense que nous pourrions fermement recommander la suppression de la commission interministérielle de la météorologie pour la défense, du haut conseil du secteur public et ce sans délai, en y ajoutant le CECRSP, puisque la LOLF est là et rend totalement caduque cette institution ; ou le Premier ministre en décide, ou bien nous prenons l'initiative d'une proposition de loi lorsque les dispositions relèvent de la loi.
Nous retiendrons également l'une des préconisations de la Cour, qui consiste à mieux appréhender le coût de chacune des ces institutions, en y ajoutant la recommandation du rapporteur général de recherche de la pleine efficacité.
M. François Marc - Si ces commissions ne se réunissent pas, on pourrait en proposer la suppression ; néanmoins, certaines, même si elles ne se réunissent pas, ont sans doute une utilité. Je pense en particulier au comité interministériel aux crises nucléaires qui, selon votre rapport, se réunit rarement. On ne peut que s'en réjouir ! Pour autant, un certain nombre d'organismes ont vocation à perdurer compte tenu du champ de compétences qui est le leur à supposer qu'ils puissent avoir un rôle majeur si une crise survenait.
Cela me conduit à être modeste quant à faire des propositions multiples de suppression. Si le fait que les commissions ne se réunissent pas est sûrement un argument pour remettre en cause certaines structures, pour d'autres, c'est peut être plus discutable.
M. le président - N'hésitez pas à être ambitieux dans vos préconisations : il y aura en face de vous suffisamment d'inertie pour rabattre la voilure au moment de la décision. Ne commencez donc pas par vous censurer car si telle est votre attitude, il ne restera rien à la sortie !
Il me reste à remercier la Cour pour sa précieuse contribution, nouvelle illustration de l'excellence des relations entre la Cour et la commission des finances du Sénat, ainsi que de l'utilité de ces auditons pour suite à donner.
Dans quelques semaines, nous procéderons sans doute à des interpellations du Gouvernement pour, dans six mois, faire le point, sur ce que sont devenues nos préoccupations. C'est impératif car c'est ainsi que l'on fait vivre les recommandations résultant des enquêtes de la Cour et des travaux de la commission des finances du Sénat.
Je remercie également le secrétaire général de la défense nationale et ses services, les représentants du Premier ministre. Le secrétaire général du Gouvernement aurait peut-être pu venir mais cette audition ayant lieu un mercredi matin, la concurrence du Conseil des ministres a rendu sa présence impossible.
Je remercie nos rapporteurs spéciaux, le rapporteur général et chacun de ceux qui ont pris part à cette audition.
Nous allons devoir nous prononcer sur la publication de cette enquête ainsi que sur le compte rendu de nos échanges et nos conclusions.
La séance est suspendue.