D. L'AFFIRMATION PROGRESSIVE DU PARLEMENT ITALIEN DANS LES QUESTIONS EUROPÉENNES

Chacune des deux assemblées possède une commission des affaires européennes. Au Sénat, les membres de la commission pour les politiques de l'Union européenne sont aussi membres d'une autre commission permanente.

Celles-ci ont pour vocation de renforcer l' information du parlement sur les questions européennes mais elles exercent aussi, pour les « projets de loi communautaire » des attributions comparables à celles des autres commissions.

Comme l'a souligné, lors de sa rencontre avec votre délégation, M. Andrea Manzella, président de la commission des politiques de l'Union européenne du Sénat, le parlement, destinataire de tous les documents émanant des instances communautaires, souffrirait aujourd'hui plutôt d'un excès d'information que d'une insuffisance. Il a d'ailleurs indiqué que la commission avait créé une sous-commission pour sélectionner les projets d'actes susceptibles de faire l'objet d'un avis.

Au titre de la fonction d'information qui lui est dévolue, la commission des politiques de l'Union européenne peut aussi entendre, avant la tenue de conseils de l'Union européenne, les ministres concernés par les dossiers à l'ordre du jour. Le règlement de la Chambre des députés lui reconnaît aussi la possibilité d'inviter des membres du Parlement européen ou des représentants de la Commission européenne à rendre compte de leurs actions respectives.

Par ailleurs, il convient de relever que la Chambre des députés dispose à Bruxelles d'un bureau des relations avec l'Union européenne. De même, le Sénat vient de se doter d'un tel dispositif.

La commission des politiques de l'Union européenne de la Chambre des députés donne son avis :

- d'une part, soit, directement, sur les projets d'actes normatifs du gouvernement italien concernant la mise en oeuvre de normes de l'Union européenne, soit sur la compatibilité des projets et propositions de loi aux réglementations européennes ;

- d'autre part, sur les projets d'actes de l'Union européenne.

Les actes émanant des institutions européennes, accompagnés de l'avis de la commission des politiques de l'Union européenne sont renvoyés ensuite aux commissions compétentes qui disposent d'un délai de trente jours pour examiner le texte et présenter leur avis. Mme Franca Bimbi, présidente de la commission des politiques l'Union européenne de la Chambre des députés, a noté que les commissions tardaient parfois à rendre leurs avis dans ce délai.

Outre ces dispositions qui peuvent évoquer la procédure française de l'article 88-4 de la Constitution, le règlement des deux assemblées comporte des mesures originales concernant les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes . Ces arrêts sont en effet renvoyés à la commission compétente et à la commission des politiques de l'Union européenne.

La commission compétente examine l'arrêt dans un délai de trente jours avec la participation d'un représentant du gouvernement et d'un rapporteur désigné par la commission des politiques de l'Union européenne. Elle conclut par un avis portant sur les initiatives et les orientations que les autorités nationales doivent prendre.

Par ailleurs, une loi de 2005 a introduit le principe d'une réserve d'examen parlementaire 191 ( * ) . Au cas où le parlement a engagé l'examen de projets d'actes communautaires transmis par le gouvernement, celui-ci ne peut se prononcer définitivement sur ce projet qu'après avoir recueilli l'avis du parlement. Dans des cas d'une particulière importance, le gouvernement peut de sa propre initiative soulever la réserve d'examen parlementaire et renvoyer le projet d'acte à la Chambre des députés et au Sénat 192 ( * ) . Si les deux assemblées n'ont pas rendu leur avis dans un délai de vingt jours suivant la transmission, le gouvernement peut poursuivre la négociation. Il n'est jamais lié par les positions prises par l'une ou l'autre des deux assemblées.

Par ailleurs, les commissions des affaires européennes exercent, sous réserve de certains aménagements, les compétences traditionnelles des commissions lors de l'examen du projet de loi communautaire .

Ce texte dont le principe a été créé par la loi dite « La Pergola » du 9 mars 1989 193 ( * ) a pour vocation d'adapter l'ordre juridique interne à l'ordre juridique communautaire. A cette fin, le ministre responsable des questions européennes vérifie chaque année, avant le 31 janvier, avec les administrations concernées, la conformité de l'ordre juridique interne aux normes communautaires.

