7. Audition de Mme Katia Duhamel, directeur délégué de l'Association française des opérateurs de réseaux et services de télécommunications (AFORS Télécom), accompagnée de M. Jean-Luc Archambault et de M. Vincent Baudoin, consultants auprès de l'AFORS Télécom
Mme Katia Duhamel a tout d'abord fait savoir que l'AFORS Télécom regroupait la majorité des opérateurs alternatifs investissant dans le déploiement des réseaux.
M. Jean-Luc Archambault a indiqué qu'après s'être préoccupés, dans un premier temps, des réseaux de collecte de longue distance, les opérateurs alternatifs concentraient aujourd'hui leurs investissements sur l'accès, afin de fournir aux abonnés, à travers le dégroupage de la boucle locale en cuivre, l'Internet à haut débit. Il a précisé que ces investissements représentaient entre 100 et 200 millions d'euros par an pour chacun des principaux opérateurs du dégroupage.
En réponse à M. Claude Belot, rapporteur , qui s'interrogeait sur l'évolution du dégroupage, Mme Katia Duhamel a indiqué que notre pays avait, avec plus de 1,5 million de lignes dégroupées, rattrapé son retard en matière de dégroupage partiel, essentiellement grâce à la baisse des tarifs de location des fréquences hautes de la boucle locale imposée par l'ARCEP à France Télécom. Elle a souligné qu'il n'en était pas de même s'agissant du dégroupage total, qui permet aux opérateurs alternatifs de gérer toutes les fréquences de la boucle locale et dispense leurs clients de souscrire un abonnement à France Télécom, indiquant qu'il ne concernait encore qu'environ 90.000 lignes. Elle a fait valoir que les freins au dégroupage total tenaient à la fois aux tarifs de location excessifs pratiqués par France Télécom et aux difficultés d'ordre opérationnel rencontrées par les opérateurs le mettant en oeuvre.
Constatant que le prix moyen de l'abonnement à l'Internet à haut débit était moins élevé en France que dans d'autres pays européens, M. Claude Belot, rapporteur, s'est interrogé sur la pertinence d'une stratégie fondée sur la concurrence par les prix, craignant qu'elle ne fragilise les opérateurs et, en premier lieu, l'opérateur historique.
Mme Katia Duhamel a estimé que le marché et les prix devraient bientôt se stabiliser. Plaidant en faveur d'une plus grande transparence, elle a souhaité que les tarifs de location de France Télécom reflètent davantage le coût historique de construction du réseau et le coût de son entretien. Évoquant ensuite les initiatives des collectivités territoriales dans le domaine des télécommunications, elle a rappelé que les opérateurs alternatifs s'étaient à l'origine montrés prudents à l'égard de l'intervention publique dans un domaine aussi concurrentiel que les télécommunications. Elle a constaté que l'action des collectivités territoriales n'avait plus tant pour objectif la couverture du territoire en haut débit que le développement de la concurrence entre opérateurs. Elle a fait valoir que la création par celles-ci de réseaux de collecte intermédiaires destinés à relier les derniers points de présence des opérateurs aux répartiteurs de France Télécom favorisait la progression du dégroupage. Elle a précisé que la construction de réseaux concurrents à ceux de l'opérateur historique pouvait s'appuyer sur des infrastructures existantes, plaidant à cet égard en faveur d'un partage des infrastructures de France Télécom.
M. Jean-Luc Archambault a souligné l'importance de prix accessibles pour assurer une large pénétration du haut débit. Il a indiqué, à cet égard, qu'une étude commandée par l'AFORS Télécom au cabinet TACTIS montrait que lorsque plusieurs réseaux étaient en concurrence, les petites et moyennes entreprises (PME) disposaient de tarifs nettement plus intéressants pour l'accès au haut débit. Il a estimé qu'il conviendrait, à tout le moins, de permettre aux opérateurs alternatifs et, le cas échéant, aux collectivités territoriales, d'utiliser le génie civil de l'opérateur historique et a souhaité que la carte de ces infrastructures soit rendue publique.
M. Claude Belot, rapporteur, a souhaité savoir si le droit européen envisageait une séparation entre le réseau et les services dans le domaine des télécommunications, comme il le faisait en matière de transport ferroviaire et d'électricité.
Mme Katia Duhamel a répondu que, le droit européen ne se prononçant pas sur cette question, la France avait choisi de confier à l'opérateur historique le réseau construit sous un régime de monopole public et de favoriser l'accès des autres opérateurs à celui-ci. Revenant sur le rôle des collectivités territoriales, elle a précisé que l'AFORS Télécom n'était pas favorable à ce qu'elles deviennent opérateurs de services auprès des utilisateurs finaux et souhaitait que leur intervention ne suscite pas de distorsions de concurrence au détriment des opérateurs privés. Enfin, elle a estimé que les technologies alternatives au « Digital subscriber line » (DSL), telles que le World interoperability for microwave access (Wimax), n'avaient pas vocation à remplacer les réseaux de collecte, mais seulement à compléter, de manière ciblée, les technologies filaires.
M. Jean François-Poncet, président, a constaté que, sous l'effet de la concurrence, France Télécom développait aujourd'hui son offre, tant sur le plan spatial que d'un point de vue qualitatif, estimant que l'opérateur historique était en train de reconquérir l'image qu'il avait failli perdre lorsqu'il était en situation de monopole. Il a jugé légitime que les collectivités territoriales interviennent pour équiper les zones dont les opérateurs privés se détournaient.
Mme Katia Duhamel a fait observer que si la question de la couverture des zones blanches constituait bien un problème à court terme, la concurrence des opérateurs et la diversité des offres étaient le véritable enjeu à long terme, et qu'il convenait de veiller, dès à présent, à l'instauration de conditions de concurrence satisfaisantes sur l'ensemble du territoire.