RÉFORME DE L'ETAT :
UN LONG CHEMIN VERS LA MODERNISATION DE LA
DÉPENSE PUBLIQUE
Au cours du premier semestre de l'année 2006, votre commission des finances a engagé un cycle d'auditions sur la modernisation de l'Etat pour juger de ses résultats . Elle a ainsi cherché, d'une part, à suivre les résultats des audits de modernisation lancés par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement et, d'autre part, à tirer un premier bilan des réformes déjà engagées en matière de réforme de l'Etat. Elle a souhaité s'intéresser aux résultats de la réforme de l'Etat, davantage qu'aux objectifs et aux annonces, et se concentrer sur les aspects les plus concrets de la modernisation en cours .
Pour cette raison, s'agissant des audits de modernisation, votre commission des finances a choisi, sur les 17 audits déjà réalisés en mars 2006, de s'intéresser à quatre sujets : le fonctionnement administratif et budgétaire de la police de l'air et des frontières, l'organisation de la garde des centres de rétention administrative, la modernisation du paiement des amendes et la déclaration de l'impôt sur le revenu sur internet. Ces quatre auditions, à la fois des personnes qui les ont réalisés et des responsables chargés de les mettre en oeuvre, ont montré que des améliorations pouvaient être portées au fonctionnement des services.
En ce qui concerne les réformes déjà engagées, votre commission des finances a plus particulièrement examiné la réforme des achats, engagée à Bercy et au ministère de la défense, les partenariats public privé (PPP), en confrontant l'expérience de la mission interministérielle d'appui aux PPP avec celle de ministères gestionnaires, et la gestion de l'immobilier, avec l'audition du nouveau responsable de France Domaine et celle des gestionnaires du Quai d'Orsay. Le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a été entendu sur la rémunération au mérite.
Le cycle s'est achevé par l'audition du nouveau directeur général de la modernisation de l'Etat.
De ces auditions, ainsi que du suivi du processus des audits de modernisation qui a suivi son cours tout au long de l'année, votre commission des finances a tiré la conclusion que la réforme de l'Etat était aujourd'hui en marche , en ce sens qu'un lien avait enfin été réalisé entre la stratégie de modernisation de l'administration et la recherche d'une meilleure gestion des moyens. La réussite actuelle est inséparable de la mise en oeuvre de la LOLF, et d'une démarche de performance de l'administration, ainsi que de la contrainte exercée par une norme de dépense ambitieuse . La contrainte d'une maîtrise globale de la dépense est une incitation forte pour les ministères à moderniser leurs structures et leurs procédures, afin de garantir la poursuite de l'exercice de leurs missions essentielles.
Votre commission des finances se félicite en outre de la méthode poursuivie, qui repose sur la transparence : transparence des constats effectués par les équipes d'audit, transparence des préconisations et... transparence des résultats.
A l'aune de ces résultats, dont tous n'ont pas été révélés avec précision, votre commission des finances formule la conviction que l'organisation retenue pour moderniser l'Etat est la bonne , et qu'elle constitue dorénavant un acquis à préserver quel que soit la nature du futur gouvernement, après 2007. Elle juge que la méthode poursuivie depuis la seconde moitié de la législature - les audits de modernisation - est pertinente et prometteuse, tout en restant perfectible . Les améliorations à mettre en oeuvre sont à la fois de la responsabilité du gouvernement et de celle du Parlement. Comme l'a rappelé M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement, lors de son audition devant votre commission des finances le 4 octobre 2006, « le Parlement dispose avec la LOLF d'un outil de contrôle et d'évaluation qu'il lui faut dorénavant s'approprier. Cet outil de contrôle passe par l'analyse des indicateurs fournis au sein des documents budgétaires par les projets et rapports annuels de performances (PAPs et RAPs), le respect des objectifs soumis devant la représentation nationale devant désormais devenir le critère d'évaluation de l'efficacité d'un ministre, ce qui constitue une rupture avec l'époque où son action était uniquement jugée au vu de la hausse de ses crédits ». Il estime que « les parlementaires se doivent de demander des comptes aux différents ministres quant à leur application des recommandations formulées dans les rapports [de modernisation] ».
Une réserve doit toutefois être formulée . Compte tenu du chiffrage des économies issues des audits de modernisation proposé à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2007 - un potentiel identifié de 3 milliards d'euros de gains de productivité sur une période de trois ans, qui conduirait, par extrapolation, à un volant d'économies sur le segment des dépenses non encore audités de 6 à 7 milliards d'euros repérés d'ici trois ans-, la « réforme de l'Etat à la française » ne permet pas d'envisager de « grand soir » de la dépense publique. Le toilettage en cours des structures et procédures, qui constitue à la fois un processus éminemment souhaitable et jusqu'alors inédit, ne constitue pas un réexamen des missions de l'Etat tel qu'il a été conduit au Canada au cours des années 1990. Dès lors, il ne permettra pas d'absorber complètement l'inflation de la masse salariale, des pensions et de la charge de la dette qui devrait être enregistrée au cours des prochaines années. Touchant la seule administration de l'Etat, il ne permet pas, à ce stade, de réduire le niveau des dépenses publiques, et donc celui des prélèvements obligatoires. Il n'est pas suffisant, à lui seul, pour produire un désendettement des administrations publiques.