Chaque commission compétente est saisie de la partie de ce projet de loi qui l'intéresse et dispose de quinze jours pour préparer un rapport transmis à la commission des politiques de l'Union européenne. Celle-ci procède à l'examen du projet de loi dans les trente jours qui suivent et conclut par un rapport général auquel sont annexés les rapports des différentes commissions.

Les amendements approuvés par chacune des commissions saisies sont considérés comme acceptés par la commission des politiques de l'Union européenne sauf si elle les repousse au motif qu'ils ne sont pas compatibles avec la règlementation de l'Union européenne.

Parallèlement et, dans les mêmes conditions, la commission des politiques de l'Union européenne examine le rapport annuel sur la participation de l'Italie au processus règlementaire de l'Union européenne.

En pratique, comme le relevait la délégation pour l'Union européenne du Sénat français, le « parlement italien n'intervient dans la transposition que pour les directives qui ne requièrent que quelques corrections législatives ; en revanche, pour les autres directives, il se contente d'autoriser le gouvernement à procéder par décret législatif ou par décret du Président de la République » 194 ( * ) .

La délégation législative n'est limitée que par la « réserve législative absolue » portant sur quelques matières entièrement régies par la loi (liberté individuelle, inviolabilité du domicile, liberté et secret de la correspondance...).

Selon ce rapport, les progrès incontestables accomplis par l'Italie en matière de transposition (la part des mesures non transposées étant passée de 7,6 % à 3,2 % entre 1997 et 2000 - de 7,4 % à 4,5 % sur la même période pour la France) doit moins à ce dispositif qu'à une forte volonté politique.


examen en commission des lois
mardi 24 octobre 2006

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La commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteurs de la mission d'information de la commission sur les parlements de pays européens.

M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur, a indiqué que, depuis la communication entendue par la commission le 31 mai dernier rendant compte des visites déjà effectuées dans les parlements nationaux de plusieurs pays de l'Union européenne, la mission d'information avait effectué un déplacement supplémentaire, en Italie.

Il a rappelé les quatre thèmes de réflexion retenus par la mission d'information : la modernisation des procédures d'examen des textes législatifs, le contrôle de l'action du gouvernement, les droits reconnus à l'opposition et les pouvoirs des parlements nationaux en matière européenne.

Il a souligné que certaines des propositions communes des rapporteurs inspirées des exemples étrangers impliquaient de réviser la Constitution et, partant, dépassaient le cadre d'une simple réforme du règlement, d'autres, plus limitées, se bornant à suggérer une évolution des pratiques. Il s'est félicité de ce que les principaux enseignements de la mission viendraient nourrir la réflexion parallèle engagée par la Conférence des présidents pour moderniser les méthodes de travail du Sénat.

Après avoir noté la grande diversité des systèmes institutionnels des pays visités par la mission d'information, il a relevé que quatre des parlements nationaux étudiés fonctionnaient selon des modalités très proches du modèle français fondé sur le bicamérisme inégalitaire (Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, Pologne), tandis qu'un parlement fonctionnait selon le bicamérisme égalitaire (Italie) et qu'un autre s'inscrivait dans un cadre monocaméral (Finlande). Il a insisté sur l'utilité des déplacements effectués qui avaient permis de nouer des contacts riches avec d'autres parlementaires et de confronter la connaissance théorique des systèmes institutionnels étrangers à la pratique. Il a par ailleurs observé que la mission d'information avait constaté que le cumul des mandats existait dans tous les pays visités, à l'exception de la Pologne, ajoutant que l'instauration du mandat unique en France aurait pour effet de la placer dans une position singulière vis à vis de ses voisins européens.

M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur, a tout d'abord indiqué que la procédure des questions au Gouvernement constituait l'instrument de prédilection de tous ces parlements nationaux pour contrôler l'action gouvernementale, constatant que la plupart organisait quatre séances de questions chaque semaine. A cet égard, il a cité en exemple le Royaume-Uni, précisant, qu'à la Chambre des Communes, plus de 3.500 questions orales avaient été posées au cours de la session 2003-2004 et que le nombre de questions écrites déposées pouvait atteindre 250 par jour. Il a souligné que le parlement, par ce biais, soumettait le Gouvernement à une forte pression.

