PRÉSENTATION DE L'ASSOCIATION FRANÇAISE D'ACTION ARTISTIQUE
L'« Association française d'action artistique » peut se prévaloir d'un long passé puisque sa fondation remonte au 13 novembre 1922, date à laquelle était créée une « Association française d'Expansion et d'Echanges artistiques », ayant pour objet le développement des échanges artistiques internationaux ainsi que la diffusion de la culture française à l'étranger (JO du 21 novembre 1922). Dès le 16 mai 1923, cette association a été reconnue d'utilité publique, et portait depuis le décret du 21 octobre 1935 la dénomination qui a été la sienne jusqu'à la réforme toute récente qui vient d'être engagée.
A la suite de la fusion des ministères des affaires étrangères et de la coopération, l'AFAA a absorbé en 1999 l'association Afrique en créations , chargée de la coopération culturelle avec les pays africains. Ses comptes à partir de l'exercice 2000 sont désormais intégrés dans les comptes de l'AFAA.
Après avoir occupé des locaux au sein du ministère, l'AFAA s'est installée le 25 janvier 1999 au 1 bis, avenue de Villars, dans un hôtel particulier pris à bail. Son actuel président, M. Jacques Blot, a succédé le 2 mai 2006 à M. Robert Lion, lui-même président de l'association depuis le 10 janvier 2000. Depuis le 1 er février 1999, la direction de l'AFAA est assurée par M. Olivier Poivre d'Arvor.
Quant au budget de l'association, ses recettes sont alimentées pour l'essentiel par le versement de crédits publics, provenant pour la plus grande part du ministère des affaires étrangères. Ceux-ci, qui représentaient en moyenne de l'ordre de 80 % des ressources de l'AFAA au cours de la période contrôlée, confirment la nature de service public de nombre des missions de l'association. Ces indications chiffrées traduisent en outre la part longtemps minoritaire du mécénat privé dans le financement de l'association, alors que celle-ci avait été précisément créée en 1922 pour « recueillir la participation de donateurs privés susceptibles de participer à la politique d'échanges culturels ».
I. ORGANISATION STATUTAIRE DE L'AFAA
A. LES LACUNES DU STATUT
Une nouvelle fois la Cour se trouve contrainte de relever que l'AFAA, dont le statut est formellement associatif, ne respecte que de façon approximative les règles, même les plus élémentaires, qui s'appliquent aux associations. Ainsi, l'AFAA n'est pas composée de membres adhérents acquittant une cotisation et constituant l'assemblée générale dont doivent être issus le Conseil d'administration et, éventuellement, le bureau, le directeur n'étant en principe que l'exécutant de ces deux organes.
On ne peut considérer comme des assemblées générales statutairement convoquées conformément au droit des associations au moins une fois l'an pour adopter le compte de résultat et le budget, les réunions de membres cooptés par les deux ministères pourvoyeurs des fonds nécessaires au fonctionnement de l'association. Cet organe aux pouvoirs incertains délibère sur des ordres du jour imprécis. De surcroît il ne donne pas délégation au conseil, ou au bureau dont on a du mal à discerner dans quelles conditions ces deux organes en émanent.
Certes les représentants des administrations qui distribuent les fonds ont cessé d'être majoritaires tant au sein de l'assemblée générale que du conseil. Sur ce point les recommandations antérieures de la Cour ont été suivies d'effet. Mais le fait que les statuts de l'AFAA ne prévoient pas de délégation de pouvoir de l'assemblée au profit du conseil d'administration, ni ne fixent d'ailleurs les attributions de ce dernier vient fragiliser juridiquement toute la pyramide des organes qui sont censés en être issus. Le conseil n'en est pas moins en droit le véritable dépositaire des pouvoirs de l'association. Ce rôle est confirmé par les attributions conférées au bureau désigné en son sein et élu pour un an. Celui-ci est composé d'un président, de trois vice-présidents, l'un choisi parmi les représentants du ministère des affaires étrangères, l'autre parmi ceux du ministère de la culture et le dernier parmi les personnalités qualifiées ; il compte en outre un secrétaire-trésorier.
Les statuts donnent les plus larges pouvoirs au président. Or ceux-ci sont en réalité exercés sans délégation explicite ni du conseil, ni de son président, par le directeur de l'AFAA de sorte que ce dernier dispose, sans qu'il en soit juridiquement doté, de l'autorité véritable sur l'association.
Cette absence de délégation au profit du directeur se retrouve en cascade dans la suite de la dévolution des pouvoirs qui sont exercés sous son autorité : ainsi le secrétaire général, les directeurs et le comptable ne pourront appuyer leur propre autorité sur les délégations requises. Les seuls documents produits par l'AFAA à cet égard ne concernent qu'une délégation de signature du président Robert Lion ainsi qu'une mention concernant les procurations bancaires autorisant le directeur à effectuer toute opération destinée à permettre la gestion du compte.
Dans la réalité, c'est le directeur qui occupe la position maîtresse au sein de l'association. Il est d'ailleurs symptomatique de relever que le président en exercice de l'AFAA, pas plus qu'aucun des membres du conseil d'administration ni surtout aucun membre du bureau, notamment le trésorier, ne disposent avenue de Villars du plus petit espace pour s'installer, se concerter, ou tout simplement déposer les dossiers dont ils peuvent avoir la charge du fait de leurs fonctions au sein de l'association.
