V. L'ALLEMAGNE : DES SPÉCIFICITÉS LIÉES AU FÉDÉRALISME, DES MÉTHODES DE TRAVAIL TÉMOIGNANT D'UN PARLEMENT PUISSANT
Régie par la Loi fondamentale du 23 mai 1949, l'organisation du bicamérisme allemand, constitué par le Bundestag et le Bundesrat, est influencée par la nature fédérale de l'Etat allemand. Seul organe constitutionnel élu directement par le peuple allemand, le Bundestag ou « diète fédérale » est la chambre basse devant laquelle le gouvernement fédéral est responsable.
Depuis novembre 2005 , le gouvernement de « Grande coalition » entre les formations de centre droit CDU-CSU ( Christlich Demokratische Union Deutschlands Christlich-Soziale Union in Bayern ) et le parti social-démocrate SPD ( Sozialdemokratische Partei Deutschlands), dirigé par Mme Angela Merkel, est soutenu par une écrasante majorité des députés (448).
A. UNE PROCÉDURE PARLEMENTAIRE COMPLEXE MAIS EFFICACE FONDÉE SUR LA RECHERCHE PERMANENTE DU COMPROMIS
1. Des complexités liées au fédéralisme allemand
Une répartition des compétences législatives rigoureuse entre Fédération et Länder
Le domaine de la loi fédérale est vaste mais réglementé. Les Länder ont le droit de légiférer lorsque la Loi fondamentale ne confère pas à la Fédération un tel droit 147 ( * ) . Le droit fédéral prime sur le droit des Länder. Prévues à l'article 73 de la Loi fondamentale, les compétences législatives exclusives de la Fédération sont étendues (affaires étrangères, défense, nationalité, liberté de circulation, immigration, monnaie, police criminelle). Les Länder ne peuvent pas légiférer sur ces matières sauf si une loi fédérale les y autorise expressément.
Dans les domaines où les Länder ont une compétence législative concurrente de celle de la Fédération (droit civil ; droit pénal ; état-civil ; droit du travail ; politique sanitaire...), ils ont le pouvoir de légiférer aussi longtemps et pour autant que la Fédération n'a pas fait usage de sa compétence législative.
L'intervention de cette dernière n'est alors possible que si elle est nécessaire pour « la réalisation de conditions de vie équivalentes sur le territoire fédéral ou la sauvegarde de l'unité juridique ou économique dans l'intérêt de l'ensemble de l'Etat ». A l'inverse, une loi fédérale peut décider d'autoriser le remplacement d'une réglementation législative fédérale qui n'est plus nécessaire par le droit d'un Land.
Enfin, les Länder ont une compétence exclusive en matière d'éducation, de police (sauf criminelle), de culture ou encore d'urbanisme.
Le Bundesrat, une seconde chambre « pas comme les autres », dont l'avis est déterminant pour le gouvernement fédéral
Même s'il ressemble à une chambre haute, le Bundesrat ne peut être considéré strictement comme tel. Il est le représentant des membres des gouvernements des 16 Länder, états fédérés, et des trois villes libres (Berlin ; Brême ; Hambourg) qui composent la République fédérale. « Par l'intermédiaire du Bundesrat, les Länder concourent à la législation et à l'administration de la Fédération et aux affaires de l'Union européenne » (article 50 de la Loi fondamentale).
Ses membres (au nombre de soixante neuf), qui ont le rang de ministres, sont nommés et révoqués par les Länder dont ils assurent la représentation.
Ainsi, au regard des thèmes de réflexion de la mission, le Bundesrat apparaît comme une assemblée atypique où la recherche d'un statut de l'opposition (ou minorité) n'a pas de sens. Il n'y existe pas de groupe parlementaire en tant que tel.
Comme l'ont rappelé à la mission Mme Kiessler et MM. Freund, Gibowski et Reinhardt, respectivement ministres de la ville de Brême et des Länder de Mecklembourg-Poméranie occidentale, de Basse-Saxe et de Bade-Wurtemberg et membres du Bundesrat, l'opposition fédérale a pu tenter d'influencer la politique gouvernementale par son action au Bundesrat lorsqu'elle était majoritaire. Ainsi, pendant la plus grande partie de la coalition sociale-libérale ou de 1999 à 2005, la CDU-CSU, majoritaire au Bundesrat, a pu retarder temporairement certaines initiatives du gouvernement. Il en a été de même pour le SPD à l'encontre du gouvernement Kohl, de 1991 à 1997.