Il a ensuite évoqué le large pouvoir d'investigation détenu par les commissions de contrôle, notamment au Royaume-Uni, précisant que la Chambre des Communes en comptait dix-huit, lesquelles étaient maîtres de leur ordre du jour et libres de convoquer toute personne. Il a néanmoins ajouté que l'étendue des prérogatives des commissions de contrôle britanniques trouvait sa limite dans le phénomène majoritaire, l'influence très forte des whips, s'agissant en particulier de la nomination des membres de ces commissions, restreignant en pratique fortement l'indépendance de ces organes à l'égard du Gouvernement. Il a également signalé le dynamisme de la procédure espagnole des questions au Gouvernement consistant en un système de question-réponse très bref, ajoutant que le dispositif espagnol avait d'ailleurs inspiré une des propositions de la mission.

S'agissant des droits de l'opposition, M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur, a constaté que tous les pays visités appliquaient le système proportionnel, signalant le rôle très important des groupes politiques dans le fonctionnement des parlements. Il a également signalé que tous les parlements fixaient leur ordre du jour, considérant que le système institutionnel français qui consacrait la maîtrise de l'ordre du jour par le Gouvernement, souffrait en ce domaine d'une grave lacune.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a expliqué que les propositions communes des rapporteurs s'inspiraient directement des systèmes parlementaires des pays visités et constitueraient une utile contribution à la réflexion engagée par la Conférence des présidents sur la réforme des méthodes de travail du Sénat. Il a ajouté que figureraient également dans le rapport de la mission des propositions présentées à titre personnel par chacun des deux co-rapporteurs et qui, contrairement aux propositions communes, ne seraient pas soumises au vote de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur a souhaité, au nom du groupe socialiste, que chacune des propositions communes des rapporteurs fasse l'objet d'un vote séparé de la commission.

Puis, M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur, a présenté les recommandations communes des co-rapporteurs pour renforcer les droits de la minorité et moderniser certains moyens d'intervention du Sénat.

S'agissant du premier volet, il a proposé :

- d'attribuer aux groupes de la minorité, au prorata de leur importance numérique et selon un calendrier fixé sur une année, une partie de l'ordre du jour réservé et de leur donner la faculté de choisir les textes ou les sujets de débat qui seraient inscrits dans ce cadre ;

- de permettre aux groupes de la minorité de présenter une contribution dans le rapport de la commission ;

- d'attribuer alternativement la présidence et la fonction de rapporteur des commissions d'enquête ou des missions d'information à la majorité et à la minorité.

Abordant le deuxième volet, il a suggéré :

- d'instituer un droit d'interpellation en séance publique pour mettre en cause un dysfonctionnement des services placés sous l'autorité du Gouvernement ou des autorités administratives indépendantes ; ce droit pourrait être mis en oeuvre en suivant la procédure de la question orale avec débat ;

- de dédoubler la salle des séances par l'utilisation d'une autre salle afin que puissent s'y tenir, notamment, certains débats ;

- de moderniser la procédure des questions au Gouvernement afin de donner au membre du Gouvernement comme au parlementaire un temps de parole égal qu'il pourrait partager afin de se donner la possibilité de répliquer, tandis que le décompte du temps disponible pourrait s'afficher sur un écran installé dans l'hémicycle ;

- de renforcer les pouvoirs d'investigation des commissions permanentes en leur donnant notamment les moyens humains, matériels et financiers adaptés.