L'objectif d'une dépense publique plus modeste au service de tous nos concitoyens reste à atteindre.
I. LA RÉFORME DE L'ETAT EST ENFIN EN MARCHE
Le thème de la réforme de l'Etat constitue un élément ancien du débat public et votre commission des finances ne serait pas fondée à considérer que celle-ci n'a été engagée que depuis 2002 1 ( * ) . Ainsi, se sont succédées depuis de nombreuses années des structures dédiées à la réforme de l'Etat : commissariat à la réforme de l'Etat, fonds pour la réforme de l'Etat etc... Il n'est pas de gouvernement qui n'ait comporté un ministre ayant en portefeuille la réforme de l'Etat. Des efforts en matière de simplification administrative ont été entrepris, des initiatives relatives à l'administration électronique ont été lancées.
Pour autant, nombreux sont les observateurs ayant considéré que la réforme de l'Etat restait à faire. Cette impression s'est quelque peu dissipée au cours de la présente législature.
Un lien - nécessaire - entre réforme de l'Etat et modernisation de la gestion de crédits publics a enfin été réalisé. La notion de « gain de productivité » apparaît désormais clairement : elle est une priorité de la réforme de l'Etat. Un toilettage déterminé de l'appareil administratif français est en cours.
A. LES ACQUIS DE L'ACTUELLE LÉGISLATURE
L'organisation actuelle de la réforme de l'Etat, et la méthode poursuivie, trouvent leur source dans les efforts entrepris par les membres du gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin. Les stratégies ministérielles de réforme (SMR) commandées par le Premier ministre ont été élaborées par les ministères eux-mêmes, dans un objectif d'une plus grande efficience des services de l'Etat. La politique de maîtrise des dépenses publiques a conduit à une prise de conscience salutaire de la nécessité de réduire les coûts des fonctions « support ». Dans le même temps, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie conduisait des actions de « réingéniérie » administrative, sur le modèle du secteur privé.
Un ministre délégué, alors M. Alain Lambert, a de surcroît été chargé de la « réforme budgétaire ». Sous son autorité, une direction, la direction de la réforme budgétaire, a conduit avec les ministères gestionnaires la mise en oeuvre de la LOLF, qui introduit dans la gestion publique deux outils vecteurs de réforme : les objectifs et indicateurs de performance d'une part, la fongibilité des crédits d'autre part.
1. La réforme de l'Etat a trouvé son organisation idoine
Depuis 2005, les compétences liées à la réforme de l'Etat ne sont plus exercées par un ministre délégué auprès du Premier ministre, ou un secrétaire d'Etat, ayant le cas échéant, également dans son portefeuille la « fonction publique », ou un ministre de « plein exercice », mais par le ministre délégué au budget.
A première vue, confier la réforme de l'Etat à un ministre délégué, sous l'autorité du Premier ministre, pouvait sembler pertinente : elle devait asseoir l'autorité du ministre en question, et lui donner une compétence interministérielle. Depuis qu'un ministre « à la réforme de l'Etat » existe, ce scénario idéal ne s'est jamais produit. L'absence de lien avec l'expertise en gestion publique dont dispose le ministère du budget a conduit à une réforme de l'Etat non sans moyens, mais sans réflexion sur l'adéquation des moyens aux objectifs, sans méthode pour obtenir des gains de productivité dans l'appareil administratif, sans procédure d'intéressement des ministères à leurs actions de modernisation.
Conduit de manière pragmatique, le transfert de la réforme de l'Etat du pôle du Premier ministre à celui de Bercy constitue un acquis - à préserver - de l'actuelle législature.
a) Un ministre du budget ministre de la réforme de l'Etat
Le ministre délégué au budget, M. Jean-François Copé, est également chargé de la réforme de l'Etat, et non plus seulement de la réforme budgétaire comme l'était son prédécesseur. D'un certain point de vue, la « réforme budgétaire » a absorbé la « réforme de l'Etat ».
Cette réforme est trop récente pour en tirer un bilan complet. Elle porte toutefois des promesses bien plus fortes que les actions engagées précédemment. Elle permet, en effet, une cohérence des actions engagées et donne à la réforme de l'Etat l'objectif qui lui manquait : assurer aux Français un meilleur service public au meilleur coût . Il paraissait quelque peu paradoxal d'envisager de réformer l'action publique sans en examiner les coûts. L'organisation actuelle crée un lien naturel entre les fonctions de l'Etat et les moyens humains et budgétaires employés.
* 1 Pour un historique des actions déjà entreprises, il convient de renvoyer aux rapports d'information précédents de votre commission des finances : rapport d'information n° 7 (1997-1998) de MM. Philippe Marini et Henri Torre sur la réforme de l'Etat, le rapport d'information de M. Gérard Braun n° 383 (2001-2002) : « Le manque d'ambition du fonds pour la réforme de l'Etat », rapport d'information de M. Gérard Braun n° 348 (2000-2001) : « La réforme de l'Etat à l'étranger ».