Mais cette grille d'analyse en termes de majorité et d'opposition fédérales n'a qu'un intérêt limité pour comprendre les prises de position des membres du Bundesrat, qui n'est pas au sens strict une assemblée politique . Ceci est d'autant plus vrai que la composition et les majorités du Bundesrat varient rapidement en raison de la fréquence des élections dans les Länder. Le Bundesrat se veut avant tout le garant des intérêts des Länder lorsqu'il examine les textes législatifs et contrôle l'action du gouvernement fédéral.
Par ailleurs, formellement, le Bundesrat dispose de peu de moyens de contrôle (obligation pour les ministres fédéraux de participer aux débats du Bundesrat pour répondre à ses questions ; rapports annuels du ministre des finances pour obtenir quitus de sa gestion...), n'utilise que très rarement son droit de questionner les membres du gouvernement en séance plénière et n'a pas instauré d'« heure des questions » ni de procédure d'interpellation.
En revanche, la nature fédérale de la démocratie allemande impose une coopération permanente entre le gouvernement fédéral et les Länder. Cette coopération a lieu principalement par l'intermédiaire du Bundesrat , qui en est l'instrument privilégié selon la Loi fondamentale en tant que représentant des Länder dont le rôle institutionnel est incontournable.
La procédure parlementaire d'examen des textes législatifs comporte quelques caractéristiques qui reflètent le rôle déterminant du Bundesrat :
- l'initiative des lois : tout comme le Bundestag et le gouvernement fédéral, le Bundesrat a l'initiative des lois . Il peut ainsi déposer au Conseil des ministres un texte législatif recueillant l'accord de la majorité des Länder. Le gouvernement fédéral est cependant en pratique à l'origine des deux tiers de la législation. Toutefois, les parlementaires sont souvent impliqués dans la rédaction des projets de loi gouvernementaux (voir A, 2). Les propositions de loi émanant du Bundestag doivent être signées par un groupe parlementaire ou 5 % des membres du Bundestag (formellement, les projets de loi décrivent le problème considéré puis la solution qu'ils préconisent, examinent d'éventuels projets alternatifs ainsi que les répercussions financières de leur adoption) ;
- le Bundesrat est le premier à émettre ses observations sur les textes : le Bundesrat est toujours le premier à donner son avis sur les projets législatifs 148 ( * ) afin que les positions des Länder sur une réforme soient prises en considération le plus tôt possible 149 ( * ) par le gouvernement fédéral. Il dispose de délais serrés pour examiner les projets de loi ou les propositions venues du Bundestag (6 semaines en principe, 3 semaines en cas d'urgence invoquée par le gouvernement fédéral). Son avis sur le texte est transmis dans les 6 semaines au Bundestag et au gouvernement fédéral ;
- le bicamérisme allemand est inégalitaire en faveur du Bundesrat, qui dispose, au nom des Länder, d'un véritable pouvoir de codécision et de veto sur certaines lois, qu'il doit approuver explicitement : lois portant modification de la Constitution (approuvées à la majorité des deux tiers par les deux chambres) ; lois mettant en cause les recettes fiscales des Länder ou relatives à leur souveraineté administrative ; transferts de souveraineté à l'Union européenne.
Son rôle s'est accru car il a réussi à imposer une conception extensive de ce veto : son accord est nécessaire pour l'adoption d'un texte dont une seule disposition a un caractère fédératif et pour toute modification d'une loi adoptée avec son approbation. Plus de la moitié des textes législatifs sont concernés ;
- enfin, le Bundesrat a un rôle essentiel après le vote de la loi : il doit examiner et approuver la plupart des décrets d'application des lois .
