2. Les mesures législatives issues de textes en matière rurale ou agricole
a) La loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux
A l'occasion du passage devant le Sénat, en deuxième lecture, du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, ont été ajoutées trois mesures de soutien au secteur des fruits et légumes dans son ensemble. Visant à rééquilibrer les relations entre les producteurs et les distributeurs, elles ont respectivement pour objet de :
- créer dans le code rural un dispositif de coefficient multiplicateur entre le prix d'achat et le prix de vente en période de crise, afin de corriger les freins à la consommation liés, dans une telle conjoncture, à des prix excessifs au détail au regard de la production (article 23).
Visant à transmettre la baisse des prix de la production jusqu'à la consommation, il doit permettre de résorber un surplus transitoire de production et d'éviter que la crise ne s'installe, au détriment des entreprises de production, mais aussi de la qualité des produits.
Cette disposition, dont l'initiative revient à notre collègue Daniel Soulage, a été suivie par la prise d'un décret en Conseil d'Etat en date du 8 juillet 2005. Entièrement applicable depuis cette date, elle n'a cependant jamais été mise en oeuvre, les différentes demandes en ce sens ayant été retirées lors des réunions interprofessionnelles de crise. Le ministre de l'agriculture lui-même a cependant jugé expressément à plusieurs reprises que le dispositif, quoique devant rester d'un recours exceptionnel, n'était pas purement formel et avait vocation, en tant que de besoin, à être appliqué ;
- autoriser l'annonce de prix d'un fruit ou légume frais , hors lieu de vente, dans un délai maximum de soixante-douze heures précédant le premier jour de la validité de l'annonce, pour une durée ne pouvant excéder cinq jours à compter de cette date (article 32).
Les dispositions du code de commerce interdisaient, sauf accord interprofessionnel, toute publicité pour les fruits et légumes frais ; elles étaient donc susceptibles, en l'état de leur rédaction, de constituer une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, incompatible avec la réglementation européenne.
Insérée dans le texte par le Gouvernement, la modification a consisté à autoriser, tout en les encadrant sur une période déterminée, les annonces de prix pour les fruits et légumes frais intervenant dans une courte durée précédant la période de validité de l'annonce, toute annonce de prix hors lieu de vente devant, au-delà de la période, faire l'objet d'un accord interprofessionnel ;
- incriminer la pratique consistant à vendre des fruits et légumes à des prix abusivement bas en période de crise conjoncturelle et permettre aux organisations professionnelles et à l'administration, dans un tel cas, d'ester en justice (articles 34 et 35).
Insérées à l'initiative du Gouvernement, ces mesures sont la mise en oeuvre d'une des recommandations du rapport Canivet. Le décret fixant la liste des produits concernés et l'arrêté déterminant les modalités selon lesquelles une situation de crise peut être constatée ayant été publiés au Journal officiel du 25 mai 2005, ces dispositions sont donc aujourd'hui entièrement applicables.
b) La loi du 2 août 2005 relative aux PME
Si elle n'a pas en soi un objet agricole, et encore moins arboricole, cette loi comporte un certain nombre de dispositions propres à conforter le producteur de fruits dans sa relation avec le distributeur :
- encadrement des sanctions appliquées d'office par le distributeur au fournisseur pour compenser l'inexécution partielle de ses obligations contractuelles.
Dans le secteur fruitier, il arrive que le distributeur, utilisant la position de force dans laquelle il se trouve par rapport au producteur, refuse la réception -ou l'accepte, mais en pratiquant d'office une remise directe sur facture- d'une commande, dès lors qu'il estime que la marchandise n'a pas été livrée en temps et en heure, ou bien ne satisfait pas entièrement aux conditions qualitatives précisées dans les dispositions contractuelles. De la même façon, il arrive qu'après avoir accusé réception des produits, et même après les avoir proposés à la vente en magasin, il les retourne au producteur sous prétexte de n'avoir pu les commercialiser du fait que leur aspect ou leur tenue, par exemple, se seraient rapidement dégradés une fois entreposés.
Afin de prévenir ces pratiques, la loi sur les PME a intégré, à l'initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, une disposition les visant expressément au titre des pratiques restrictives encadrées par l'article L. 442-6 du code de commerce.