Après avoir rappelé que le champ d'étude de la mission d'information se concentrait sur quatre thèmes et constaté que les parlements nationaux visités connaissaient nettement moins de séances de nuit que le Parlement français, M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a ensuite présenté les sept propositions communes des co-rapporteurs tendant à diversifier et moderniser les modes d'examen des textes de loi, tout en évoquant pour chacune d'entre elles les modèles étrangers les ayant inspirées :

- prévoir un calendrier législatif au moins deux mois à l'avance, toute modification postérieure impliquant l'accord du gouvernement et de la Conférence des présidents ;

- organiser un débat d'orientation en séance publique sur des projets ou propositions de loi avant leur renvoi en commission, éventuellement sous la forme d'une question orale avec débat, et selon un calendrier prévisionnel précis ;

- limiter le nombre de textes pouvant faire l'objet d'une déclaration d'urgence, M. Patrice Gélard, co-rapporteur, faisant également remarquer que davantage d'amendements étaient généralement déposés sur des projets ou propositions de loi pour lesquels l'urgence était déclarée que sur les autres textes ;

- attribuer aux commissions permanentes, sur décision des présidents de groupes représentant les trois quarts des membres du Sénat, la possibilité d'adopter des textes de loi touchant des questions ponctuelles ou techniques, les débats étant dès lors publiés et intégralement retranscrits au Journal officiel. M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a précisé que cette disposition nécessiterait une réforme de la Constitution ;

- prévoir deux temps d'examen du projet ou de la proposition de loi en commission, un examen général du texte, à partir duquel seraient dégagées des conclusions orientant la suite du travail de la commission, suivi d'un examen des propositions du rapporteur, article par article, et qui conduirait à l'établissement de la position de la commission ;

- permettre, après accord des présidents de groupe représentant les trois quarts des membres du Sénat, que la discussion des projets de loi déposés en premier lieu au Sénat porte sur le texte adopté par la commission compétente. M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a estimé que cette proposition pourrait éventuellement être conforme à l'article 42 de la Constitution, en vertu duquel « la discussion porte, devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le gouvernement », si une discussion générale en séance publique était organisée avant le renvoi en commission ;

- étendre, sur décision des présidents de groupe représentant les trois quarts des membres du Sénat, la limitation du nombre d'explications de vote à une par groupe, une demande de clôture de la discussion ne pouvant dès lors plus être présentée.

Après avoir constaté que les parlements nationaux des pays européens étudiés, en particulier la Finlande, examinaient plus profondément et attentivement les textes européens et de transposition qui leur étaient soumis, M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a présenté les recommandations communes des co-rapporteurs tendant à renforcer la réactivité des commissions par rapport aux avis de la délégation pour l'Union européenne.

Il a proposé :

- d'ériger la délégation pour l'Union européenne en comité pour l'Union européenne ;

- de fixer un délai, éventuellement reconductible, pour l'examen par la commission compétente de la résolution présentée par la délégation pour l'Union européenne, celle-ci devenant résolution du Sénat dans l'hypothèse où le délai ne serait pas respecté ;

- de consacrer et d'étendre le principe de la réserve d'examen parlementaire impliquant que le gouvernement ne puisse prendre position sur les points importants d'un projet d'acte communautaire avant de connaître la position du parlement.

M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur, a ensuite présenté ses propositions personnelles de modifications du règlement du Sénat.

Estimant que le Sénat siège trop, les séances étant trop longues et les séances de nuit trop fréquentes, qu'il n'assure pas sa fonction de contrôle de l'action gouvernementale dans des conditions satisfaisantes, et qu'il ne suit pas d'assez prêt la politique européenne de la France, ni même les transcriptions du droit communautaire en droit français, il a tout d'abord affirmé qu'il conviendrait :

- de revenir effectivement aux prescriptions de la session unique, en ne prévoyant pas de séances plénières du vendredi au lundi inclus, sauf examen budgétaire, et en limitant les séances de nuit, soit en durée, soit en nombre, soit les deux ;

- de gagner du temps sur la durée des séances en jouant sur le temps de parole en séance publique, par une réforme qui, devant faire l'objet d'un large accord préalable des sénateurs, élargirait le pouvoir des commissions en allant notamment jusqu'au possible vote de certains textes directement par les commissions ;

- de faire en sorte que l'opposition obtienne certaines garanties, dont la première serait de faire de l'application de la proportionnelle la base de fonctionnement du Sénat à tous les niveaux.