2. Une procédure législative fondée sur la recherche du compromis
Les prérogatives importantes du parlement allemand et le droit de veto accordé au Bundesrat se traduisent dans la procédure d'examen des textes législatifs par un souci permanent du compromis.
En amont du dépôt des projets de loi, les commissions parlementaires sont souvent « co-rédactrices » des projets de loi gouvernementaux
Ayant un contact permanent avec les ministres aux compétences homologues, les commissions permanentes exercent un suivi continu de leurs décisions et sont en pratique consultées par eux sur l'objectif et le contenu des projets de loi gouvernementaux envisagés : ainsi, en amont du dépôt des textes au parlement, les députés peuvent être « co-rédacteurs » de textes gouvernementaux , ce qui leur permet d'exclure des mesures qu'ils jugent inopportunes mais peut limiter leur activité de contrôle a posteriori.
Au sein de chaque chambre, la fixation de l'ordre du jour résulte de décisions consensuelles
Le Bundestag et le Bundesrat décident de la clôture et de la reprise de leurs sessions.
Au Bundestag, chaque parlementaire dispose ainsi pour toute l'année d'un programme où sont indiquées les séances du Bundestag et du Bundesrat. Le Comité des doyens 150 ( * ) fixe le calendrier des travaux et l'ordre du jour par consensus . Toutefois, le Bundestag peut être aussi convoqué plus tôt à la demande du président fédéral, du chancelier ou d'un tiers de ses membres. De plus, les projets de loi considérés comme urgents par le gouvernement fédéral doivent être inscrits à l'ordre du jour de la prochaine séance s'il en fait la demande.
L'accord des groupes du Bundestag, qui rassemblent au moins 5% de ses membres, est nécessaire dans toutes les décisions concernant l'organisation du Bundestag (désignation des présidents de commission) et la procédure d'examen des textes (initiative législative ; groupes de travail thématiques examinant les textes ; forte discipline de vote). Le bon fonctionnement du Bundestag est, plus généralement, subordonné à la coopération permanente de ces formations.
Des règles d'examen des textes favorisant les compromis entre le Bundestag et le Bundesrat
A l'issue du premier examen au Bundesrat, chaque projet de loi est ensuite transmis au Bundestag, qui l'examine en trois lectures : lors d'une première lecture qui a lieu en séance plénière, un débat général a lieu sur les textes présentant un intérêt particulier ou de grande importance politique , si le Comité des doyens ( Ältenstenrat ), un groupe parlementaire ou 5% des députés l'ont demandé. L'objectif principal de ce débat est de présenter le texte et ses enjeux, ainsi que le point de vue des principales formations politiques, à la presse et à l'opinion.
A l'issue de ce débat, dans des cas exceptionnels (texte simple et consensus politique), le Bundestag peut décider le passage à la deuxième lecture sans renvoi en commission.
Mais, en principe, le projet de loi est toujours soumis à la commission permanente compétente , qui va l'examiner au fond. Elle a le devoir de recommander au Bundestag une décision sur le texte (adoption avec ou sans modification ou rejet).
Ensuite , le texte est examiné en seconde lecture par l'assemblée plénière. En pratique, la troisième lecture du texte, au cours de laquelle a lieu le vote final sur ce dernier, suit immédiatement avec ou sans débat . En général, l'approbation du texte à la majorité des deux tiers est requise 151 ( * ) .
Les textes de loi sont ensuite à nouveau transmis au Bundesrat qui vérifie si son avis a été pris en compte. En cas de désaccord, dans un délai de 3 semaines, le Bundesrat demande la convocation d'une commission de médiation ( Vermittlungsausschuss ), composée de 16 membres du Bundestag et de 16 membres du Bundesrat (un membre par Land). Lorsque le texte nécessite l'approbation du Bundesrat, le Bundestag et le gouvernement fédéral peuvent également être à l'origine de cette convocation 152 ( * ) .
Afin de faciliter les compromis, les représentants des Länder ne sont pas liés par les instructions de leur gouvernement et les réunions sont strictement confidentielles (les procès-verbaux de ces réunions ne pouvant être consultés que deux législatures plus tard) ;
Après la réunion de la commission de médiation, le Bundestag donne son avis sur les propositions de la commission de médiation (quatrième lecture). De là, deux cas sont possibles :
- la loi ne requiert pas l'approbation du Bundesrat : dans un délai de deux semaines, le Bundesrat déclare accepter le texte ou peut faire opposition à son adoption à la majorité des voix ou à la majorité des deux tiers.