- encadrement des enchères inversées .
Les enchères inversées consistent pour un acheteur à sélectionner le vendeur acceptant de lui céder son produit au moindre coût. Les PME du secteur de l'agroalimentaire, parmi lesquelles les producteurs de fruits, sont susceptibles d'être fréquemment soumises à des enchères électroniques inversées pour ce qui est de la commercialisation de leurs produits. Or, ces entreprises sont particulièrement vulnérables aux abus que de telles méthodes de vente peuvent occasionner, et ce d'autant plus qu'il n'existait pas de règlementation visant spécifiquement les enchères électroniques inversées.
Deux dispositions de la loi relative aux PME visent donc à encadrer ces pratiques, la première tendant à les définir, à en régir le déroulement et à prévoir la mise en jeu de la responsabilité civile de la personne n'en respectant pas la règlementation, la seconde à sanctionner pénalement la personne ayant cherché à influer frauduleusement sur leur déroulement.
c) La loi du 5 janvier 2006 d'orientation agricole
Si aucune des dispositions de cette loi ne concerne exclusivement le secteur de l'arboriculture, plusieurs de ses dispositions, de nature transversale, trouvent à s'y appliquer. On citera à cet égard :
- la possibilité, pour les organisations de producteurs reconnues, de constituer des centrales de vente , dès lors qu'elles sont propriétaires des produits à commercialiser (article 53). Cela devrait permettre à l'offre, coopérative comme privée, de se regrouper au sein de structures à même de peser directement face aux quelques grandes centrales nationales de distribution ;
- la faculté, pour les associations d'organisations de producteurs reconnues, d'instaurer des fonds de mutualisation opérant dans le cadre de leur circonscription, pouvant être alimentés par leurs membres et visant à lutter contre les crises et à en atténuer les effets sur le revenu des producteurs, notamment par des interventions sur le marché (article 53). Cet instrument anti-crise, particulièrement adapté au secteur arboricole et à sa structuration en comités de bassin 16 ( * ) , devrait compléter utilement, à un niveau plus régional et professionnel, le dispositif de l'assurance récolte ;
- l' extension de la compétence des organisations interprofessionnelles agricoles à toute démarche visant à lutter contre les risques et aléas liés à la production, à la transformation, à la commercialisation et à la distribution des produits agricoles et alimentaires (article 53). Les interprofessions sont ainsi habilitées à prendre des mesures visant à prévenir ou réguler les crises de marché ;
- la réforme du dispositif d'extension des règles édictées par les comités économiques agricoles (article 55). Constitués à l'initiative d'organisations de producteurs, sous forme de syndicats ou d'associations, pour une région de producteurs déterminée, les comités économiques agricoles coordonnent l'action desdites organisations pour certains secteurs de produits, au premier rang desquels les fruits et légumes. La loi harmonise la procédure d'extension de leurs règles par les pouvoirs publics avec celle existant au niveau européen, en précisant explicitement que cela vaut notamment pour le secteur des fruits et légumes. En outre, elle prévoit l'assermentation de ces agents pour rechercher et constater les infractions à ce régime d'extension ;
- la création d'un observatoire 17 ( * ) chargé de repérer et d'analyser les distorsions susceptibles de provoquer une déstabilisation des marchés de produits agricoles (article 56). Cette structure pourrait être d'une particulière utilité dans le secteur arboricole, où les distorsions -y compris intra européennes- en termes de coûts salariaux sont spécialement fortes ;
- le développement du dispositif de l'assurance récolte (articles 62 et 63) et le principe de son extension progressive à l'ensemble des productions (article 68). La fragilisation du dispositif de solidarité nationale en matière de gestion des aléas agricoles, et la multiplication de ces deniers, imposent un développement des mécanismes assurantiels, dont le secteur fruitier pourrait profiter ;
- l' assouplissement des dispositifs de déduction pour investissement et de déduction pour aléas (article 67). Il vise, avec des moyens différents, à répondre au même objectif que le développement de l'assurance récolte.
* 16 Il existe huit comités de bassin regroupant les organisations de producteurs par régions ou groupes de régions et organisant leur travail par produit dans le cadre de sections régionales, elles-mêmes coordonnées dans le cadre de sections nationales.
* 17 Voir infra.