Il a également estimé que les droits de l'opposition ne seraient véritablement assurés qu'à trois conditions dépassant le cadre de la mission, à savoir la modification significative du mode d'élection des sénateurs par un élargissement de la proportionnelle et du corps électoral afin de permettre une alternance, le changement du mode de désignation des membres du Conseil Constitutionnel qui pourraient être désignés par le Parlement à la majorité qualifiée, et la possibilité pour le Sénat de disposer de la maîtrise de son ordre du jour.

Pour diversifier et moderniser les modes d'examen des textes de loi, il a suggéré que :

- le temps à répartir dans la discussion générale inclue le temps de parole de tous les parlementaires, y compris des rapporteurs ;

- que l'ordre du jour soit fixé par les présidents de groupe représentant les trois quarts des membres du Sénat et en présence du représentant du Gouvernement ;

- que la délégation pour l'Union Européenne, érigée en commission, obtienne le pouvoir de voter les projets de loi de transposition après avis de la commission spécialisée compétente.

En matière de garantie des droits de la minorité, il a suggéré, d'une part, que les membres du bureau et présidents de délégation soient désignés à la proportionnelle intégrale et automatique, la Conférence des présidents prenant acte du rapport de force entre les groupes et de la répartition qui en résulte, leur laissant également le soin de désigner leur représentant, le ou les noms proposés par les groupes étant validés après simple affichage dans le Palais, et, d'autre part, qu'une présidence de délégation soit attribuée à l'opposition.

Afin de moderniser les procédures de contrôle dont dispose le Sénat, M. Jean-Claude Peyronnet, co-rapporteur, a recommandé que :

- le nombre de commissions permanentes soit augmenté, en suivant notamment le modèle britannique, afin de mieux contrôler l'action gouvernementale et que la délégation pour l'Union européenne soit érigée en commission ;

- les commissions existantes ou une commission créé à cet effet examinent l'opportunité de certains projets ou propositions de loi ;

- le Parlement soit plus impliqué dans le processus d'élaboration de la loi, en obligeant le gouvernement à le saisir des avant-projets de loi, la Conférence des présidents saisissant la ou les commissions permanentes et se prononçant ensuite sur leurs conclusions ;

- le pouvoir de contrôle des commissions soit accru et qu'il ne se limite pas au seul examen de la mise en oeuvre de la loi de finances, ce contrôle permanent supposant l'audition obligatoire, non seulement des ministres mais également des hauts fonctionnaires.

M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a ensuite présenté à son tour ses propositions personnelles de modifications du règlement du Sénat.

Constatant que le parlement français était celui qui consacrait le plus de temps à l'adoption de la loi et à la discussion des amendements en séance publique, il a tout d'abord suggéré, s'agissant de la diversification et de la modernisation des modes d'examen des textes de loi, que :

- la discussion générale soit réduite à une ou deux heures, sauf avis contraire des présidents de groupe représentant les trois quarts des sénateurs ;

- la présentation des amendements soit limitée à deux minutes trente ;

- les explications de vote soient limitées, soit à un temps global pour l'ensemble du texte par groupe, soit à une intervention par amendement et par groupe, limitée à deux minutes trente ;

- les amendements ou les propositions déclarées irrecevables en séance publique par la commission compétente, soit pour violation de la Constitution, soit pour violation de l'article 40, soit pour caractère non normatif ou sans rapport avec le texte, ne puissent pas faire l'objet de discussion à moins qu'un groupe ne demande un vote sur leur nécessité ;

- les amendements déjà refusés par les deux chambres en première lecture ne soient plus déposés en seconde lecture, sauf demande du Gouvernement ou de la commission saisie au fond ;

Il a également recommandé au Gouvernement de faire des textes plus courts et de renoncer à déposer des amendements en séance ou en seconde lecture.

Ne souhaitant pas faire d'autres propositions que celles présentées conjointement avec M. Jean-Claude Peyronnet pour mieux garantir les droits de la minorité et moderniser les procédures de contrôle parlementaires, M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a indiqué que les temps de parole des parlementaires étaient moins encadrés en France qu'à l'étranger et estimé que, tout en disposant des moyens de contrôle nécessaires, le Sénat n'exerçait qu'insuffisamment ses attributions en la matière, en raison du temps consacré au travail strictement législatif.

