N° 36
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 octobre 2006 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le rôle de la dissuasion nucléaire française aujourd'hui,
Par M. Serge VINÇON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Daniel Goulet, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.
Défense nationale. |
AVANT-PROPOS
La dissuasion nucléaire conserve une place fondamentale dans la stratégie de défense de la France. Pour autant, des évolutions notables sont intervenues depuis la fin de la guerre froide. Notre doctrine a été reformulée, pour prendre en compte la transformation du contexte stratégique et l'apparition de nouvelles menaces. Nos moyens ont été ramenés à un format de « stricte suffisance », tout en étant modernisés et adaptés à de nouveaux scénarios.
Ces évolutions ont-elles été pleinement perçues par l'opinion publique et par les responsables politiques ?
Il est d'autant plus légitime de s'interroger que des voix venant d'horizons très divers s'accordent pour regretter que les enjeux relatifs au maintien de la capacité de dissuasion nucléaire française dans le monde actuel ne soient pas suffisamment évalués et débattus.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, pour sa part, a toujours examiné de manière approfondie les moyens de la dissuasion nucléaire et la justification des choix qui les sous-tendent. Elle y veille, notamment, lors du vote des lois de programmation militaire successives et des budgets annuels de la défense, ainsi que de manière plus générale, en étudiant les principales évolutions du contexte stratégique dans le cadre de ses auditions et rapports d'information 1 ( * ) .
A ce titre, le moment lui a paru particulièrement opportun pour ouvrir, au cours d'une réunion spécifique, un débat sur la dissuasion nucléaire.
En effet, le Président de la République a prononcé le 19 janvier 2006 à l'Ile Longue un important discours confirmant, en les précisant, les inflexions de notre doctrine qu'il avait déjà formulées le 8 juin 2001, ainsi que les conséquences qui en découlent sur le format et les capacités de nos forces nucléaires. Après avoir entendu le ministre de la défense, le 1 er février dernier, il semblait nécessaire à la commission de pouvoir approfondir toutes les implications des orientations ainsi tracées par le chef des armées.
D'autre part, à la veille d'une échéance politique majeure au cours de laquelle les grands choix de défense et de sécurité ont vocation à être évoqués, il paraissait utile de fournir au débat des éléments de réflexion précis et actualisés.
Tel est l'objet de la table ronde organisée le 14 juin 2006, au cours de laquelle les sénateurs ont pu entendre et interroger :
- le Général Henri Bentégeat, chef d'Etat-major des armées 2 ( * ) ,
- M. Daniel Verwaerde, directeur des armes nucléaires à la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique (CEA),
- Sir Michaël Quinlan, chercheur à l'Institut international des études stratégiques de Londres,
- M. Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche stratégique.
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Le présent rapport d'information reproduit les débats qui se sont déroulés lors de cette réunion.
Au cours d'une première séquence, la discussion a porté sur les évolutions du contexte stratégique et des menaces, ainsi que sur les conséquences que l'on pouvait en tirer quant au rôle de la dissuasion nucléaire. Elle a notamment montré en quoi la doctrine française s'est adaptée à l'apparition de nouveaux acteurs et de nouveaux risques, sans abandonner la référence à une menace majeure sur nos intérêts vitaux qui ne peut être exclue à long terme et qui demeure le fondement même de notre dissuasion. Les différents types de scénarios dans lesquels notre capacité de dissuasion pourrait jouer ont été précisés, notamment la possibilité de répondre de manière crédible à un chantage que tenterait d'exercer sur la France une puissance régionale dotée de missiles balistiques et d'armes de destruction massive. Enfin, la problématique de la prolifération nucléaire et de ses interactions avec la politique des puissances nucléaires reconnues a été évoquée.
Une deuxième séquence était plus spécifiquement consacrée aux moyens dévolus à la dissuasion dans la politique de défense de la France. Ont notamment été abordées les questions du poids financier de la dissuasion dans notre budget de défense, du rôle respectif de nos deux composantes - sous-marine et aéroportée - et des liens entre notre doctrine et les caractéristiques techniques de nos armes, notamment leur portée et la possibilité d'en moduler la puissance ou les effets. Le rôle de la simulation pour la crédibilité de notre dissuasion depuis l'arrêt définitif et complet des essais nucléaires a été détaillé et replacé dans le contexte plus global d'un ensemble de décisions cohérentes portant sur la conception de nos armes et sur les moyens d'en garantir la fiabilité et la sûreté.
Enfin, une dernière séquence portait sur les perspectives d'articulation entre la dissuasion française et l'Europe de la défense. La doctrine et les capacités de l'autre puissance nucléaire européenne - le Royaume-Uni - ont été présentées. Le rôle joué par la politique nucléaire de l'OTAN vis-à-vis de nos partenaires européens a été rappelé. L'intérêt que l'Europe de la défense pourrait porter à la capacité de dissuasion nucléaire de a France et du Royaume-Uni est apparu étroitement corrélé à l'évolution à moyen terme du lien transatlantique.
* 1 Voir en dernier lieu le rapport d'information de M. Xavier de Villepin en date du 30 juin 2004 : « La prolifération nucléaire : quelles réponses aux crises ».
* 2 Le Général Henri Bentégeat a cessé ses fonctions de chef d'Etat-major des armées le 3 octobre 2006 et a été nommé président du Comité militaire de l'Union européenne pour une période de trois ans à compter du 6 novembre 2006.