Alors, sur une motion présentée par un groupe parlementaire ou trente et un députés, le Bundestag peut surmonter cette opposition (cinquième lecture), dans le premier cas, à la majorité absolue de ses membres et dans le second cas, à la majorité doublement qualifiée (majorité des deux tiers des votants qui doit représenter au moins la moitié de l'effectif des députés). Ces majorités, difficiles à obtenir, confèrent donc à la position du Bundesrat une certaine force . Lorsque l'opposition du Bundesrat est levée, la loi est réputée adoptée et peut entrer en vigueur ;
- la loi requiert l'approbation du Bundesrat : si le Bundesrat refuse l'adoption du texte, la procédure législative échoue car ce refus a l'effet d'un veto absolu.
Enfin, la loi est signée par le Président de la République fédérale, avec le contreseing du ministre compétent et du chancelier fédéral, puis publiée au Journal officiel.
La réforme en cours du fédéralisme doit permettre de raccourcir le temps d'examen des textes en diminuant le droit de veto du Bundesrat
Selon Mme Kiessler et MM. Freund et Gibowski, rencontrés par la mission, la répartition des compétences entre Fédération et Länder est parfois difficile à appliquer , en particulier lorsque les lois des Länder sont en contradiction avec des engagements pris par le gouvernement fédéral. En pratique, le Tribunal constitutionnel suprême est souvent amené à trancher.
Par ailleurs, selon les interlocuteurs précités, le veto ex ante du Bundesrat et la nécessité pour le gouvernement fédéral de trouver un accord avec lui ont souvent ralenti l'adoption des réformes attendues par l'opinion .
C'est pourquoi une réforme du fédéralisme , tendant à mieux délimiter les compétences respectives de la Fédération et des Länder et à accélérer les procédures de décision, envisagée depuis deux ans, a été adoptée le 30 juin au Bundestag et le 7 juillet au Bundesrat. Elle a pour objectif de diminuer le nombre de lois pour lesquelles le « veto législatif » du Bundesrat (de 60 % à 30 % environ) s'applique contre une extension des pouvoirs des Länder en matière d'éducation, d'environnement ou de gestion des prisons.
3. Une planification stricte et efficace des travaux parlementaires
a) Une organisation maîtrisée du travail des assemblées
La fixation consensuelle de l'ordre du jour de chaque chambre permet de discipliner le temps consacré aux débats parlementaires. En moyenne, les chambres siègent moins que le Parlement français.
Le nombre de semaines de séances au Bundestag varie entre 22 et 24 par an. Les députés siègent en général deux semaines par mois. Le lundi soir et le mardi sont généralement réservés aux activités des groupes parlementaires. Les commissions permanentes se réunissent le mercredi, sauf entre 13h30 et 14h30, heure réservée aux questions orales en séance publique.
Le jeudi, le Bundestag se réunit en séance publique à partir de 9 h jusqu'au soir, une pause étant prévue entre 13 heures et 14 heures. De 14 heures à 15 h 30, une nouvelle séance de questions orales est organisée. La séance peut être prolongée jusqu'à 22 heures. Enfin, une séance publique a lieu le vendredi, en principe de 9 heures à midi. Il n'y a pas de séance de nuit.
L e Bundesrat se réunit en séance plénière un vendredi toutes les trois semaines (à 9 h 30) avec une interruption au mois d'août, au cours d'une session unique annuelle qui s'étend du 1er novembre au 31 octobre. Chaque mois, le rythme est le suivant : réunions de commissions (première semaine) ; semaine intermédiaire (deuxième semaine) ; séance plénière (troisième semaine).
Le travail du Bundesrat s'effectue sous une contrainte de temps permanente . Ses réunions sont peu nombreuses car les représentants des Länder au Bundesrat ont besoin de temps pour permettre à leur gouvernement de prendre une décision.