S'agissant du traitement des questions européennes, il a proposé :

- de reconnaître que l'élaboration des normes communautaires relève d'une logique différente de celle applicable à l'élaboration des autres normes internationales et, en conséquence, de confier au Parlement, dans la Constitution, un plus grand rôle dans le domaine européen ;

- de mettre en place les structures de veille prévues dans le projet de constitution européenne permettant aux parlements nationaux, d'une part, de se prononcer par un avis sur la conformité des projets d'actes européens au regard du principe de subsidiarité (procédure dite du « carton jaune ») et, d'autre part, le cas échéant de saisir directement la Cour de justice des Communautés européennes, d'actes européens définitivement adoptés qui seraient contraires au principe de subsidiarité (procédure dite du « carton rouge ») ;

- d'améliorer les structures relationnelles entre les commissions et les délégations.

M. Patrice Gélard, co-rapporteur, a conclu la présentation des propositions de la mission d'information en insistant sur l'intérêt des monographies qui seraient consacrées dans le rapport à chacun des systèmes institutionnels étudiés, le droit parlementaire comparé étant à ce jour très peu développé.

Après avoir estimé que la réforme du règlement du Sénat devrait être décidée dans le cadre de la Conférence des présidents et ne pourrait aboutir qu'avec un consensus obtenu entre tous les groupes politiques, Mme Nicole Borvo a indiqué que, tout en saluant le travail de la mission d'information, le groupe communiste, républicain et citoyen ne pourrait approuver l'ensemble des propositions des rapporteurs et ne prendrait pas part au vote.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que la commission des lois avait créé cette mission d'information avant que la Conférence des présidents ne décide d'engager un travail de réflexion sur le règlement du Sénat et que la conférence avait entendu une première fois les co-rapporteurs et serait destinataire des propositions communes adoptées par la commission.

M. Pierre-Yves Collombat a d'abord estimé souhaitable de consacrer davantage de temps, en séance publique, à la discussion générale et moins à l'examen, plus technique, des amendements. Il a ajouté que tout projet ou proposition devrait être accompagné d'une étude d'impact comportant un volet financier et d'une évaluation de la législation actuelle ainsi que d'une analyse des exemples étrangers comparables. Il a défendu par ailleurs le droit pour chaque parlementaire de s'exprimer même s'il est en désaccord avec son propre groupe politique. Il a noté à cet égard que le vote à bulletin secret pourrait être envisagé pour certaines catégories de votes. Il a jugé nécessaire que le Parlement pèse davantage et encore plus en amont dans le traitement des questions européennes. Il a conclu en estimant que, à la lumière des exemples étrangers, le bicamérisme à la française conciliait de la manière la moins insatisfaisante le principe de légitimité et de compétence ; en effet l'existence d'une deuxième chambre ne se justifiait que si elle procédait d'un mode d'élection spécifique : ainsi, dans la mesure où le Sénat français représentait les élus locaux, il avait toute légitimité pour intervenir dans le domaine des collectivités territoriales.

M. Michel Dreyfus-Schmidt s'est d'abord étonné que les commissions permanentes n'aient pas tiré parti, avant l'instauration de la session unique, de la suspension des travaux parlementaires pour étudier plus en amont les textes de loi soumis à l'examen du Sénat. En outre, il a demandé aux co-rapporteurs s'ils avaient pu examiner les trente-huit propositions d'amendements qu'il avait présentées, à l'occasion de la dernière révision du règlement du Sénat, en mai 2004.

M. Patrice Gélard a rappelé que ces propositions n'avaient pu être examinées en 2004 le Sénat ayant souhaité alors, faute d'un accord entre les groupes politiques sur une réforme d'ampleur du règlement, s'en tenir à des modifications limitées. Il a indiqué, en revanche, que ces amendements pourraient, si leur auteur le souhaitait, être transmis par l'intermédiaire de la présidence du groupe socialiste à la Conférence des présidents.

