C. LA RÉUSSITE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Les données qui précèdent sont claires.

Le modèle énergétique introduit par la seconde révolution industrielle du début du siècle dernier n'est pas pérenne.

A l'horizon de moins d'une génération, son extension actuelle est porteuse de menaces sur la croissance économique, de troubles de la cohésion sociale et d'aggravation des tensions internationales. Elle contribue, en outre, à accélérer le changement climatique alors même que l'ombre portée du stock de gaz à effet de serre aura des effets beaucoup plus lourds que ceux que nous commençons à subir, probablement supérieurs à celui des effets d'un pétrole à 150 $ le baril.

Faire évoluer le modèle énergétique mondial est indispensable et urgent.

C'est l'enjeu de la transition énergétique, dont le but est de nous préparer aujourd'hui aux changements qui interviendront d'ici moins d'une génération.

Faut-il vraiment s'y préparer ?

D'aucuns pensent que les adaptations se feront progressivement sur la base du renchérissement du prix de l'énergie et de l'introduction spontanée des avancées scientifiques et technologiques. Et qu'il n'est donc pas nécessaire de mettre à mal les assises de nos économies pour répondre à des événements auxquels nous saurons nous adapter.

Cette façon d'envisager les choses ne prend pas la mesure de l'ampleur du changement nécessaire. Faire évoluer nos modes de production et nos usages de l'énergie dans un délai de dix à vingt ans est techniquement et économiquement difficile. Ceci ne peut être fait qu'avec le soutien massif de l'opinion publique et au prix d'une volonté politique ferme, contenue et audacieuse.

Car il faudra surmonter trois catégories d'inertie :

• En premier lieu, l'inertie de la vitesse acquise.

Aussi bien en matière de transports que d'usages résidentiels de l'énergie, les équipements publics et privés ne sont pas préparés à la transition énergétique. Qu'il s'agisse de l'état du parc immobilier destiné aux services et à l'habitation, du parc de véhicules individuels ou de fret, des types d'implantations urbaines, d'infrastructures de transports, l'ensemble de l'équipement de notre territoire est, malgré quelques adaptations, plus calé sur le modèle énergétique actuel que sur celui de la transition à venir. Adapter ces équipements à la nouvelle donne prendra du temps.

• Ensuite, l'inertie de l'avancée des progrès scientifiques et technologiques

On l'a vu avec la filière électronucléaire, changer de modèle énergétique prend vingt à trente ans. De même, mettre en place la moitié d'un réseau de train à grande vitesse a exigé vingt-cinq ans. Encore doit-on ajouter, dans ces deux cas, qu'il s'agissait d'efforts menés de façon centralisée par la puissance publique et qu'il a été facile d'imposer aux usagers, et non d'un changement plus diffus impliquant une modification des pratiques sociales.

• Enfin, l'inertie des mentalités

Adapter les gestes de notre vie quotidienne à un usage plus mesuré de l'énergie requiert du temps. Et quoique cette évolution puisse être accélérée par la hausse du prix de cette énergie, cette adaptation ne se fera pas sui generis mais exigera du temps et de l'action publique, qu'il s'agisse d'éducation, d'information ou d'incitation.

La préparation de la transition énergétique ne peut donc pas s'improviser. Mais ce qui est sûr, c'est qu'avant 2020 les pays qui se seront impliqués de façon consciente et suivie dans cette démarche - qui excède de beaucoup les mesures actuellement prises - seront socialement et économiquement gagnants .

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En définitive, les scénarios énergétiques envisageables à l'horizon 2020-2030 font apparaître :

1. que la poursuite de la confrontation d'une offre limitée et d'une demande en forte croissance aboutira à un choc pétrolier portant le prix du pétrole à 150 $ le baril, et peut-être au-delà , d'ici moins d'une génération ,

2. que tout essai de pérennisation du modèle énergétique actuel aura pour résultat une rétractation de l'activité économique mondiale , une diminution de la cohésion sociale des Etats et une aggravation des tensions internationales ,

3. qu'il faut dépasser cette crise qui s'annonce en préparant la transition énergétique qui s'imposera à nous de façon d'autant plus dure que nous aurons tardé à l'anticiper ,

4. que, compte tenu de l'ampleur des inerties à surmonter, il faut la préparer dès maintenant ,

5. que ce chantier est de la responsabilité politique.

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