Toutefois, le président du Bundesrat est tenu de convoquer ce dernier à la demande des représentants de deux Länder au moins ou du gouvernement fédéral.
b) Des commissions puissantes au coeur de l'activité législative du Bundestag
Des commissions nombreuses
Le Bundestag décide librement du nombre de ses commissions permanentes pour la durée de la législature . En principe, il existe une commission correspondant pour chaque ministère fédéral mais il y a des exceptions (commission des affaires de l'Union européenne ; commission des sports...).
Les membres des 21 commissions actuelles 153 ( * ) sont nommés par les groupes parlementaires, chacun d'entre eux y étant représenté à la proportionnelle. Quant aux députés non inscrits dans un groupe, ils peuvent siéger dans une commission, participer à ses débats ou déposer des motions, mais ne peuvent pas prendre part à ses votes.
Les textes législatifs dont est saisi le Bundestag sont transmis à la ou aux commissions compétentes saisies au fond et pour avis. En principe, leurs débats ne sont pas publics. Chaque commission organise librement son travail et son ordre du jour. Elle peut ainsi, sauf opposition d'un tiers de ses membres, instituer des sous-commissions à mandats déterminés .
Le président de commission a un rôle déterminant pour parvenir à un accord entre les représentants des groupes sur un texte.
En pratique, les commissions arrêtent la position du Bundestag et peuvent se substituer aux séances publiques
En dépit de leur nombre, les commissions sont des organes déterminants de préparation des décisions du Bundestag. Elles sont à cet égard « tenues de s'acquitter rapidement des tâches qui leur sont confiées » 154 ( * ) .
Le rôle essentiel de leurs membres dans la préparation des projets de loi a été souligné. Lorsqu'elles sont saisies d'un texte législatif à l'issue de la première lecture, elles désignent un rapporteur en leur sein afin de préparer leur recommandation de décision.
Lorsqu'elles prennent position sur un projet de loi, leurs recommandations sont la plupart du temps suivies par l'assemblée. Le rapporteur présente son rapport au cours d'une réunion de commission à laquelle ont accès l'ensemble des membres du Bundestag ainsi que les membres du gouvernement fédéral intéressés 155 ( * ) .
Formellement, les rapports comprennent le texte législatif tel que décrit auparavant, la majorité avec laquelle le texte a été adopté en commission et présentent la recommandation stricto sensu au Bundestag. Pour permettre une comparaison rapide entre le texte initial et les propositions de la commission, ils comprennent aussi une « présentation synoptique », équivalent du tableau comparatif des rapports législatifs français. L'opinion de la minorité de la commission doit aussi figurer dans le rapport.
Lorsque des commissions ont été saisies pour avis, un seul rapport est élaboré par tous les rapporteurs, comprenant un rappel de l'origine du texte, les recommandations des commissions saisies pour avis puis celles de la commission saisie au fond, puis un exposé des amendements présentés par les groupes.
Simultanément, à l'issue de la première lecture, la commission du budget peut être chargée par l'assemblée plénière de vérifier la compatibilité d'un texte entraînant des coûts importants avec la situation budgétaire. La commission saisie au fond n'est pas libre d'ignorer son avis car son rapport est directement soumis à l'assemblée en deuxième lecture. Cette dernière devra trouver un moyen de combler les déficits éventuels.
Originalité intéressante : les commissions permanentes ont même le pouvoir de se substituer aux séances publiques sur les textes les plus techniques , qui n'y sont plus examinés depuis la réforme de 1995. Ainsi, la ou les commissions concernées par un texte, ainsi que les députés qui s'y intéressent, peuvent se réunir pour statuer lors d'une délibération publique élargie en commission afin d'organiser un débat et d'émettre une recommandation sur ce texte 156 ( * ) .
En pratique, des salles spéciales, disposant d'une tribune pour l'accueil du public et d'une tribune pour la presse et les caméras, sont prévues au Bundestag pour accueillir de telles réunions.
