3. Les limites rencontrées par les populations dans leurs stratégies de survie
A l'occasion des périodes de « soudure », ou lors des crises alimentaires, la population nigérienne met en oeuvre des stratégies de survie permettant, soit de trouver des « aliments de pénurie », soit de trouver des ressources monétaires permettant d'acheter des vivres sur les marchés. Ces stratégies de survie ont trouvé en 2005 des limites. Le montant monétaire annuel dont peut disposer une famille en zone rurale a ainsi baissé en 2005, passant d'un montant estimé habituellement à 35.000 francs CFA à 20.000 francs CFA, en raison de l'importance et de la longueur de l'exode saisonnier.
La période de « soudure » est traditionnellement marquée par l'exode de bras valides et souvent des familles entières vers les gros centres urbains de la région, voire au-delà des frontières régionales ou même nationales. Les principales destinations sont : Maradi, Agadez, le Nigeria et la Libye. La pratique du petit commerce dans les pays frontaliers permet de constituer des revenus complémentaires 25 ( * ) permettant de faire face à la période de « soudure ». Si aucun chiffre n'a pu être établi, le déficit de population constaté à l'occasion des distributions gratuites de vivres du PAM (17 %) par rapport aux évaluations est sans doute lié à des migrations exceptionnelles, au Nigéria notamment, en 2005.
Les habitants des zones rurales pratiquent également la vente de bois, du fourrage, des sous-produits agricoles et des produits de cueillette (balanites, gomme arabique, kagna etc...). Ils récoltent et consomment des aliments de pénurie (son de céréales, farine de manioc, feuilles et fruits de certains arbres sauvages, etc...) leur permettant de subsister. Ces récoltes ont également été importantes en 2005.
Les habitants des zones rurales mobilisent enfin, et surtout, leur épargne, investie dans leur cheptel, en vendant des animaux de tous âges (petits ruminants essentiellement) pour s'approvisionner en vivres. En 2005, malheureusement, alors que le prix des céréales a atteint des niveaux record, la valeur des petits ruminants a beaucoup baissé. Ainsi, dans la région de Tahoua, la valeur d'un bélier est passée de plus d'un sac de mil à moins d'un demi sac. Dans les zones très éloignées des grands centres (Goudoumaria/ Maïné Soroa) et très enclavées (Kriguim/Gouré et Issari/Diffa), les prix relevés pour les petits ruminants moyens sont respectivement, pour ces trois zones, de 2.700 francs CFA, 3.000 francs CFA et 2.350 francs CFA pour le cabri et de 11.500 francs CFA, 7.500 francs CFA et 5.800 francs CFA pour le mouton. Compte tenu des prix pratiqués en août 2005 sur ces marchés locaux, il fallait vendre un troupeau de 13 cabris, ou six moutons moyens, pour acheter un sac de mil de 100 kilos au marché de Issari, 13 cabris, ou 5 moutons moyens au marché de Kriguim et 11 cabris ou 3 moutons moyens au marché de Goudoumaria. Sur ce dernier marché, même la vente d'un taurillon ne permettait pas d'acheter 2 sacs de mil, traduisant la dégradation, en termes relatifs, des conditions de vie des éleveurs, et notamment des nomades qui se consacrent exclusivement à l'élevage.
Toutes ces difficultés ont rendu dans certains cas nécessaires, des emprunts, la vente sur pied des récoltes de certains ménages, voire parfois même la mise en gage ou la vente de leurs champs. Les difficultés de l'année 2005 sont constitutives pour le Niger tout autant d'une crise alimentaire que d'une crise sociale.
* 25 Il y a également une aide déterminante des nigériens de l'extérieur.