Certes, l'AFAA a besoin d'une direction responsable, mais dans des formes qui soient juridiquement encadrées et qui respectent la dévolution des pouvoirs entre ses organes représentatifs. Ces observations ne visent pas à remettre en cause le rôle du directeur, notamment lorsqu'il agit, généralement avec bonheur, en faveur du rayonnement de l'AFAA. Mais ce rôle doit s'exercer en conformité avec les statuts de l'AFAA, selon des règles préalablement définies et en conformité avec les diligences attendues de tout opérateur de l'Etat en matière de transparence et d'évaluation. C'est ce dispositif qu'il conviendra de concevoir et de mettre en place, dans le respect des obligations respectives incombant tant à l'autorité politique investie du pouvoir de fixer les finalités des actions à entreprendre en matière culturelle qu'à la fonction exécutive dont s'acquitte le directeur.
Dans cet esprit, l'incident dont rend compte le procès-verbal du conseil d'administration réuni le 8 octobre 2001 est riche d'enseignement. En effet, M. Hennekine, secrétaire général du ministère, a souhaité que soient inscrites à l'ordre du jour les actions de communication de l'AFAA conformément à une exigence constamment réitérée en raison des critiques suscitées par des déclarations du directeur sur la politique culturelle de notre pays. Ainsi, le directeur de l'AFAA avait dénoncé lors du festival d'Avignon de 2001 « l'absence pétrifiante de moyens » (citation du procès-verbal du conseil d'administration), déclaration reprise « quatre mois après au fil de la presse quotidienne et hebdomadaire ». Or le ministère des affaires étrangères souhaite « une relation loyale entre l'AFAA et sa tutelle, laquelle suppose que l'on se garde de porter des divergences éventuelles sur la place publique ». L'autonomie progressivement acquise par le directeur en l'absence de toute mise en jeu de sa responsabilité et sans qu'il soit appelé à rendre des comptes devant les organes de l'association dont en principe il dépend, constitue une situation anormale à laquelle il importe de remédier au plus vite.
B. LA MODIFICATION ÉVENTUELLE DU STATUT DE L'AFAA
Pour mettre fin aux errements les plus graves relevés dans la gestion de l'AFAA, la Cour, dans son référé du 15 novembre 2004, avait suggéré la transformation de son statut en établissement public industriel et commercial (EPIC). Elle prend acte de l'intention exprimée par le ministère des affaires étrangères, dans une réponse en date du 14 septembre dernier, de constituer effectivement l'AFAA en EPIC, ce projet étant actuellement à l'étude. Quelle que soit en définitive la solution retenue, la Cour estime indispensable que soient mises en place les conditions de la rigueur de la gestion, assurée la prise en compte des finalités de la politique culturelle définie par les ministères qui entretiennent avec l'AFAA des relations conventionnelles et permise la nécessaire autonomie de l'opérateur.
Si l'AFAA a su se montrer dynamique et s'adapter à de nouveaux enjeux, elle souffre en revanche toujours des mêmes travers : absence d'évaluation, embryon de comptabilité analytique, manque de contrôle et carence des procédures. Sur ces différents points le contenu du référé de 2004 conserve toute son actualité et appelle de la part des dirigeants de la nouvelle structure un effort particulier pour éviter que ne se perpétuent les mêmes errements. Si le statut associatif était maintenu, il devrait au moins favoriser le recours au mécénat, qui a pris au cours de ces dernières années une ampleur dont il sera question plus loin.
C. MARGE D'AUTONOMIE DE L'ASSOCIATION
Ce n'est que par un paradoxe apparent que la Cour est conduite à la fois à critiquer la trop grande indépendance de l'AFAA à l'égard de l'administration et l'autonomie excessive dont elle jouit par ailleurs. En effet, d'une part, il lui est apparu que l'association dépendait trop de ses pourvoyeurs en crédits publics et ne disposait pas d'une suffisante liberté d'action dans les domaines où son professionnalisme reconnu devrait lui permettre de jouer pleinement son rôle d'opérateur. D'autre part, la Cour a constaté, à partir d'observations qu'elle développera plus loin, que l'AFAA a tendance à se dégager de certaines des obligations qui lui incombent au regard de l'exécution de la politique culturelle extérieure de la France dont la définition et l'évaluation relèvent de l'Etat et plus précisément des deux ministères auxquels l'AFAA doit rendre compte. Ce faisant, elle échappe à la vigilance nécessaire des départements dont elle est l'opérateur culturel. Ainsi, dans certains cas, la liberté d'intervention de l'association va au-delà de ce qui serait souhaitable, pour être au contraire trop encadrée dans d'autres cas où elle mériterait d'être accordée plus libéralement.
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En définitive, quel que soit le statut retenu, il devra assurer la remontée régulière de l'information vers les donneurs d'ordre, au titre des missions de service public exercées désormais par CULTURESFRANCE, ce qui lui imposera de respecter la nécessité de rendre compte tant aux affaires étrangères qu'à la culture et à la communication des conditions de réalisation des actions programmées dont l'évaluation systématique est indispensable. Enfin, il faudra veiller à encadrer dans des conditions juridiquement incontestables le pouvoir du directeur qui, à ce jour, déborde les limites dans lesquelles devrait en droit s'exercer sa fonction.