Ces dernières concernent la délibération finale au cours de laquelle est adoptée la recommandation de décision de la commission. Avant cette délibération, la commission discute successivement des dispositions du texte. Son président appelle les chapitres et paragraphes de ce dernier sur lesquels les rapporteurs, d'autres membres de la commission, des représentants du gouvernement fédéral ou du Bundesrat peuvent exprimer leur point de vue. A ce stade, des amendements formels peuvent être proposés et adoptés (à la majorité simple des présents).
Au Bundesrat, des réunions de commissions peu fréquentes
Le Bundesrat comprend 16 commissions permanentes , chacune étant présidée par le représentant de l'un des Länder, dont la répartition des tâches est en principe calquée sur celle des ministères fédéraux . Chaque Land délègue un membre dans chacune de ces commissions, qui y dispose d'une voix (ministres-présidents en général à la commission des affaires étrangères et à la commission de la défense ; ministres spécialisés ou fonctionnaires dans les autres).
Elles examinent les textes pour formuler des recommandations à l'assemblée plénière, faisant émerger des accords entre Länder. A partir de leur position, les gouvernements des Länder déterminent ensuite les consignes de vote de leurs représentants au Bundesrat. Peu fréquentes, les réunions des commissions ne sont pas publiques.
c) Des séances publiques au rôle secondaire strictement encadrées
Au Bundestag, des séances publiques, « redynamisées » récemment, qui ont surtout pour objet d'informer l'opinion de l'activité parlementaire
Les séances plénières, présidées par le président 157 ( * ) (aujourd'hui M. Norbert Lammert de la CDU) ou l'un des vice-présidents (5 aujourd'hui), élus pour la législature, sont publiques. Président et vice-présidents forment le Bureau ( Presidium ), qui discute des affaires intérieures de la chambre. Le président appelle les points à l'ordre du jour, accorde la parole et assure la discipline des débats.
La présence en séance est obligatoire. Les députés doivent signer des listes de présence . Le bureau de séance , composé du président et de deux secrétaires, dont l'un appartient à l'opposition, tient la liste des orateurs, dresse acte des débats et établit les résultats des votes en séance publique. Le vote est personnel. Il existe plusieurs procédures (assis/levé ; vote nominal ; vote secret ; Hammelsprung 158 ( * ) ).
La recevabilité des amendements, qui peuvent être déposés par les groupes (en deuxième et troisième lectures) et les députés à titre individuel (en deuxième lecture), est examinée par la présidence.
Les débats en séance publique , concentrés sur les points forts ou polémiques d'un texte, sont strictement limités à une durée fixée par le Comité des doyens, qui est en pratique respectée. La gestion du temps de parole relève surtout des groupes . Après l'élection du Bundestag, une grille de répartition du temps de parole est établie entre eux, chacun recevant un temps de parole proportionnel à son effectif au Bundestag (voir tableau ci-dessous). Les ministres voient aussi en principe leur temps de parole décompté sur celui du groupe auquel ils appartiennent mais la Loi fondamentale leur garantit qu'ils peuvent s'exprimer quand ils le souhaitent.
Durée
|
CDU/CSU
|
SPD
|
FDP
|
La Gauche
(Die Linke)
|
Bündnis 90/Les Verts
|
1/2 |
9 |
9 |
5 |
4 |
4 |
3/4 |
14 |
14 |
6 |
5 |
5 |
1 |
19 |
19 |
8 |
7 |
7 |
1 ¼ |
24 |
24 |
10 |
9 |
9 |
1 ½ |
29 |
29 |
12 |
11 |
11 |
1 ¾ |
33 |
33 |
14 |
12 |
12 |
2 |
38 |
38 |
16 |
14 |
14 |
2 ½ |
48 |
48 |
20 |
18 |
18 |
3 |
57 |
57 |
24 |
21 |
21 |
4 |
76 |
76 |
32 |
28 |
28 |
5 |
95 |
95 |
40 |
35 |
35 |
10 |
190 |
190 |
80 |
70 |
70 |
Source : Bundestag
Les séances plénières ont avant tout pour objet l'information de l'opinion. C'est pourquoi en 1995 , le Bundestag a adopté une série de mesures destinée à redynamiser leurs débats :
- une « heure d'actualité » peut être organisée en début de séance sur un thème d'intérêt général, à la demande du Comité des doyens, d'un groupe ou de trente et un membres du Bundestag ;
- les thèmes fondamentaux sont débattus le jeudi pour une durée de quatre à six heures, ce « débat du jeudi » étant généralement télévisé. Le temps de parole de chaque intervenant est limité à dix minutes ;
- le débat en séance publique peut être suspendu si le nombre de membres présents n'est pas suffisant (sur initiative du président avec accord des groupes, d'un groupe ou de 5% des présents).
