B. LA « PROFESSIONNALISATION » DU SECTEUR CONDUIT À GÉRER LA « RESSOURCE HUMAINE BÉNÉVOLE »

Alors que le nombre des bénévoles a quasiment doublé en dix ans, le poids du secteur associatif au sein des structures institutionnelles et sociales a nécessairement eu des répercussions tant sur les modalités de gestion des organisations (associatives) que sur les « stratégies » des personnes qui évoluent en leur sein (les bénévoles).

1. Un environnement plus complexe...

M. Joinneaux, président de l'UNAPEI 59 ( * ) , s'inquiétait du fait que les associations, « soumises aux mêmes obligations que les entreprises alors qu'elles n'ont pas les moyens, sont plus ou moins soupçonnées, a priori, de mauvais fonctionnement par un certain nombre de fonctionnaires » 60 ( * ) .

Depuis quelques années, en effet, les obligations juridiques, comptables et fiscales pesant sur les associations se sont alourdies, sans qu'en contrepartie, les responsables associatifs n'aient bénéficié de véritable soutien ou d'un accompagnement spécifique leur permettant de faire face à ces nouvelles contraintes.

a) Sur le plan comptable

L'exigence de transparence financière liée au rôle grandissant des associations, dans la sphère économique d'une part, dans l'exécution de missions d'intérêt général financées, en tout ou partie sur fonds publics, d'autre part, s'est traduit par l'édiction d'obligations spécifiques en matière comptable.

Ces différentes obligations, qui concernent la tenue de la comptabilité et/ou le respect d'un plan comptable et/ou le mode de présentation de l'information financière, découlent soit des statuts, soit des conventions de financement 61 ( * ) , soit des textes législatifs et réglementaires 62 ( * ) .

S'il faut rappeler que la loi de 1901 ne soumet les associations à aucune obligation comptable, il n'en résulte pas moins que les textes particuliers imposant aux associations des obligations en matière comptable se sont multipliés.

A cet égard, le code de commerce soumet les associations ayant une activité économique et dépassant une certaine taille à des obligations en matière comptable 63 ( * ) , les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises 64 ( * ) s'appliquent aux associations en tant que personnes morales de droit privé si l'association est dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, enfin les nouvelles règles fiscales permettant de déterminer l'assujettissement ou non de l'association aux impôts commerciaux tendent également à renforcer les obligations comptables des associations.

Ces nouvelles contraintes ont amené le Comité de la réglementation comptable à élaborer un nouveau plan comptable, adaptant le plan comptable général aux associations et aux fondations 65 ( * ) , qui a été homologué par arrêté ministériel en date du 8 avril 1999, et qui est donc devenu applicable aux comptes afférents aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2000 66 ( * ) .

b) Sur le plan juridique

La judiciarisation des rapports sociaux, d'une part, le resserrement des contrôles pesant sur les associations faisant appel à l'épargne publique ou privée, d'autre part, a amené un certain nombre d'organismes d'intérêt général à structurer leurs procédures internes.

Notamment, l'extension du contrôle exercé depuis 1991 sur certains organismes 67 ( * ) faisant appel à la générosité publique 68 ( * ) par la Cour des comptes, par l'Inspection générale des affaires sociales (loi du 28 mai 1996) et par l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (depuis 1999), a contraint ces associations à réviser leurs procédures, dans le sens d'une plus grande transparence.

A titre d'exemple, en matière de recherche médicale, la Cour des comptes a vérifié que les procédures d'attribution des aides garantissaient que les projets et opérations soutenues revêtaient bien le caractère d'actions de recherche sur les maladies considérées 69 ( * ) . Elle a été conduite à relever que les procédures internes de décision et d'emploi des fonds n'étaient pas assez formalisées ou ne faisaient pas assez cas de l'examen scientifique collégial.

c) Sur le plan fiscal

S'il convient de rappeler que les organismes sans but lucratif échappent normalement aux impôts commerciaux que sont la TVA, l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle, aucune mesure de portée générale n'exonère les associations du paiement de ces taxes en raison de leur seule forme juridique.

Ceci signifie que, pour chaque acte de la vie courante, il faudra se demander si l'opération répond bien aux critères de non-lucrativité définis par l'administration fiscale et validés par le Conseil d'Etat 70 ( * ) , afin de déterminer si l'opération rentre ou non dans le champ d'application de chacun des impôts professionnels.

Même si les opérations en cause sont qualifiées d'activités lucratives, elles peuvent cependant échapper à tout ou partie de ces impositions si l'association réunit les conditions requises pour prétendre à la franchise des impôts commerciaux 71 ( * ) ou aux exonérations spécifiques applicables en matière de TVA 72 ( * ) ou d'impôt sur les sociétés 73 ( * ) .

La rapidité avec laquelle les dispositions fiscales évoluent place les responsables associatifs dans une situation de grande insécurité juridique.

On en donnera pour preuve les dernières modifications fiscales.

La loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 sur le mécénat, qui a modifié les règles pour les particuliers comme pour les entreprises relatives aux réductions d'impôts accordées en considération des versements effectués au profit des associations et des fondations, a amélioré la sécurité juridique des associations en matière fiscale :

- d'une part, l'article 757 du code général des impôts (CGI) dispose explicitement que les dons manuels ne pourront pas être taxés ;

- d'autre part, le caractère d'intérêt général des activités associatives, nécessaire pour bénéficier de certains avantages fiscaux, pouvant toujours être remis en cause par l'administration fiscale, un mécanisme de « rescrit fiscal » est créé permettant aux associations de savoir si elles peuvent être considérées comme d'intérêt général (l'absence de réponse au-delà d'une période de six mois valant décision implicite de reconnaissance).

Dans le cadre de la loi de finances rectificative n° 2003-1312 du 30 décembre 2003, les dispositions prévues en faveur des dons aux organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins à des personnes en difficulté, ont été rétablies 74 ( * ) .

Les associations bénéficient également des mesures prises dans le cadre de la loi du 17 janvier 2003 instituant l'allègement des charges sociales pour les bas salaires. Ces mesures sont cumulables avec d'autres dispositifs d'allègement de cotisations sociales comme le contrat « initiative emploi » et le contrat jeune en entreprise.

Enfin, on peut citer l'instruction du 29 juillet 2004 qui est venue préciser les conditions d'exonération des impôts commerciaux prévues en faveur des syndicats et associations exerçant une activité syndicale (activité d'étude et de défense des droits et des intérêts collectifs matériels ou moraux de leurs membres ou des personnes qu'ils représentent).

Cette complexité explique que, dans chaque direction des services fiscaux, l'administration ait désigné, depuis 1999, un « correspondant association » pour renseigner les associations sur leur situation fiscale.

* 59 L'Union Nationale des Associations de Parents et Amis de personnes handicapées mentales.

* 60 Compte-rendu du colloque organisé par l'AFTA le 4 octobre 2004, au cours duquel les présidents et responsables de grandes associations nationales ont débattu du thème du « recrutement des bénévoles ».

* 61 Elles conditionnent souvent l'octroi d'un financement public au respect d'obligations comptables (plan comptable, mode de présentation des comptes...).

* 62 C'est le cas pour les associations ayant une activité économique, pour celles qui émettent des obligations, pour les associations reconnues d'utilité publique lorsque l'agrément le prescrit, pour celles qui reçoivent des subventions publiques, pour les organismes de formation, les associations collectant la participation des employeurs à l'effort de construction, les associations d'intérêt général recevant des versements par l'intermédiaire d'associations relais et les groupements sportifs sous forme d'associations à statut particulier.

* 63 Art. L. 612-1 du code de commerce.

* 64 Art. L. 621-1 du code de commerce.

* 65 Les principales adaptations concernent les rubriques des « fonds dédiés » et les principes de comptabilisation des subventions et des ressources (des lignes spécifiques relatives aux ressources affectées provenant de la générosité publique, en nature, contributions volontaires, etc...).

* 66 Désormais, lorsqu'une association est soumise à des obligations législatives ou réglementaires d'établissement des comptes annuels, elle est tenue de se conformer aux modalités d'établissement de ces comptes annuels prévues par le règlement 99-01 du Comité de la réglementation comptable.

* 67 Il s'agit des organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle, ou concourant à la défense de l'environnement, souhaitent faire appel à la générosité publique dans le cadre d'une campagne menée à l'échelon national, soit sur la voie publique, soit par l'utilisation de moyens de communication.

* 68 Il faut que l'appel à la générosité publique soit fait dans le cadre d'une campagne menée à l'échelon national.

* 69 Extrait de la décision : « Le fonctionnement des comités scientifiques ne permet pas toujours d'établir une parfaite transparence quand leurs membres comptent parmi les principaux bénéficiaires des fonds ».

* 70 L'analyse de la non-lucrativité s'articule en trois étapes, sous forme de trois questions à aborder dans l'ordre suivant : la gestion de l'association est-elle désintéressée ? Sa gestion étant désintéressée, l'association concurrence-t-elle le secteur commercial ? L'association exerce-t-elle son activité selon des modalités de gestion similaires à celles des entreprises commerciales ?

* 71 Les associations bénéficient d'une franchise des impôts commerciaux pour leurs activités lucratives accessoires dont les recettes n'excèdent pas 60 000 euros par an, sous réserve que leurs activités non lucratives demeurent significativement prépondérantes (CGI art. 206-1 bis, 261-7-1°-b, 1147-II et 1478-VI).

* 72 En vertu de l'article 261-7-1° du CGI, certaines opérations sont expressément exonérées de TVA, sous réserve du caractère désintéressé de la gestion des organismes qui les mettent en oeuvre. Il s'agit des services à caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus aux membres de ces organismes, des opérations faites au bénéfice de toute personne et présentant un caractère social ou philanthropique et des prestations de services rendus par les organismes poursuivant des objectifs de nature philosophique, religieuse, politique, patriotique, civique ou syndicale, étant précisé que ces opérations doivent se rattacher directement à la défense collective des intérêts moraux ou matériels de ces membres.

* 73 Il s'agit des mêmes opérations que celles qui sont exonérées de TVA, auxquelles s'ajoutent notamment l'organisation de foires, expositions, réunions sportives et autres manifestations publiques organisées avec le concours des communes et des départements.

* 74 Le taux de la réduction d'impôt prévu à cet effet à l'article 200 du code général des impôts est porté à 66 % pour les versements effectués à compter du 1 er janvier 2004.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page