D. VERS UN OPÉRATEUR INTERMINISTÉRIEL UNIQUE POUR LA MOBILISATION DE L'ASSISTANCE TECHNIQUE ?
La création de FCI pose en réalité la question même de la lisibilité et de la cohérence, donc de l'efficacité, de notre dispositif global de coopération technique , qui demeure entravé par la traditionnelle segmentation et les luttes d'influence des administrations. FCI se veut en effet l'équivalent pour le MAE de l'ADETEF, qui connaît un certain succès mais est généreusement subventionné par son ministère de tutelle. Il existe aujourd'hui de multiples structures positionnées sur un même domaine d'activité transversal - l'assistance technique et la coopération internationale - mais des secteurs différents, et relevant de ministères de tutelle comme de statuts distincts. On peut ainsi mentionner les GIP, associations ou sociétés CIVI.POL Conseil 4 ( * ) , Santé-Protection sociale 5 ( * ) , France Vétérinaire International - FVI 6 ( * ) , ACOJURIS 7 ( * ) , ESTHER 8 ( * ) et INTER 9 ( * ) .
Cette multitude d'organismes, qui répond certes à une logique sectorielle compréhensible, ne fait que cautionner et conforter l'opacité et l'illisibilité de la politique française de coopération , déjà soumise à la co-tutelle des ministères des affaires étrangères et de l'économie, des finances et de l'industrie.
L'amoncellement, la compartimentation et la « balkanisation » de ces structures dédiées, qui chacune aspirent confusément à devenir l'opérateur français de référence, au moins dans leur domaine, est caractéristique de l'inclination de l'administration française pour la stratification et une forme de complexité, permettant de préserver les « chasses gardées ».
Cette organisation présente cependant les risques suivants : exacerbation d'une « concurrence » entre le MAE et le MINEFI ; jalousies, doubles emplois et pesanteurs administratives ; illisibilité pour les donneurs d'ordres étrangers et in fine éviction des experts français, à l'opposé de l'objectif initialement recherché.
Dans le domaine de la coopération, en dépit des critiques formulées par l'OCDE sur la complexité du dispositif français, la tendance est plutôt à une multiplication des opérateurs auxquels sont externalisées certaines fonctions, et parallèlement à un effort de formalisation de la stratégie globale et de coordination de la maîtrise d'ouvrage 10 ( * ) .
Votre rapporteur spécial estime donc qu'à terme, la coopération française devrait pouvoir disposer d'un opérateur public unique placé sous la seule tutelle du MAE (ce qui n'exclut naturellement pas un organe de coordination avec les ministères et organismes concernés) et chargé des réponses aux appels d'offres internationaux ainsi que du positionnement, de la gestion et de la formation de l'ensemble des experts publics et privés, quel que soit le secteur.
Un tel opérateur, interlocuteur unique des Etats partenaires et des institutions multilatérales, disposerait d'une « force de frappe » importante, serait comparable à d'autres structures étrangères plus visibles et dotées de moyens étendus 11 ( * ) , et permettrait d'économiser des coûts de structure comme les deniers publics.
Dans un premier temps, dès lors que FCI aura atteint une « taille critique » comparable à celle de l'ADETEF, la fusion de ces deux organismes pourrait être envisagée , compte tenu de leur statut commun, de leurs complémentarités, de leur volume substantiel d'activité et de leur tutelle par les deux principaux ministères impliqués dans l'aide française au développement. Le financement sur crédits budgétaires prévoirait alors une montée en puissance progressive de la subvention du MAE .
En dépit des réserves de votre rapporteur spécial sur le principe de la double tutelle , qui se traduit le plus souvent par un surcroît de complexité et la prééminence de l'une sur l'autre, cette formule devrait être privilégiée, au moins à titre transitoire, dans la mesure où l'ADETEF réalise actuellement des opérations pour un montant deux fois plus élevé que celui de FCI.
Parallèlement à un rapprochement entre FCI et l'ADETEF, la fusion de certains opérateurs ministériels devra être encouragée, en particulier celle des trois GIP (SANTE, ESTHER et FVI) ressortissant au pôle « santé-affaires sociales ».
De même, il serait pertinent que FCI assure à court terme la gestion des « conseillers résidents de jumelage » , plutôt que de voir perdurer la logique des compartiments ministériels.
En revanche, à plus long terme, un opérateur multi-sectoriel unique devrait être placé sous la tutelle unique du MAE , qui a vocation à être chef de file de l'aide française au développement. La logique de performance et d'efficacité doit prendre le pas sur celle de la compartimentation et des « baronnies » administratives.
Sous réserve de l'appréciation des services fiscaux sur la situation du GIP, votre rapporteur spécial n'a pas relevé d'infraction majeure aux règles comptables et budgétaires de l'Etat.
* 4 Créée en 1986 à l'initiative du ministère de l'intérieur, CIVI.POL Conseil est une société anonyme de service et de conseil - et non un GIP -, dotée d'un capital de 2,6 millions d'euros et dont l'Etat est l'actionnaire principal. Elle intervient pour promouvoir et valoriser à l'étranger les savoir-faire et les expertises que la France a développés dans les domaines de l'administration générale et territoriale, de la sécurité civile et de la police.
* 5 Constitué pour une période de 5 ans par l'arrêté du 12 mai 2005 portant approbation de sa convention constitutive, ce GIP rassemble, outre l'Etat, la Fédération hospitalière de France, la Fédération nationale de la mutualité française, l'Ecole des hautes études en santé publique et l'Agence pour le développement et la coordination des relations internationales. Il a pour objet le développement de l'assistance technique dans les domaines de la santé, de la protection sociale et de l'action sociale.
* 6 Constitué pour six ans par l'arrêté du 25 mars 2003, il relève du ministère de l'agriculture et des affaires rurales. Il dispose d'un budget annuel de 50.000 euros, uniquement abondé par les cotisations annuelles de ses 14 membres.
* 7 L'Agence de coopération juridique internationale est une association à but non lucratif soumise à la loi de 1901. Mise en place en septembre 1998 par le ministère de la justice, elle prépare et gère les programmes de coopération juridique développés par les bailleurs de fonds internationaux et a été mandatée par le gouvernement français et les instances européennes pour gérer les jumelages institutionnels du programme Phare en matière de justice.
* 8 Le GIP Ensemble pour une solidarité thérapeutique en réseau - ESTHER a été créé en mars 2002 afin de favoriser l'accès aux soins des personnes affectées par le VIH ou ses co-infections dans les pays en développement. Il anime notamment le réseau ESTHER Europe avec 8 Etats membres de l'Union européenne (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Grèce, Italie, Luxembourg, Portugal), est implanté dans 15 pays et 65 sites, et a bénéficié en 2006 d'une subvention budgétaire de 4 millions d'euros du ministère de la santé et des solidarités. Le ministère souhaiterait élever cette subvention à hauteur de 10,1 millions d'euros.
* 9 Le GIP Inter relève du ministère de l'emploi, du travail et de l'insertion professionnelle et met en oeuvre depuis 1992 des programmes de coopération et d'assistance technique dans les domaines des relations du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Il associe les services compétents de l'Etat, l'Agence nationale pour l'emploi, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail, l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
* 10 Notamment via les documents cadre de partenariat, les stratégies sectiorielles et les transferts sectoriels du FSP à l'AFD.
* 11 Telle que la GTZ allemande - Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit , qui emploie près de 8.000 personnes.