M. Christian Cointat a observé que les modifications proposées par les co-rapporteurs s'inscrivaient dans un exercice contraint par le contexte institutionnel français, caractérisé notamment par la maîtrise de l'ordre du jour par le Gouvernement. Il a estimé que certaines de ces recommandations pourraient conduire à rallonger encore le temps passé en séance publique, contrairement à l'objectif poursuivi. Il a marqué en revanche son accord avec la nécessité de renforcer le rôle des commissions, notamment à travers l'organisation d'un débat d'orientation sur un texte de loi. Il a également souhaité que des droits soient reconnus à la minorité, y compris au sein d'un groupe appartenant à la majorité, et pas seulement à l'opposition. Il a jugé à cet égard utile la proposition d'attribuer alternativement la présidence et la fonction de rapporteur des commissions d'enquête ou des missions d'information à la majorité et à la minorité. Par ailleurs, il a appelé de ses voeux, à l'instar des co-rapporteurs, un renforcement des moyens d'investigation des commissions. M. Christian Cointat a estimé que d'une manière générale, l'opposition s'exprimait davantage au Sénat que la majorité. Il a souhaité en outre que, comme à l'Assemblée nationale, les rapporteurs d'un texte de loi puissent assurer le contrôle de son application après adoption. Il a approuvé les différentes dispositions suggérées par les rapporteurs pour renforcer le rôle du Parlement en matière européenne.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé que, de longue date, le Sénat assurait un contrôle de l'application des lois sous la forme d'un rapport annuel établi par l'ensemble des commissions du Sénat ainsi que de rapports d'information comme ceux que la commission des Lois élaborait régulièrement sur des sujets de son choix.

M. Jean-Pierre Sueur a indiqué que le groupe socialiste s'était longuement concerté sur les propositions des co-rapporteurs et qu'il avait rejeté certaines des dispositions qui impliquaient une réforme de la Constitution ou mettaient en cause d'une manière générale le droit d'amendement et le droit d'expression. Le groupe avait approuvé, en revanche, onze propositions sur les dix-sept présentées par MM. Patrice Gélard et Jean-Claude Peyronnet :

- la mise en place d'un calendrier législatif au moins deux mois à l'avance ;

- l'organisation d'un débat d'orientation en séance publique sur des projets ou propositions de lois ;

- la limitation du nombre de textes pouvant faire l'objet d'une déclaration d'urgence ;

- le droit réservé à l'opposition de disposer d'une partie de l'ordre du jour réservé et d'en déterminer le contenu ;

- la possibilité donnée aux groupes de la minorité de présenter une contribution dans le rapport de la commission ;

- l'attribution alternative de la présidence et de la fonction de rapporteur des commissions d'enquête ou des missions d'information à la majorité et à la minorité ;

- l'institution d'un droit d'interpellation en séance publique ;

- la modernisation de la procédure des questions au Gouvernement avec en particulier la possibilité d'un droit de réplique ;

- le renforcement des moyens d'investigation des commissions permanentes ;

- le choix de dénommer la délégation pour l'Union européenne « comité pour l'Union européenne » ;

- la consécration et l'extension de la réserve d'examen parlementaire.

M. Jean-Pierre Sueur s'est déclaré réservé à titre personnel sur l'élaboration d'études d'impact par le Gouvernement dont l'objectivité ne lui a pas paru assurée, estimant préférable l'organisation de débats d'orientation sur certains textes avant le renvoi en commission.

M. Yves Détraigne a souhaité qu'une réflexion s'engage sur les modalités de vote en séance publique qu'il a jugées, en l'état, peu satisfaisantes. Il s'est demandé en outre quelle serait la différence entre le droit d'interpellation que les co-rapporteurs proposent d'instituer et l'actuel rappel au règlement. Enfin, il s'est interrogé sur les motifs de la proposition tendant à dédoubler la salle des séances.

M. Patrice Gélard a précisé que le droit d'interpellation avait pour objet de mettre en cause un dysfonctionnement soit d'un service placé sous la responsabilité du Gouvernement soit d'une autorité administrative indépendante.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé que les co-rapporteurs suggéraient que cette proposition soit mise en oeuvre selon des modalités analogues à celles retenues pour les questions orales avec débat.

