5. ...à la condition que les politiques budgétaires soient symétriques.
L'une des critiques justifiées adressées au pacte de stabilité et de croissance consiste à relever l'absence de règle de discipline invitant les États à pratiquer des politiques budgétaires contra-cycliques lorsque le PIB dépasse le potentiel d'une économie.
De telles politiques sont incontestablement nécessaires pour maîtriser l'évolution de la dette publique et dégager des marges de manoeuvre en cas de chute de l'activité.
C'est la raison pour laquelle votre Délégation souscrit, à quelques précisions près, à l'initiative du Ministre de l'économie et des finances de prévoir l'affectation de recettes inattendues et réclame un durcissement concerté et limité de la discipline budgétaire dans les phases de forte croissance.
6. Il n'existe pas de justification économique à un solde budgétaire structurel à l'équilibre
a) L'effacement de tout déficit structurel est un objectif abusivement « dérivé » du Pacte de stabilité et de croissance...
Le Pacte de stabilité et de croissance, constitué théoriquement de deux règlements financiers et d'une Déclaration du Conseil, a pourtant donné lieu à des codes de conduite à la nature juridique imprécise, qui représentent des sortes d'interprétations.
Mais, ils ont été le vecteur d'un durcissement doctrinal, qui est allé jusqu'à contrevenir aux règles du Pacte, ce qu'il faut regretter par principe.
Le Code de conduite révisé en 2001 illustre ce propos. Avec ce Code, le Conseil estime que « l'utilité d'un examen des positions budgétaires corrigeant les effets du cycle économique réside dans les possibilités qu'il offre pour s'assurer que la situation structurelle des comptes publics présente une marge suffisante pour qu'une dégradation conjoncturelle n'éloigne pas le solde public d'une situation budgétaire proche de l'équilibre à moyen terme. »
Cette recommandation peut être interprétée comme la consécration d'un principe d'équilibre permanent du solde nominal des comptes publics, qu'un excédent permanent du solde structurel doit garantir.
Avec cette recommandation, le Conseil, sur la proposition de la Commission, opère un renoncement de principe à tout déficit public, ce qui va bien au-delà des règles du Pacte de stabilité et de croissance.
b) ... qui est critiquable.
(1) Un affaiblissement des facultés stabilisatrices de la politique budgétaire...
Dans une telle conception, la politique budgétaire ne se voit plus reconnue de marges de manoeuvre lorsque son maniement contracyclique conduirait à l'apparition d'un déficit public.
Les propriétés de stabilisation conjoncturelle de la politique budgétaire en sont nettement affaiblies , au nom d'un objectif structurel qui est discutable .
La recommandation de réunir des marges de manoeuvre supplémentaires a pour objectif de viser un excédent structurel tel que se produise une rapide réduction du ratio dette publique/PIB.
(2) ... au nom d'un objectif financier plus que discutable
Le durcissement des exigences du Pacte est à comprendre en fonction des recommandations du Conseil européen de Stockholm (mars 2001) visant à un examen régulier de la soutenabilité des finances publiques , notamment au regard de l'impact sur les budgets publics du vieillissement de la population qui laisse présager une augmentation de plusieurs points de PIB de la charge des retraites.
La logique sous-jacente au Code révisé est que le niveau de la dette publique soit réduit dans des proportions telles que le surcroît de charges publiques résultant de l'alourdissement des retraites puisse être financé.
Une telle logique est critiquable.
Elle revient à estimer qu'il serait justifié de « pré-financer » des charges futures au moyen d'un supplément d'impôts et (ou) d'une réduction de dépenses immédiates.
Même en tenant pour acquise l'inéluctabilité des charges en cause, ce qui est une hypothèse d'autant plus forte que des réformes structurelles pourraient devoir intervenir afin d'élever le potentiel de croissance avec des effets sur la dynamique des dépenses concernées, l'arbitrage proposé par la Commission pourrait être sous-optimal.
Compte tenu du coût de la dette publique, qui détermine les économies à attendre d'une politique de désendettement, et des perspectives de « retour économique » d'une impulsion budgétaire positive, le bilan « ex ante » de la stratégie préconisée par la Commission est des plus incertains.
Il convient, par exemple, de ne pas négliger les effets pervers d'une excessive sévérité budgétaire sur certaines dépenses publiques.
La préoccupation d'éviter que la discipline budgétaire ne conduise à sacrifier les dépenses jugées utiles est aussi légitime que celle de réduire les coûts de la dette publique.
On peut également aborder la question des investissements publics .
Les règles de la surveillance budgétaire en Europe mentionnent d'ailleurs expressément ce type de dépenses que l'évaluation de la situation budgétaire des États peut être amené à prendre en compte. Par ailleurs, la règle d'or appliquée au Royaume-Uni permet, sous certaines réserves, le lancement d'emprunts publics susceptibles de financer l'investissement.
Enfin, si les investissements publics ne sont pas systématiquement porteurs de croissance, ils réunissent deux propriétés particulières :
• l'absence de récurrence de la dépense ;
• l'utilité prolongée des biens qu'ils produisent.
Il est donc raisonnable que la discipline budgétaire en Europe n'interdise pas de financer, au moins en partie, de telles dépenses par l'emprunt .
Fondamentalement, lorsque la Commission formule des propo-sitions tendant à accroître la sévérité des règles de politique budgétaire en Europe, le Conseil doit peser les pertes de marges de manoeuvre auxquelles conduirait l'acceptation de ce processus . L' augmentation du niveau de croissance potentielle , souhaitée par lui, appelle le financement de biens publics , tel que l'effort de recherche-développement. Une contrainte budgétaire excessive n'est pas compatible , il faut être réaliste, avec les objectifs fixés à Lisbonne de faire de l'Europe la zone la plus compétitive du monde .
On peut ajouter qu' un déficit structurel mesuré n'empêcherait en rien le reflux nécessaire du ratio dette publique/PIB .
Le besoin de financement des administrations publiques qui permettrait de stabiliser d'une année sur l'autre le poids de la dette sans le PIB se situe un peu au-delà de 2 %, lorsque la croissance évolue selon son rythme potentiel.
En outre, plus la croissance est forte, moins les niveaux de solde à atteindre pour satisfaire les critères de stabilisation de la dette publique sont élevés comme le montre le tableau ci-après.
SOLDE STABILISANT LA DETTE APU
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
|
Milliards d'euros |
-18,2 |
-23,4 |
-32,8 |
-24,6 |
-43,6 |
-31,6 |
-28,8 |
-21,3 |
-39,7 |
En point de PIB (en %) |
-1,5 |
-1,8 |
-2,5 |
-1,8 |
-3,0 |
-2,1 |
-1,9 |
-1,3 |
-2,4 |
Source : INSEE, base 2000, calculs direction du budget et DGTPE
Un déficit structurel de 2 points de PIB permettrait à la fois de financer des dépenses utiles pour élever le rythme de croissance potentiel et de réduire continûment le poids de la dette publique dans le PIB .