CHAPITRE 3 - UNE INFLATION SOUS CONTRÔLE ?
Les communiqués de la Banque centrale européenne (BCE) soulignent les risques inflationnistes en zone euro, préparant ainsi des resserrements monétaires qui se succèdent à petits pas. Le présent rapport part d'un diagnostic inverse et s'inquiète des risques de déflation.
Dans ces conditions, tout durcissement de la politique monétaire européenne est considéré comme susceptible d'aggraver dangereusement ce risque.
I. UNE INFLATION MONDIALE SOUS CONTRÔLE
Depuis le début des années 1990, l'inflation a fortement reflué aussi bien dans les pays industrialisés, où les taux fluctuent autour d'une moyenne annuelle de 2 à 3 %, que dans les pays émergents où des progrès remarquables ont été accomplis, qui ont abouti à la stabilisation de l'inflation à des niveaux inférieurs à 10 %. Alors qu'entre 1988 et 1997, les prix ont augmenté en moyenne de 3,4 % par an dans les économies avancées et de 53,5 % dans les pays émergents et en voie de développement, entre 1998 et 2005, leur croissance annuelle a été respectivement de 1,9 % et de 7,1 %.
La maîtrise de l'inflation est d'autant plus remarquable qu'elle s'est effectuée dans un contexte d'une part de forte hausse du prix du pétrole, qui a été multiplié par plus de 4 sur cette période et, d'autre part, d'accélération de la croissance mondiale qui est passée d'une croissance annuelle de + 3,4 % entre 1988 et 1997 à + 3,9 % entre 1998 et 2005. Ainsi, l'augmentation des coûts intermédiaires n'a pas dégénéré en un supplément d'inflation en aval des systèmes productifs, désamorçant le risque d'enclenchement de spirales prix-salaires dans les économies des pays importateurs.
A. LE RÔLE DE LA MONDIALISATION ?
Dans son dernier rapport sur les perspectives de l'économie mondiale 13 ( * ) , le FMI s'est interrogé sur l'influence de la mondialisation sur l'inflation.
L'effet qu'exerce la mondialisation directement sur l'inflation par le jeu des prix à l'importation est généralement faible dans les pays industrialisés. Cela dit, lorsque les capacités inutilisées s'accroissent au niveau mondial (comme ce fut le cas en 1997-1998 pendant les crises financières de l'Asie et en 2001-2002 pendant le ralentissement de la croissance mondiale), la baisse des prix à l'importation a des effets sensibles sur l'inflation pendant un à deux ans, faisant diminuer de plus d'un point l'inflation dans certains pays avancés.
La mondialisation a également contribué à rendre l'inflation moins sensible aux contraintes de capacités intérieures dans les économies avancées au cours des deux dernières décennies En rendant possible l'approvisionnement auprès de concurrents étrangers, la mondialisation permet d'éviter que les tensions sur les capacités de production issues d'un excès de demande ne se traduisent automatiquement par une hausse des prix.
Enfin, la mondialisation a un effet sensible sur les prix relatifs dans les pays industrialisés : c'est dans les secteurs aujourd'hui les plus exposés à la concurrence internationale que la baisse des prix relatifs a été globalement la plus marquée. Cependant, la mondialisation n'est pas le seul facteur à influer sur les prix relatifs. La croissance de la productivité a aussi joué un rôle important, surtout dans les sous-secteurs de haute technologie du secteur de la fabrication et du secteur des services.
A moyen terme, l'intégration commerciale en cours devrait continuer d'exercer une pression à la baisse des prix dans de nombreux secteurs d'activité, même si cette pression se fera sentir avec plus ou moins d'acuité suivant la conjoncture économique. En outre, le commerce international des services devrait se développer, ce qui entraînera une baisse des prix relatifs dans les secteurs concernés.
Certes, la très forte croissance des pays émergents pourra à terme générer des tensions inflationnistes à travers le rattrapage des coûts salariaux sur ceux des pays avancés. Pour autant, les pays émergents sont encore loin de leur potentiel de production. Le CEPII estime ainsi que la Chine dispose actuellement d'un excédent de main d'oeuvre tel qu'il faudra attendre 2015 pour voir apparaître des pressions à la hausse des rémunérations.
* 13 Fonds monétaire international : Perspectives de l'économie mondiale, avril 2006, page 103 et suivantes