M. Jean-Claude Peyronnet a relevé que la Chambre des Communes au Royaume-Uni avait choisi de dédoubler la salle des séances afin de permettre la tenue parallèle de débats au sein de l'assemblée. Il a indiqué qu'en Espagne, chaque député disposait d'un ordinateur dans l'hémicycle.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que le problème de l'absentéisme parlementaire se posait également dans d'autres pays européens et que plusieurs d'entre eux avaient choisi de concentrer tous les votes sur un texte au cours d'une seule et même séance afin de permettre la participation la plus large des parlementaires.

M. François Zocchetto a estimé que les déplacements auprès des parlements d'autres pays européens avaient permis de nouer des contacts très utiles et il a formé le voeu que la mission de la commission puisse se poursuivre au cours de la présente session. Transposant au travail parlementaire le principe de subsidiarité, il a noté qu'il importait de traiter au niveau de la commission le plus grand nombre de questions afin d'alléger le travail en séance publique. Il a insisté sur la nécessité de garantir les droits d'expression des minorités, y compris lorsque celles-ci appartiennent à la majorité de l'assemblée. Par ailleurs, il a jugé nécessaire de mieux articuler le processus législatif national avec la procédure d'élaboration des normes européennes. S'il a estimé possible de réduire la durée des explications de vote, il s'est opposé en revanche à la proposition de limiter ces dernières à une par groupe. Il a également indiqué qu'il n'était pas favorable au dédoublement de la salle des séances, observant que le renforcement du rôle des commissions, comme le préconisaient les co-rapporteurs, devait logiquement contribuer à résoudre le problème d'engorgement auquel peuvent se trouver confrontés les travaux dans l'hémicycle. Il a indiqué enfin qu'il souscrivait à toutes les recommandations présentées à titre personnel par M. Patrice Gélard et à une grande partie de celles de M. Jean-Claude Peyronnet, même si beaucoup de ces dernières semblaient dépasser le cadre fixé par la mission.

M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que la mise en oeuvre de plusieurs des mesures qu'il s'agisse de la mise en place d'un calendrier législatif prévisionnel, de l'organisation d'un débat d'orientation en séance publique ou encore de la limitation du nombre de déclarations d'urgence, proposées par les co-rapporteurs restait conditionnée aux prérogatives du Gouvernement. Il a indiqué que s'il était favorable à la nouvelle désignation proposée par les co-rapporteurs pour la délégation du Sénat à l'Union européenne, il était en revanche très réservé sur la disposition selon laquelle une proposition de résolution de la délégation à l'Union européenne qui ne serait pas examinée par la commission dans le délai imparti, deviendrait résolution du Sénat. Il a noté en effet que les délais dans lesquels les commissions pouvaient se prononcer étaient très variables selon les textes envisagés et le contexte de la négociation.

M. Christian Cointat a pour sa part indiqué que l'efficacité du dispositif proposé pour l'examen des propositions de résolution de la délégation impliquait que ces dernières puissent devenir propositions du Sénat au terme du délai prévu.

A l'issue du débat, la commission a adopté les propositions des co-rapporteurs à l'exception de trois dispositions. Elle a rejeté le principe d'une limitation des explications de vote à une par groupe. Elle s'est également opposée à la possibilité de dédoubler la salle des séances. Enfin, si elle a accepté le principe d'un délai pour l'examen des propositions de résolution présentées par la délégation pour l'Union européenne, elle n'a pas retenu le principe selon lequel, dans l'hypothèse où ce délai ne serait pas respecté, la proposition deviendrait proposition du Sénat.

M. Patrice Gélard co-rapporteur, a indiqué qu'il reprendrait dans ses propositions personnelles le dédoublement de la salle des séances -la limitation des explications de vote y figurant d'ores et déjà sous une autre forme.

* 191 Loi 11/2005.

* 192 Le gouvernement a recouru à ce dispositif à propos du projet de création d'une agence européenne pour les droits fondamentaux.

* 193 Loi du 9 mars 1989 sur la participation de l'Italie au processus d'élaboration des normes communautaires et sur la procédure d'exécution de ses obligations communautaires.

* 194 M. Hubert Haenel, La transposition des directives communautaires, rapport d'information n° 182 (2000-2001) fait au nom de la délégation pour l'Union européenne.

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