Des séances publiques sobres et rapides entérinent les accords entre Länder au Bundesrat
En assistant à une séance plénière du Bundesrat, le 19 mai, la mission a pu constater que les séances plénières avaient pour principal objet de constater les accords passés entre Länder . Auparavant, les représentants des Länder conduisent un dialogue où chacun tente de rallier les autres à sa position (conférence préparatoire). Leur ordre du jour 159 ( * ) est dense (47 points examinés en moins de 2 heures le 19 mai).
La présidence du Bundesrat est exercée pour un an par l'un des chefs de gouvernement d'un Land, aujourd'hui M. Peter-Harry Carstensen, selon un ordre établi en fonction de la population des Länder 160 ( * ) .
Quelques questions suscitent un débat approfondi, les autres points sont discutés, à partir du rapport de la commission, par les orateurs qui justifient la position de leur Land ou, pour les sujets les plus élémentaires, sont simplement consignés par écrit au procès-verbal. Une des caractéristiques des séances du Bundesrat est la sobriété des débats . Les interruptions sont rares, les rappels à l'ordre inexistants. Il n'existe pas de limitation du temps de parole. Les membres du gouvernement ont un droit de réponse permanent.
Il n'y a pas d'obligation de présence lors des séances du Bundesrat pour ses membres. En effet, la Loi fondamentale prévoit que chaque Land ne peut s'exprimer que d'une seule voix au Bundesrat . Lors des votes (à main levée), un représentant exprime l'ensemble des suffrages du Land à partir des consignes de vote données par son gouvernement.
Le Tribunal constitutionnel fédéral a reconnu le droit pour un membre du Bundesrat de contredire le vote du délégué du Land dont il est originaire mais le vote du Land est alors considéré comme nul.
* 147 Article 70 de la Loi fondamentale.
* 148 Sauf pour les projets de budget et de loi de finances rectificative, transmis simultanément au Bundestag et au Bundesrat, qui disposent respectivement de 6 semaines et de 3 semaines pour les examiner.
* 149 En cas de crise, l'état de nécessité législative permet l'approbation des lois par le seul Bundesrat.
* 150 Le Comité est composé du président du Bundestag, des vice-présidents et de 23 représentants désignés par les groupes parlementaires.
* 151 Les traités avec des Etats étrangers et ayant trait à des matières relevant de la législation fédérale font l'objet de deux lectures.
* 152 Toutefois, cette convocation est impossible pour examiner une proposition de loi issue du Bundesrat et refusée par le Bundestag.
* 153 Un député peut être membre de plusieurs commissions.
* 154 Article 62 du Règlement du Bundestag.
* 155 Es qualité, les membres du Bundesrat ont accès aux réunions de commission et aux séances du Bundestag.
* 156 Article 69a du Règlement du Bundestag. Un quart des membres de la commission saisie au fond peut exiger que le sujet fasse plutôt l'objet d'une discussion générale en séance.
* 157 Il est en principe issu du groupe parlementaire le plus nombreux.
* 158 Les députés quittent la salle des séances puis y rentrent, sur un signe du président, en passant sous l'une des trois portes marquées par « oui », « non » ou « abstention ».
* 159 Questions au gouvernement ; projets de loi issus de la commission de médiation ; décisions du Bundestag sur des projets de loi ; initiatives des Länder ; projets de loi du gouvernement ; rapports gouvernementaux ; projets d'actes de l'Union européenne ; prescriptions juridiques ; règlements administratifs généraux ; autres décisions.
* 160 Le président est conseillé par le conseil consultatif permanent, composé de 16 plénipotentiaires des Länder.