b) La question de l'autorisation éventuelle de « machines douces » dans les cafés
Premier pays en Europe pour le nombre de casinos, la France est en même temps l'un des seuls où les machines à sous « douces » (à mises et gains limités) sont interdites en dehors de ces établissements.
Ce n'est pas un hasard !
En effet, le Portugal, qui pratique la même interdiction (avec la Grèce), possède aussi un réseau assez dense de casinos (celui d'Estoril, près de Lisbonne, étant l'un des plus grands d'Europe).
Les machines à sous, dont les casinos, dans les deux pays, ont le monopole, représentent plus de 80 % de leurs recettes au Portugal, 93 % en France.
En Suisse, l'ouverture récente de casinos s'est accompagnée d'une restriction des autorisations, limitées aux seuls jeux d'adresse, des jeux automatiques dans les restaurants (dans lesquels les jeux d'argent sont désormais interdits).
Bien que l'on puisse arguer de ce que les clientèles intéressées ne sont pas les mêmes, il semble donc bien exister une certaine corrélation entre, d'une part, l'interdiction des jeux d'argent dans les bars, restaurants et autres lieux publics et, d'autre part, le nombre et la prospérité des casinos.
Néanmoins, la Belgique, qui possède le même nombre de casinos que le Portugal (soit neuf), autorise les machines à sous ailleurs, dans des salles de jeux automatiques ou des débits de boisson.
Le problème de l'autorisation éventuelle, en France, de machines « récréatives », à mises et gains limités, comme chez tous nos voisins européens, est délicat.
Les débitants de boisson qui la réclament :
- sont actuellement en grande difficulté (beaucoup disparaissent en milieu rural...) ;
- contribuent au maintien d'un lien social dans des zones dévitalisées, tout comme certaines associations qui ont le droit d'organiser des lotos, dans des conditions qui viennent d'être assouplies ;
- peuvent s'estimer défavorisés par rapport aux bars PMU et cafés courses ou aux distributeurs de la Française des jeux. Ces derniers bénéficient, en effet, sous la forme d'un supplément de consommation, de la participation de leurs clients à des jeux (Rapido, paris hippiques...) autorisés au niveau national, alors que tout autre jeu d'argent est prohibé, localement, ailleurs que dans les casinos et se trouve donc interdit aux autres débitants de boisson.
Les arguments d'impossibilité technique opposés à leur demande ne sont pas entièrement convaincants : l'administration parvient bien, par exemple, à contrôler toutes les pompes à essence du territoire et les quelque 19.386 machines à sous qui fonctionnent actuellement dans les casinos.
Comment font, par ailleurs, les pays étrangers (il y a plus de 200.000 machines à sous en Espagne, en Allemagne et en Grande-Bretagne) ?
Une offre et un contrôle informatisés de ce type de jeux semblent, au demeurant, concevables 86 ( * ) .
Un système, sélectif, d'attribution de licences d'exploitation, avec dépôt d'une forte caution, retenue en cas d'irrégularité, et numerus clausus (pas plus de deux machines par établissement, comme en Belgique) serait envisageable.
A tout le moins, de nouveaux jeux d'adresse pourraient être autorisés comme en Suisse.
Mais les opposants à une telle mesure ne manquent pas d'argument. Ils invoquent notamment :
- les abus autrefois constatés (utilisation dévoyée de jeux permettant de gagner des confiseries) ;
- la difficulté (pour l'attribution de licences) d'accorder aux uns ce qu'on refuse à l'autres (mais ce ne serait pas le seul cas : tous les cafetiers, par exemple, ne sont pas buralistes, il faut un agrément...) ;
- la volonté de ne pas mettre les casinos en difficulté (ces derniers, cependant, ne sont pas facilement accessibles à toute la population française) ;
- la preuve ainsi faite de la sincérité de la politique française de canalisation des jeux (toutefois, ce n'est pas l'Etat qui se prive ainsi de recettes car ces dernières devraient plutôt aller aux communes...).
En réalité, l'argument le plus recevable qui milite contre l'autorisation de jeux de hasard et d'argent dans des commerces de proximité est celui du risque d'une accoutumance, ouvrant la voie à la dépendance et à une escalade vers des pratiques plus dangereuses.
Le préjudice éventuel que causerait aux casinos l'autorisation de « machines douces » dans les débits de boisson illustre la sensibilité du secteur des jeux à tout changement dans la législation de la réglementation concernée.
Les décisions de l'Etat et du Parlement français sont souveraines en ce domaine qui relève, clairement, du principe de subsidiarité.
Cela est moins évident pour les autres jeux, notamment pour les jeux à distance, par essence transfrontières.
* 86 En Belgique, vont être mis en place des protocoles de contrôle et de surveillance, par un système informatique approprié, des jeux de hasard dans les casinos et les salles de jeux automatiques de classe II (plus de 150 salles et près de 6.000 machines).