III. CONCLUSION ET PROPOSITIONS
A l'issue de cette analyse, votre rapporteur spécial estime que l'arrêt de la Cour de justice relatif aux « poissons sous taille », en donnant un prix à nos manquements au droit communautaire, a enfin fait prendre conscience de notre situation, particulièrement difficile dans le domaine de l'environnement.
On doit se réjouir que des efforts réels aient été menés au cours des dernières années pour mieux assurer la transposition et l'application du droit communautaire de l'environnement, même si le nombre de dossiers faisant l'objet de litiges reste très important. D'une certaine manière, nous payons aujourd'hui le coût de nos insuffisances d'hier .
La prise de conscience, pour réelle qu'elle soit, ne doit pas laisser penser que tout est aujourd'hui parfait.
A cet égard, différentes mesures, tendant notamment à développer une approche plus précoce et plus politique des dossiers européens , doivent être prises pour assurer correctement le suivi du droit communautaire de l'environnement.
Les 11 propositions de votre rapporteur spécial Sensibiliser les agents publics et développer l'évaluation 1) il convient en premier lieu de sensibiliser davantage les agents publics à l'importance du droit communautaire dans le domaine de l'environnement et d'accroître, de manière générale, leur « culture communautaire » ; 2) dès le départ et tout au long de la procédure d'élaboration des normes communautaires, des études d'impact, non seulement juridiques mais également budgétaires et organisationnelles - pour l'Etat comme pour les collectivités territoriales - doivent être réalisées par les ministères afin de disposer d'une vision claire des enjeux et des difficultés éventuelles ; 3) en aval, une analyse coûts/bénéfices des mesures communautaires de l'environnement devra être développée à l'avenir : comme le président de la commission de l'environnement, de la santé et de la sécurité alimentaire au Parlement européen, M. Karl-Heinz Florenz, votre rapporteur spécial estime que cet élément est essentiel pour permettre d'apprécier pleinement les effets de la législation communautaire et d'en tirer les conséquences ; Faire coïncider le temps national et les exigences communautaires 4) il importe de se saisir très en amont, dès les livres verts et les livres blancs, des propositions de la Commission, afin de peser réellement sur le cours des débats ; 5) les modalités de transposition des directives doivent être adaptées, afin d'utiliser pleinement le délai de transposition et de « banaliser » les transpositions de directives, selon l'expression de M. Michel Barnier, en prévoyant des rendez-vous réguliers à cette fin. Le Sénat avait d'ailleurs ouvert la voie vers cette solution, en adoptant, le 14 juin 2001, une proposition de loi constitutionnelle de nos collègues Aymeri de Montesquiou et Hubert Haenel, prévoyant qu'une séance par mois serait réservée à la transposition des directives communautaires et à l'autorisation de ratification ou d'approbation des conventions internationales 11 ( * ) , l'ordre du jour de cette séance étant fixé par le gouvernement ou, à défaut, par chaque assemblée. Cette proposition de loi, qui n'a jamais été examinée par l'Assemblée nationale, conserve tout son intérêt ; Renforcer l'analyse politique des projets de législation en resserrant les liens entre les institutions 6) la place du Parlement national au sein du processus d'élaboration des textes communautaires doit être confortée : l'idée de M. Michel Barnier de demander à chaque ministre de présenter systématiquement les enjeux des propositions de textes communautaires devant la commission compétente et/ou la délégation pour l'Union européenne pourrait notamment y contribuer ; 7) les relations entre le gouvernement, le Parlement national et le Parlement européen doivent être renforcées , afin d'établir de véritables relations de travail entre ces trois acteurs, ce que la présence du siège du Parlement européen sur le territoire national devrait favoriser ; 8) les collectivités territoriales , qui supportent de nombreux coûts résultant de dispositions communautaires dans le domaine de l'environnement, notamment dans les secteurs de la politique de l'eau ou de celle des déchets, doivent être mieux associées au processus d'élaboration de la législation communautaire , le Sénat, représentant des collectivités territoriales, pouvant un jouer un rôle majeur en la matière ; à cet égard, la proposition de la ministre de l'écologie et du développement durable visant à examiner les possibilités d'actions récursoires à l'encontre des collectivités territoriales manquant à leurs obligations communautaires ne peut être envisagée sans que la prise en compte de leurs positions au cours de l'élaboration des textes ne soit améliorée ; Revoir l'organisation actuelle pour assurer une application effective et rapide du droit communautaire de l'environnement 9) la coordination interministérielle doit être renforcée, tant au niveau de la transposition des directives que de l'application des mesures communautaires : dans un contexte de dépendance du ministère de l'écologie et du développement durable vis-à-vis des services d'autres ministères, cet élément est essentiel pour atteindre l'objectif d'appliquer pleinement le droit communautaire ; 10) l'organisation des polices de l'environnement, aujourd'hui très éclatées, doit être simplifiée ; 11) enfin, il revient au Parlement d'assurer , dans le cadre de mise en oeuvre de la LOLF, un suivi systématique des actions entreprises par le ministère de l'écologie et du développement durable pour traiter les dossiers faisant l'objet de litiges : votre rapporteur spécial y portera une attention toute particulière dans le cadre de l'examen du budget 2007. |
C'est au prix de ces efforts et de la diffusion d'une réelle culture européenne que la crédibilité de la France dans le domaine de l'écologie et du développement durable, aujourd'hui ternie, pourra être restaurée.
* 11 Proposition de loi constitutionnelle tendant à permettre à la France de respecter les délais de transposition des directives communautaires, par l'inscription de ces textes à l'ordre du jour du Parlement en cas de carence gouvernementale, texte n° 103 (2001-2001) adopté par le Sénat le 14 juin 2001.